Portrait : Du collège de Tounouma à une université de Chine, Mohamed Bachir Sanou trace sa route dans le domaine de l’intelligence artificielle
À seulement 24 ans, Mohamed Bachir Sanou, jeune burkinabè, est un prodige de l’ingénierie logicielle et de l’intelligence artificielle. De ses débuts au Collège de Tounouma Garçon à ses études de master en Software Engineering à l’université des sciences et technologies de Chine, il ambitionne de transformer les défis du Burkina Faso en opportunités grâce aux technologies innovantes.
Originaire de la ville de Bobo-Dioulasso, Mohamed Bachir Sanou est né et a grandi dans un environnement modeste où l’éducation était vue comme une priorité absolue. Très tôt, il se distingue par sa curiosité et son appétit insatiable pour les sciences. Son parcours secondaire au Collège de Tounouma Garçon ne fait que confirmer son talent. Brillant élève, il décroche son baccalauréat scientifique avec brio. « Depuis mon plus jeune âge, j’ai été passionné par la science et la technologie, une passion qui m’a conduit à créer mon premier jeu vidéo en 2D à seulement 13 ans. Mon parcours académique m’a permis de développer des compétences en développement logiciel, et mon implication active dans l’association Struct IoT (Une association étudiante fondée pour mettre en œuvre des solutions et des objets connectés) a renforcé mon intérêt pour les solutions technologiques innovantes, adaptées aux besoins du Burkina Faso », fait savoir le jeune étudiant.
Il s’intéresse particulièrement aux données, à l’intelligence artificielle et aux objets connectés, des domaines qu’il considère comme clés pour le futur. Déjà, son ambition est de contribuer à un Burkina Faso innovant et prospère, propulsé par les dernières avancées technologiques, et de créer des solutions qui améliorent le quotidien de ses compatriotes.
C’est après avoir obtenu son baccalauréat en 2018 au Collège de Tounouma Garçon, qu’il intègre l’Ecole supérieure d’informatique (ESI) de l’université Nazi Boni de Bobo Dioulasso, où il obtient une licence en informatique avec une spécialisation en ingénierie des systèmes d’information en 2022. Par la suite, il a poursuivi avec un master en science des données avant de se rendre dans l’empire du milieu pour un second master.
Une immersion dans le monde de l’ingénierie logicielle
En Chine, Mohamed Bachir intègre l’université des sciences et technologies de Chine (USTC), l’une des institutions les plus prestigieuses en matière de recherche scientifique et technologique. Elle est classée comme la sixième meilleure université en Chine. Située à Hefei, dans la province de l’Anhui, cette université est reconnue pour son engagement dans l’innovation et l’intelligence artificielle. Mohamed Bachir choisit de se spécialiser en ingénierie logicielle, un domaine exigeant mais en plein essor. Son choix est motivé par sa conviction que les technologies numériques peuvent résoudre des problèmes cruciaux au Burkina Faso, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture.
L’étudiant est en Chine depuis seulement quelques mois, mais son adaptation a été facilitée par le soutien de la section Chine de l’Alliance des jeunes pour la paix et le développement du Burkina Faso (AJPD-BF). Aussi, il indique que des étudiants burkinabè installés avant lui, l’ont aidé à se familiariser avec la culture et le quotidien chinois. En ce qui concerne ses études proprement dit, l’adaptation a été un peu plus délicate au début, principalement en raison des différences dans le système éducatif.
« Il est important de souligner que le gouvernement chinois met beaucoup de moyens en place pour aider les étudiants étrangers à se sentir bien et à s’intégrer. Bien que je suive un programme en anglais, je prends aussi des cours de chinois et de culture chinoise, ce qui contribue énormément à mon adaptation et m’aide à mieux comprendre mon environnement. Mon université dispose également d’une administration spécialement dédiée aux étudiants internationaux pour nous accompagner dans notre intégration et répondre à nos besoins », se réjouit le Burkinabè qui a constaté des différences majeures entre le système éducatif chinois et celui de son pays.
Selon lui, il y a une plus grande disponibilité des infrastructures éducatives telles que des salles de classe, des laboratoires et des bibliothèques en quantité suffisante. Ensuite, il apprécie le nombre d’enseignants qui est suffisant pour accompagner chaque étudiant, avec une spécialisation très poussée dans des domaines spécifiques. L’autre point essentiel qui l’a séduit, c’est l’intégration de la technologie dans le système éducatif. « En Chine, tout est interconnecté grâce à des systèmes informatiques qui facilitent l’organisation et le suivi des cours, tant pour l’administration que pour les enseignants et les étudiants. Dans mon université, nous choisissons nous-mêmes les cours que nous souhaitons suivre via le système informatique, ce qui offre une grande flexibilité dans l’organisation de notre parcours. J’ai également remarqué que la discipline et la rigueur sont des éléments fondamentaux dans l’enseignement en Chine, avec des attentes élevées vis-à-vis des étudiants », ajoute-t-il.
