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Burkina : L’association des éditeurs dénonce une piraterie à ciel ouvert des manuels scolaires

Publié le jeudi 14 novembre 2024 à 22h58min

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Burkina : L’association des éditeurs dénonce une piraterie à ciel ouvert des manuels scolaires

La piraterie dans le milieu du livre est un secret de polichinelle. Des livres, romans en passant par les manuels scolaires, aucun document n’échappe à ce phénomène. Constatant avec désarroi la piraterie à ciel ouvert des documents scolaires, l’Association des éditeurs du Burkina Faso (ASSEDIF) a organisé une conférence de presse ce jeudi 14 novembre 2024 sur le thème suivant : « Livres, manuels scolaires et piraterie au Burkina Faso : pratiques, responsabilités, conséquences ». Au cours de cet échange avec les journalistes, invite a été faite à l’Etat, à jeter un regard sur ce secteur et à sévir face à ce phénomène de la piraterie.

Au Burkina Faso, l’édition des manuels scolaires relève du monopôle de l’Etat. C’est une politique voulue par les dirigeants du pays pour mettre les manuels scolaires à la disposition des apprenants. « C’est en vertu de l’arrêté n 0045/MENACAB/DPFC du 06 septembre 2021, l’Etat rend gratuit le manuel scolaire. Se basant sur ce texte, il est formellement interdit de vendre le manuel scolaire et les supports didactiques au sein des écoles et établissements scolaires au Burkina Faso. Cette disposition fait obligation à l’Etat de disponibiliser les manuels scolaires dans toutes les matières, pour toutes les classes et dans tous les ordres d’enseignement », a rappelé Jean Baptiste Sedogo, des éditions CEPRODIF.

Cependant, jusque-là, l’Etat a opté pour le manuel scolaire unique. « Cela veut dire que par classe, pour chaque matière, il n’y a qu’un seul manuel... Jusqu’ à très récemment, les manuels scolaires étaient édités par des éditeurs étrangers et les financements étaient essentiellement octroyés par la Banque mondiale. De plus en plus, on peut noter quelques tentatives d’ouverture vers les éditeurs privés locaux. Mais cette ouverture n’est pas totalement franche et la vraie raison avancée est que les éditeurs locaux n’en sont pas capables », a-t-il relevé.

« On ne peut pas développer un pays et plus particulièrement l’industrie du livre avec du faux », Hermann Somé

En 2019, la direction des marchés publics (DMP) du ministère de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales (MENAPLN) sélectionnant six maisons d’édition pour compétir en vue d’être attributaires de l’édition de quatre manuels scolaires, des guides et des cahiers d’activités du CP1 et du CP2. Les matières concernées étaient les mathématiques et le français. Pour l’exécution du marché, deux éditeurs privés locaux ont été retenus. Le travail a été fait et les livres ont été mis à la disposition des écoles en 2022/2023 pour le CP1 et en 2023/2024 pour le CP2.

Toutefois, les clauses du contrat faisaient obligation aux éditeurs de renoncer à tous les droits sur l’édition de l’ensemble de ces manuels. Et sur un besoin évalué à trois millions, seulement 600 000 manuels ont été édités. « Les éditeurs concernés ne pouvaient pas reproduire lesdits manuels à leur compte et les vendre. En son temps, nous avons attiré l’attention du ministère sur deux préoccupations majeures : le nombre des exemplaires produits étaient largement en deçà des besoins réels en manuels scolaires du pays ; l’insuffisance desdits manuels allait développer une piraterie que le ministère ne pourrait pas contrôler », se rappelle le directeur de la maison CEPRODIF.

Quelques exemplaires de livres interdits de vendre, achetés par l’ASSEDIF, en illustration du piratage des manuels scolaires

Malgré l’assurance faite par le ministère de se pencher sur ces questions, le constat aujourd’hui est alarmant. « Tous les livres de mathématiques et de français se sont retrouvés sur la place du marché, vendus au vu et au su des autorités. Les éditeurs concernés, bien que n’étant pas détenteurs des droits, ont adressé des correspondances aux autorités de la Direction générale de la recherche en éducation et de I’ innovation pédagogique (DGREIP), devenue aujourd’hui Direction générale de la qualité de l’éducation formelle (DG-QEF). Une correspondance a aussi été adressée au ministre de l’éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales. Nous voulions attirer leur attention, leur demander de prendre leurs responsabilités et d’arrêter ce délit de contrefaçon. Avons-nous seulement été entendus ? Je dirais que non. Même la demande d’audience adressée au ministre à l’époque n’a pas reçu une réponse favorable. On ne sait même pas si le ministre l’a reçu », a déploré le porte-parole à cette conférence de presse.

« Le délit se poursuit et il n’y a aucune réaction de la part des autorités. C’est comme si dans notre administration publique, il y avait des complices », Jean Baptiste Sedogo

Pour éviter que l’industrie du livre ne sombre pas, les éditeurs attendent de l’Etat qu’il continue dans le sens de l’ouverture de l’édition des manuels scolaires. « Mieux, que l’Etat confie à un certain nombre d’éditeurs privés locaux l’édition de certains manuels scolaires ; qu’il définisse un cahier de charges pour permettre aux éditeurs privés locaux d’obtenir des agréments pédagogiques pour éditer à leur compte des manuels scolaires. Cela voudrait supposer que la politique du manuel scolaire unique soit levée ; que la lutte contre la piraterie de livres et particulièrement des manuels scolaires soit plus ferme ; que les cadres des ministères en charge de l’éducation de base et de l’enseignement secondaire cessent de s’organiser en commission de rédaction et à coups d’ateliers pour éditer les manuels scolaires. Cela est contre-productif pour notre pays car malgré leurs compétences, ils ne pourront jamais compétir à des marchés internationaux d’édition de manuels scolaires. Seuls les éditeurs privés peuvent le faire, à condition que I’administration publique leur en donne les capacités. De plus, les délais d’édition sont exagérément longs. La preuve est que les manuels du CEI et du CE2 pour les mêmes matières dont I’édition a commencé depuis 2022 ne sont toujours pas disponibles ; que le gouvernement avec en tête les ministres en charge de l’éducation mène une lutte implacable contre les pirates et leurs commanditaires », sont les propositions faites par l’ASSEDIF.

Erwan Compaoré
Lefaso.net

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