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Décès de Me Titinga Pacéré : « Il est mort les armes à la main », témoigne le Trésor humain vivant Konomba Traoré

Publié le dimanche 10 novembre 2024 à 21h35min

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Décès de Me Titinga Pacéré : « Il est mort les armes à la main », témoigne le Trésor humain vivant Konomba Traoré

Le Burkina Faso a perdu ce vendredi 8 novembre 2024, une figure emblématique : Me Titinga Frédéric Pacéré, premier avocat du pays, éminent homme de lettres et défenseur des droits humains. À 81 ans, il laisse derrière lui un héritage profond et varié, célébré bien au-delà de sa carrière juridique. Parmi les témoignages recueillis, celui de Konomba Traoré, Trésor humain vivant et adepte des traditions ancestrales, retient particulièrement l’attention. Pour lui, le patriote Me Pacéré est mort les armes à la main.

Lefaso.net : Comment avez-vous rencontré Me Titinga Pacéré ?

Konomba Traoré : J’ai rencontré Me Titinga Pacéré il y a plus de 40 ans. J’ai fait d’abord sa connaissance en tant qu’homme de lettres en 1968. C’était dans le cadre d’un concours de littérature où j’avais écrit un recueil de contes qui a obtenu deux fois le premier prix. J’étais parti présenter l’ouvrage à Me Pacéré, qui m’avait beaucoup encouragé à l’époque. On devrait appeler Me Pacéré Titinga “Grand Prêtre’’.

Parce que c’était un homme extrêmement intelligent au regard de ses nombreuses distinctions sur le plan mondial, tant dans le domaine de la littérature que dans le secteur de la justice, pour avoir été un excellent avocat tout au long de son parcours. Il était aussi un grand traditionaliste, un connaisseur émérite de la culture de son ethnie, l’ethnie moaga, un fin connaisseur de l’histoire de l’Afrique et ses traditions, un homme très cultivé dans l’histoire du monde. Il était très attaché au respect de la morale africaine.

Qu’est-ce qui vous a marqué chez Me Pacéré ?

C’est sa sagesse et le respect qu’il avait pour tout le monde ! il était gentil envers tous. Il était parfaitement humain. Il était généreux. Car il aimait rendre service aux gens. Il était passionné de tout ce qui est lié à la culture et des savoirs endogènes.

Quelle est l’anecdote qui vous vient en tête quand vous pensez à lui ?

Il m’a dit un jour : la haute taille d’un individu ne fait pas l’homme. L’homme ne doit pas être apprécié en fonction de ses qualités physiques ni de son statut. Il doit être apprécié tout simplement en fonction de son utilité sociale, sur ce qu’il a rendu comme service à son prochain et à l’humanité. Chacun en venant dans ce monde disait Me Pacéré, doit poser des actes qui honore sa personne et l’essence humaine.

Quel sentiment avez-vous après avoir appris son décès ?

C’est un grand homme que le Burkina Faso et l’Afrique tout entière perdent. Parce que c’était aussi un panafricaniste. Il ne savait pas faire de différence entre le Burkinabè et le Rwandais, entre le Burkinabè et le Malien. Pour lui, l’Afrique est une seule entité, un seul village. C’est pourquoi, il a toujours œuvré pour la paix. Il a fondé d’ailleurs, des associations et des mouvements pour œuvrer en faveur de la paix.

Même dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il était un Volontaire pour la défense de la patrie (VDP). Sur demande des autorités, Me Pacéré et moi avions participer à la sensibilisation des VDP dans certains villages. Bien qu’il n’était pas en pleine forme, il se débrouillait toujours pour être à tous les rendez-vous. C’était notre doyen, notre porte-parole. Alors qu’il était le Naaba de Manéga, il a toujours mené la lutte pour la défense de la culture nationale et le culte des ancêtres.

Je l’appelais souvent pour avoir de ses nouvelles et un jour dans la nuit, il m’a dit ceci : « Konomba tu as vu ce que notre Premier ministre a dit sur les traditions ? ». Ensuite, il a dit bref, qu’il va me donner le proverbe suivant : « Plus le singe grimpe haut, plus il expose son derrière ». Me Pacéré était en effet, une personne qui était plein de proverbes et de “Zabyouré’’. Les Zabyouré sont les devises que prononcent les chefs mossis avant d’être intronisés. Me Pacéré était doté d’une mémoire incroyable, semblable à une mémoire d’éléphant. Il retenait les moindres détails des choses. C’était un homme extraordinaire. Il est mort les armes à la main. Que les ancêtres l’accueillent bien dans l’au-delà. Parce qu’il a fait son temps et s’est rendu utile à la société dans laquelle il a vécu, à toute l’Afrique et dans le monde. Car il faisait des conférences partout dans le monde.

Quel est votre message à l’endroit de la famille éplorée ?

Lors de la Semaine nationale de la culture (SNC) 2022, le président du Faso nous avait reçus. Mais avant d’être reçus, nous étions logés dans un hôtel où Me Pacéré a joint au téléphone l’une de ses filles en ma présence. Il a dit : « Tu connais Konomba ? ». Elle a dit oui je le connais. Puis il a affirmé : « Mais c’est un homme de culture incroyable ! ». J’étais tellement étonné de la façon dont il m’a magnifié. Et je lui ai répondu non grand frère. C’est toi le grand maître du savoir ! Tu es plein de sagesse, de culture, d’intelligence… Tu as tout pour être le brillant homme.

Mais comme c’était quelqu’un de humble, il s’avait aussi reconnaître la valeur des gens. Je fais partie de ces personnes-là qu’il a beaucoup admiré et à qui il a donné de nombreux conseils.

Donc, les Trésors humains vivants perdent malheureusement ainsi, leur porte-parole. À l’endroit de la famille éplorée, je dirai que ce n’est pas seulement l’homme de la famille Pacéré, mais il est aussi l’homme de l’Afrique et du monde, de tous ceux qui se battent chaque jour pour une justice sociale, pour le développement endogène et la défense de la culture.

Lire aussi : Décès de Me Paceré : Le gouvernement salue la mémoire "d’une figure emblématique de la culture burkinabè et africaine"

Interview réalisé par Hamed Nanéma
Lefaso.net

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