Burkina/Menace sur la biodiversité : « Il est possible d’inverser la tendance », selon Pr Amadé Ouédraogo
Dans cette interview accordée à votre journal en ligne Lefaso.net, notre spécialiste en changement climatique, le professeur titulaire de biologie et d’écologie végétale, Amadé Ouédraogo, nous dit tout sur la biodiversité. Il évoque également les menaces sur la faune et la flore, tout en tirant la sonnette d’alarme pour une prise de conscience immédiate.
Lefaso.net : Dans cette actualité de changement climatique, on attend beaucoup parler de biodiversité. Pour être plus simple, de quoi s’agit-il ?
Pr Amado Ouédraogo : La biodiversité ou diversité biologique est la diversité du vivant. Autrement dit, c’est toute la variabilité qui caractérise le monde vivant, à savoir les plantes, les animaux, les champignons et les micro-organismes. Mais cette biodiversité comporte, il faut le souligner, différents niveaux que sont le gène, l’organisme, la population et l’écosystème. La diversité biologique se résume aux différences qu’il y a entre les êtres vivants d’une même espèce ou d’espèces différentes en termes d’apparence (forme, taille, etc.) et de comportement (alimentation, reproduction, communication, etc.). Ces différences sont portées par les gènes, mais ils sont aussi en partie façonnées par l’environnement dans lequel vit l’individu.
Quel est l’état de notre biodiversité ? Est-elle menacée ?
Globalement, il faut souligner que la biodiversité est menacée dans le monde, et au niveau national, en se basant sur la Monographie nationale sur la diversité biologique au Burkina Faso publiée en 2020, il y a également des défis à relever en matière de conservation de la biodiversité face aux menaces. Au titre des menaces, il y a notamment la pression anthropique, liée directement aux activités de l’homme.
Mais il y a aussi comme facteur de menace les effets néfastes du changement climatique. Revenant sur la Monographie nationale sur la diversité biologique au Burkina Faso, le point fait état de 531 espèces de plantes ligneuses, 1 779 espèces de plantes herbacées, 301 espèces de plantes cultivées, 26 espèces de fougères, 636 espèces d’algues, 128 espèces de champignons macroscopiques, 28 espèces de champignons microscopiques.
En matière d’animaux, l’on dénombre 120 espèces de poissons, 520 espèces d’oiseaux sauvages et 23 races d’oiseaux d’élevage, 140 espèces de mammifères sauvages, 91 races de mammifères d’élevage, 51 espèces de chauves-souris et 104 espèces de reptiles. Beaucoup parmi ces espèces sont menacées, à des degrés divers, du fait de la destruction de leurs habitats mais aussi par la prédation de l’homme, tout ça exacerbé par la péjoration climatique. Certaines espèces d’apparence abondante sont en réalité menacées à cause des difficultés de renouvellement de leurs populations ; c’est le cas du karité.
Mais voyant toutes ces menaces, qu’est-ce qu’il faut faire pour éviter que tout disparaisse un jour ?
Il faut dire qu’au stade où nous sommes, la situation peut encore être rattrapée. Il est possible d’inverser la tendance. Mais pour que cela puisse se faire, et éviter le pire, il faut l’engagement collectif et individuel, la prise de conscience pour un changement de comportement. Il faudrait aussi mettre en œuvre des outils efficaces de répression qui devront dissuader les personnes réfractaires à la sensibilisation.
Dans le contexte de biodiversité, on parle également de « services écosystémiques ». En quoi consistent-ils réellement ?
Les services écosystémiques appelés également services écologiques sont les biens et services générés par l’environnement, dont l’homme peut se procurer, directement ou indirectement, pour satisfaire ses besoins quotidiens. Il s’agit de tout ce que la nature est capable de nous donner. Dans la production de ces services, la biodiversité joue un rôle fondamental. Les services écologiques sont vitaux pour toutes les espèces. L’on distingue quatre catégories de services écosystémiques, à savoir les services d’approvisionnement, les services de régulation, les services de soutien (support) et les services culturels (socio-culturels).
Dans le lien entre les services écosystémiques et la biodiversité, il faut évoquer la notion de « Ecological Footprint », l’empreinte écologique, qui traduit l’impact négatif de l’homme sur les ressources naturelles. L’empreinte écologique mesure le degré de pression que les humains exercent sur les ressources naturelles disponibles dans leur environnement. Il y a un fait inquiétant relativement à cet indicateur d’état de santé de notre planète, car depuis plusieurs années, il est démontré que la population humaine finit de consommer toutes les ressources que la Terre est capable de produire en une année en moins d’une année. C’est ce que l’on appelle le jour du dépassement qui s’est situé au 1er août 2024 cette année. Cela veut dire que depuis le 1er août dernier, nous vivons à crédit. Les causes sont le gaspillage, la production énorme de déchets, la pollution, l’exploitation anarchiques des ressources naturelles.
Votre mot de fin ?
C’est de dire que ma conviction est que « à chaque personne est allouée une certaine quantité de ressources à consommer et le jour où elle est épuisée Dieu la rappellera ». Donc, tenons compte de cela et adoptons des comportements responsables vis-à-vis des ressources à notre disposition en les utilisant de façon rationnelle, afin de les sauvegarder pour nous et pour les générations futures.
Interview réalisée par Yvette Zongo
Photo et vidéo : Auguste Paré