1924 – 1932 : La politique cotonnière du gouverneur Hesling et la suppression de la Haute Volta

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Cinq années après la création de la Haute Volta, Hesling prit la mesure d’en faire un vaste champ de culture du coton. A partir de 1924, les Voltaïques sont contraints de cultiver le coton, et cette fois-ci en abondance pour les besoins industriels de la métropole. De l’avis de la métropole, c’est cette politique cotonnière qui a provoqué à partir de 1931 une crise économique et alimentaire grave et constituait l’une des raisons pour lesquelles une mission d’inspection a décidé de la suppression de la Haute Volta en 1932. En quoi consistait-elle cette politique cotonnière entreprise par le gouverneur Édouard Hesling ?
C’est à travers une lettre circulaire adressée aux commandants de cercles le 25 janvier 1925 que le gouverneur de la Haute Volta Édouard Hesling a ordonné la culture obligatoire du coton. Dans cette lettre, il exigeait aux commandants de cercles de prendre les mesures nécessaires pour que la culture du coton soit intensifiée et qu’elle dépasse celle consacrée à la consommation locale. « Je vous recommande de tenir la main à l’application de cette mesure, qu’il est de l’intérêt des indigènes d’accepter sans y faire obstacle par leur insouciance ou leur routine », insiste le gouverneur.
La production intensive du coton dans le plan du gouverneur Hesling devait permettre d’exporter une grande quantité pour le développement de l’industrie française. Dans une lettre adressée au gouverneur général de l’AOF, Hesling précise d’ailleurs le choix de sa politique cotonnière : « la question cotonnière a, comme vous le savez, retenu depuis longtemps mon attention, et dès que les soucis multiples occasionnés par l’organisation d’une nouvelle colonie me l’ont permis, j’ai concentré mes efforts sur ce point. La culture du coton pratiquée par les indigènes pour leurs besoins domestiques depuis un temps reculé était-elle susceptible d’être transformée en culture industrielle ? C’est la question que je me suis posée et que j’ai résolue par l’affirmative ».
Un service de textile fut institué le 24 avril 1924 et a avait pour objectif « la réalisation du programme général de production cotonnière ; d’intensifier immédiatement la production avec les moyens actuels ; d’étudier a) Les améliorations à apporter aux méthodes culturales des indigènes, b) L’établissement de fermes écoles de sélection et d’essais, c) le traitement industriel de la récolte et son évacuation vers la Côte d’Ivoire et le Soudan, d) le conditionnement du coton, e) l’élevage du mouton à laine ».
A l’exception du cercle de Dori, de Say et de Fada, la première campagne de 1924-1925 de production a concerné tous les cercles et a permis de récolter 3 528 tonnes de coton-graine, pour un résultat escompté de 3 350 tonnes. Ce bilan au-delà des prévisions est très satisfaisant et est attribué aux champs collectifs et par groupes. Ce mécanisme de production sera appliqué à la campagne suivante. Pour la campagne de 1926-1927, la production s’élèvera à 6 238 tonnes, un bilan encore satisfaisant.
La débâcle a commencé en 1927 lorsque le gouverneur Hesling, admis à la retraite, fut remplacé par le gouverneur Fournier. A la campagne de 1927-1928 la production a régressé jusqu’à 2 661 tonnes. Le nouveau gouverneur, tout furieux, est déboussolé. « Le nouveau chef de la colonie, le gouverneur Fournier, ouvre une enquête sur les causes de la régression de la production cotonnière : les réponses sont nombreuses et variées, avec un dénominateur commun, l’impopularité des méthodes utilisées pour faire produire du coton aux paysans. Le doute commence à apparaître sur le bien-fondé de la politique cotonnière du gouverneur Hesling », écrit Alfred Schwartz.
Les campagnes suivantes seront moins rentables et malgré les mesures entreprises par le nouveau gouverneur telles que la surpression des champs collectifs et la coercition imposée, la production cotonnière reste en deçà des attentes. La crise économique gagne la Haute Volta et la famine fait rage.
Une mission ordonnée par le ministre des colonies et conduite par l’inspecteur Bernard Sol sera dépêchée en 1931 pour décider de la suite à donner à la colonie de la Haute Volta. Cette mission pointera du doigt la politique cotonnière du gouverneur Hesling comme responsable de la crise économique et alimentaire. La Haute Volta n’étant plus viable, la mission a recommandé sa suppression, recommandation qui sera mise en œuvre en 1932 en partageant le pays entre la Côte d’ivoire, le Soudan et le Niger.
Bertrand Ouédraogo (collaborateur)
Lefaso.net
Référence
- Alfred Schwartz, in Burkina Faso, Cent ans d’histoire,1889-1990, p. 1300
– Gouvernement de la Haute-Volta, 1er Bureau A.E., Circulaire n° 162, in Rapport Sol n° 36, Annexe.
– Lettre au gouverneur général, cité in M.-C. Henry, 1988, p. 18.
– Rapport de l’inspecteur Duranthon, janvier 1925.