Disparition de Me Frédéric Titinga Pacéré : "Un dinosaure de la culture africaine et burkinabè s’est endormi dans le sommeil des justes", Dr Ousséni Compaoré

Dans cette tribune parvenue à la rédaction de Lefaso.net, le Dr Ousséni Compaoré, Médecin Gynécologue obstétricien rend hommage au premier avocat burkinabè et premier bâtonnier, Me Frédéric Titinga Pacéré décédé ce 8 novembre 2024. Dr Compaoré rend hommage à "l’homme aux multiples casquettes, travailleur acharné, toujours débordant d’imagination, profondément attaché à sa culture, à la terre de ses pères". Il dit garder de Maitre PACERE "le souvenir d’un homme qui a atteint le sommet dans l’exploration du monde moderne mais qui est resté attaché à ses valeurs culturelles dont il a fait la promotion tout au long de sa vie".
Maitre Titinga Frédéric PACERE
Homme de droit
Homme de culture
Homme des Arts et des Lettres (avec une multitude d’œuvres littéraires à son actif dont deux me reviennent plus souvent à l’esprit : « Ainsi on a assassiné tous les mossé » et « Poèmes pour l’Angola »)
Nous avons eu l’insigne honneur de côtoyer brièvement l’illustre disparu au cours de l’année académique 1996-1997 alors que nous étions étudiants à l’Université de Ouagadougou, actuelle Université Professeur Joseph Ki-Zerbo.
Pour la petite histoire, nous étions étudiants en Médecine de la 4ème à la 7ème année, militants au sein d’une association dénommée « Association Médecine Solidarité », à l’initiative d’Emile Birba, Médecin Pneumologue de nos jours. Nous étions en collaboration avec des amis étudiants en Médecine et en Pharmacie de Tours en France, réunis dans une association qu’ils avaient nommée « Association Bebtinga » pour dire selon eux « la maladie, l’ennemie ».
Nos camarades tourangeaux faisaient la collecte de médicaments d’usage courant ainsi que des consommables médicaux qu’ils apportaient avec eux pendant les vacances à Ouagadougou. C’est ainsi que les deux équipes d’étudiants burkinabé et français se déportaient à Manéga pour un séjour relativement court (quelques jours) à Manega, Ourgou et Zitenga. Mais la base était Manéga.
Les anciens camarades se reconnaitront aussi bien du côté du Burkina (Marcelline Yaméogo actuellement Professeure Titulaire de Médecine interne, Chantal Bouda, Pédiatre, Augustin Zeba, Médecin- Chercheur, Dakaboué Mandi alias Dak, Cardiologue de nos jours) que de l’hexagone (Hélène Ansquer, les deux Nicolas, Claire Moreau, Sarah Jegou) ……Je pourrai en oublier certains !
Maitre PACERE se chargeait de presque tout pour notre séjour : nous offrant gracieusement la maison des jeunes pour nous abriter, organisant nos rencontres d’échanges avec son prédécesseur le Chef de Manéga, nous trouvant par l’intermédiaire de Feu le papa Soré Halidou un pied-à-terre à Ourgou, que dire du musée de la bendrologie que nous pouvions visiter à suffisance et cerise sur le gâteau, nous avions pour guide, le géniteur de la bendrologie himself. Il y a beaucoup de souvenirs dans les échanges ; curieux nous ne tarissions point de questions et chaque question trouvait une réponse appropriée.
Nous organisions des consultations médicales foraines et nous appuyions l’infirmier du dispensaire, ancêtre du CSPS de Manéga, un certain Jean si ma mémoire ne me trahit pas. Jean était un agent dévoué à la tâche, engagé pour la santé des populations, toujours disponible et résolument infatigable. Les médicaments et consommables apportés par nos amis de Tours participaient à étoffer l’offre de service du dispensaire ne serait ce que pour quelques jours. Ce séjour au village de Maitre PACERE est resté gravé dans notre mémoire collective et particulièrement pour moi parce que cela a contribué à ma préparation pour rejoindre mon premier poste dès la fin de mes études médicales, dans la région du Centre-Est.
Je garde en Maitre PACERE le souvenir d’un homme qui a atteint le sommet dans l’exploration du monde moderne mais qui est resté attaché à ses valeurs culturelles dont il a fait la promotion tout au long de sa vie.
Deux de vos innombrables citations continuent d’illuminer mes pensées : « Si la termitière vit, qu’elle ajoute de la terre à la terre » et « Si la branche veut fleurir qu’elle honore ses racines ».
Je dirai qu’un dinosaure de la culture africaine en général et Burkinabé en particulier s’est endormi dans le sommeil des justes.
Maitre PACERE, vous avez vécu utile et vous vivrez éternellement car d’une part « les morts ne sont pas morts… » et d’autre part « la termitière vit ».
C’est donc avec fierté, reconnaissance et déférence que j’écris ces lignes à votre égard.
Vous êtes une source intarissable d’inspiration pour tant de générations.
Dormez auprès des aïeux et dans la paix du père céleste, Naba PANANTUGRI.
Par Dr Ousséni COMPAORE
Médecin Gynécologue Obstétricien
Chevalier de l’Ordre du mérite