Burkina/Agriculture : Vers une utilisation de boues de vidange séchées comme fertilisants
Ce vendredi 8 novembre 2024 marque le lancement officiel des activités du projet de « Mise à l’échelle de fertilisants organiques à base de boues de vidange sèches enrichies aux produits locaux (projet FONRID/UNB) ». Ce projet vise à mettre à la disposition des producteurs agricoles des fertilisants organiques de bonne qualité et économiquement accessibles, tout en préservant ainsi l’environnement. Le projet est porté par l’université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso, à travers son Laboratoire d’études et de recherche sur la fertilité des sols, système de production.
La mise en œuvre de cet ambitieux projet contribuera sans doute à l’atteinte des objectifs de l’initiative présidentielle dénommée « Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 ». Car la fertilisation des sols est l’une des conditions sine qua non d’une bonne production agricole au Burkina Faso. Ce projet permettra de mettre à la disposition des producteurs agricoles, des fertilisants organiques de qualité et économiquement accessibles, tout en préservant l’environnement. Sa mise en œuvre est rendue possible grâce au Fonds national de la recherche et de l’innovation pour le développement (FONRID).
Ce projet est l’aboutissement d’un long processus d’études et de recherches qui a débuté en 2020. Les résultats des travaux donnent aujourd’hui des formulations prometteuses des fertilisants organiques à base de boues de vidange séchées. Les investigations ont montré que ces fertilisants sont rentables économiquement. « Il y a un travail qui a été fait dans la caractérisation des boues de vidange, dans la mise au point de formulations afin que ces formulations puissent être utilisées pour fertiliser un certain nombre de cultures dont le cotonnier et le maïs », a expliqué le coordonnateur du projet, Dr Mamadou Traoré, enseignant-chercheur, spécialiste en science du sol.
Tirer le meilleur profit des potentialités agronomiques des boues de vidange
A l’image des autres pays en voie de développement, le Burkina Faso fait face à un grand problème d’assainissement, de par sa forte croissance démographique. Ainsi, une grande production de boues de vidange a lieu dans une grande partie du territoire. Face à cette situation, des stations d’épuration ou de traitement des boues de vidange ont été construites dans certaines zones à forte densité de population. Parallèlement, l’accès aux fertilisants organiques de qualité demeure une contrainte majeure pour les systèmes de production au Burkina. Cela a pour conséquence la dégradation continue de nos terres et l’appauvrissement des producteurs « car ils cultivent sur des substrats stériles ».
Ces boues de vidange présentent des valeurs fertilisantes importantes mais elles renferment beaucoup d’agents pathogènes qui limitent leur utilisation en agriculture. C’est pour contribuer à l’amélioration de la valeur agronomique et la réduction des risques sanitaires que ce projet s’est proposé de mettre en place une technique de valorisation à moindre coût et accessible. Ce projet a permis donc de tirer un meilleur profit des potentialités agronomiques des boues de vidanges et en même temps de protéger les populations des risques liés à leur réutilisation.
« L’urbanisation et les progrès réalisés dans le domaine de l’assainissement font qu’on a de plus en plus de boues de vidange séchées et déposées sans d’autres formes de transformation. Cela représente un danger pour la population (…). C’est ce constat qui a amené l’équipe de recherche sur les systèmes de production et de gestion intégrée de la fertilité des sols du Laboratoire d’études et de recherche sur la fertilité des sols à s’investir dans la valorisation des produits locaux pour les transformer en fertilisants facilement accessibles et avec des qualités agronomiques élevées », a dit le coordonnateur du projet, Dr Mamadou Traoré. Cette phase d’études a été rendue possible grâce à l’appui de l’ONEA.
Aujourd’hui, des formulations des fertilisants organiques à base de boues de vidange séchées ont été mises au point et les investigations ont montré que ces fertilisants sont économiquement rentables. Ne perdant pas de vue le rôle écologique que jouent les boues de vidange séchées dans la valorisation agronomique, les acteurs du projet ont jugé nécessaire de mettre à l’échelle ces fertilisants au profit des producteurs agricoles. Ce, grâce à un appel à projets du FONRID. « C’est cet appel à projets qui nous a permis d’avoir des moyens aujourd’hui pour mécaniser la production des amendements organiques à base de ces boues de vidange et d’aller vers ces producteurs pour leur montrer comment ces boues de vidange peuvent être utilisées pour améliorer les productions agricoles afin de lutter contre l’insécurité alimentaire. L’une des causes de l’insécurité alimentaire réside dans la dégradation des sols », a-t-il souligné.
Mettre à l’échelle l’utilisation de ces boues de vidange comme fertilisants
Cette cérémonie marque le démarrage officiel des activités du projet de « Mise à l’échelle de fertilisant organique à base de boues de vidange, sèches enrichies aux produits locaux ».
Elle a été présidée par le vice-président en charge de la recherche, de la prospective et de la coopération internationale, Pr Jean Louis Zerbo, représentant le président de l’université Nazi Boni. Selon lui, la baisse continue de la fertilité des sols joue négativement sur leur capacité de production et entraine par conséquence une baisse des rendements.
« Les boues de vidange entrent dans la grande famille des déchets et sont mal vues et constituent un problème pour la société. Amener donc les producteurs à comprendre que ces déchets peuvent être valorisés, c’est un défi très important. Ce projet va permettre ainsi de valoriser ces boues de vidange », a souligné le Pr Jean Louis Zerbo. Il permet de mettre à la disposition des producteurs, des fertilisants organiques de bonne qualité et économiquement accessibles. Le Pr Zerbo a salué le lancement du projet qui, dit-il, traduit la vitalité de la recherche au sein de l’UNB. Avant d’indiquer qu’il est important que « nous maitrisions notre sol, que nous entretenions notre sol tout en préservant la santé des producteurs en traitant ces boues de vidange de façon écologique ».
Ce projet sera mis en œuvre dans trois régions du Burkina Faso, notamment dans les Hauts-Bassins et les Cascades dans la production du coton et du maïs et dans le Plateau-central dans la production du moringa. Il est piloté par l’UNB avec la collaboration des partenaires tels que l’INERA Programme coton, l’UNPCB (faitière des producteurs de coton), l’Union provinciale des professionnels agricoles du Houet (UPPA Houet), des directions en charge de l’agriculture, l’ONEA, etc.
Romuald Dofini
Lefaso.net