Un fort penchant pour les technologies de l’intelligence artificielle
Dans un pays où l’agriculture est le cœur de l’économie, Mohamed Bachir Sanou, veut révolutionner le secteur avec des recherches. Ce dernier a mené au sein du Laboratoire d’algèbre, de mathématiques discrètes et d’informatique (LAMDI) de l’université Nazi Boni, en collaboration avec l’équipe REC, un modèle d’intelligence artificielle capable de détecter précocement les maladies du maïs. Ce projet s’est déroulé en plusieurs phases stratégiques. Tout d’abord, une étude approfondie des recherches en IA pour l’agriculture a permis de cerner les approches les plus adaptées au contexte burkinabè. Puis, une analyse des besoins spécifiques des agriculteurs locaux a jeté les bases d’un système véritablement utile et accessible.
L’un des défis majeurs de cette innovation a été la collecte de données, indispensables pour entraîner le modèle d’IA. « Nous avions besoin d’images de plantes malades et saines, prises à différents stades d’infection. Cela nécessitait des ressources technologiques comme des drones, mais aussi des collaborations avec des agriculteurs pour identifier les zones touchées », explique Mohamed. Malgré les contraintes, avec l’équipe il a réussi à réunir des données suffisantes, combinant images locales et données en ligne. Ce système permettra aux agriculteurs d’identifier rapidement les signes précurseurs de maladies et d’intervenir à temps, réduisant ainsi les pertes agricoles.
Outre son projet agricole, Mohamed Bachir Sanou a exploré l’application de l’IA dans un autre domaine comme la gestion des ressources humaines. En utilisant la Reconnaissance optique de caractères (OCR), il a contribué au développement d’un outil permettant de vérifier automatiquement la conformité des fiches de paie avec les normes comptables. Cette innovation simplifie le travail administratif tout en garantissant la fiabilité des données. Pour lui, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle crucial dans le développement de l’Afrique. « L’IA peut transformer l’agriculture en améliorant les rendements, en optimisant les ressources et en réduisant les pertes dues aux maladies des cultures », affirme-t-il.
Il souligne également l’importance de concevoir des outils adaptés au contexte local, notamment en intégrant des langues et des formats accessibles aux populations rurales. Nonobstant son jeune âge, il rêve de collaborations internationales pour enrichir son expérience et ses connaissances. « C’est dans cette perspective que je suis venu étudier en Chine, un pays reconnu comme un leader mondial dans le domaine de l’intelligence artificielle » exprime-t-il.
Un engagement social fort
En parallèle de ses études, Mohamed Bachir consacre du temps à des initiatives communautaires. Il anime régulièrement des séminaires en ligne destinés à inspirer d’autres jeunes africains à explorer les opportunités offertes par les métiers du numérique. Il participe également à des hackathons et à des plateformes collaboratives de codage, où il partage ses connaissances tout en apprenant des autres. Un projet qui lui tient particulièrement à cœur est celui de créer une plateforme éducative destinée aux élèves des zones rurales du Burkina Faso.
Cette plateforme utiliserait l’intelligence artificielle pour personnaliser les parcours d’apprentissage en fonction des besoins spécifiques de chaque élève, leur offrant ainsi une meilleure chance de réussite scolaire. « Je veux que les enfants burkinabè aient accès à des outils pédagogiques modernes, même s’ils vivent dans des zones éloignées des grandes villes », affirme-t-il avec détermination.
Bien que Mohamed Bachir admire l’environnement technologique de la Chine, son ambition ultime reste de retourner au Burkina Faso pour mettre son expertise au service du développement de son pays. Il rêve de créer une entreprise technologique locale qui emploierait de jeunes talents burkinabè et contribuerait à l’émergence d’un écosystème numérique dynamique.
« Le Burkina Faso a un immense potentiel en matière de développement technologique. Avec les bonnes infrastructures et un transfert de compétences, nous pouvons rivaliser avec les plus grandes nations », soutient-il avec optimisme. Après l’obtention de son master en Chine, ses objectifs professionnels sont de contribuer activement au développement technologique du Burkina Faso et de l’Afrique. Mais dans un premier temps, il souhaite acquérir de l’expérience auprès d’entreprises internationales pour approfondir ses compétences, découvrir des pratiques innovantes et se familiariser avec des projets à grande échelle.
Farida Thiombiano
Lefaso.net