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Burkina : Dans sa forge traditionnelle, Gabin Balbéogo tente de résister aux sirènes de la modernité à Ouagadougou

Publié le mercredi 6 novembre 2024 à 22h10min

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Burkina : Dans sa forge traditionnelle, Gabin Balbéogo tente de résister aux sirènes de la modernité à Ouagadougou

Dans une rue de Ragnongo, à Ouagadougou, des coups rythmés de marteau résonnent depuis un atelier. C’est la forge de Gabin Balbéogo. Depuis plus de cinq ans, le jeune homme vit de cet héritage familial quelque peu métamorphosé par les réalités de la ville.

Vêtu d’un maillot jaune couvert de poussière et de suie, Gabin passe ses journées à jauger l’intensité des flammes pour travailler le fer. Le buste penché sur une grosse bûche, le jeune homme d’environ 1,70 mètre, face à son collègue, tient un fer rougi par le feu. Les deux forgerons tentent de fendre ce métal en deux. Chaque jour, en équipe, ils travaillent dans une parfaite harmonie. Mais ici, le chef de l’atelier c’est Gabin Balbéogo. Originaire de Manga, dans la région du Centre-sud, il est issu d’une lignée de forgerons.

La forge, dans sa famille, est bien plus qu’un simple métier, c’est une tradition, un savoir-faire sacré qui se transmet de génération en génération. Quoiqu’ayant perdu sa noblesse d’avant, le chef d’atelier ne tarit pas d’éloges sur ce métier traditionnel. « Étant le plus jeune des garçons, j’ai été confié à mon grand frère qui m’a tout appris de ce métier. Nous avons passé de longues journées près du feu pour que j’apprennent à fabriquer des outils mais aussi certains rites importants chez les forgerons », raconte le jeune homme en activant son feu.

Après avoir été sorti des flammes, ce fer est en train d’être fendu en deux

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L’apprentissage de cette activité a été périlleuse selon lui, avec des blessures fréquentes dues à la manipulation du feu dans son jeune âge. Les nombreuses cicatrices un peu partout sur son corps témoignent de ce fait. C’est avec le temps et l’expérience que la prudence s’est invitée comme un reflexe dans ses gestes. Il fait savoir que c’est un travail qui requiert à la fois de la technique et de la force physique. Gabin et son grand frère qui l’a formé, ont quitté Manga pour Ouagadougou où ils travaillaient ensemble. C’est en 2019 qu’il décide d’ouvrir son propre atelier car son frère avait d’autres projets. Le jeune homme a même un peu modernisé sa forge en utilisant une aération mécanique pour raviver les flammes.

Le jeune homme a appris le métier aux côtés de son grand frère

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Une activité encore utile

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le métier de forgeron n’est pas dépassé et reste utile. C’est ce que Gabin Balbéogo nous dit, même s’il reconnaît que l’importance n’est plus pareille avec la modernité. « Nous fabriquons des outils que les soudeurs ou les menuisiers ne peuvent pas faire. Et en plus, la forge permet de manier le fer comme on le souhaite. Pour les pioches, les dabas et autres, il faut forcément que ce soit le forgeron qui le fasse. Le travail se fait sur mesure et selon la demande, donc les gens nous font toujours appel. Ce n’est pas l’esthétique qui compte pour nous mais c’est la qualité et la solidité des objets », informe le métallurgiste traditionnel. Par ailleurs, la rareté des forgerons de plus en plus spécialement à Ouagadougou, lui permet de tirer son épingle du jeu. Avec son collaborateur, ils travaillent sur une commande de petites barres de fer pour la cuisine ; celles qui stabilisent les marmites de tô. Gabin se fournit en matières premières au marché ou auprès des collecteurs de vieux objets en métaux dans le quartier.

Le jeune forgeron envisage associer la soudure à sa forge

La forge, dit-il, perd de son authenticité et de son potentiel. Gabin déplore que personne ne s’y intéresse. A l’en croire, les jeunes préfèrent aller dans des ateliers de soudure plutôt que de venir dans une forge. « Ici, avec la chaleur, la fumée et les outils qui ne sont pas modernes, c’est épuisant donc il est difficile de garder un jeune longtemps. Seules les personnes qui viennent de familles de forgerons comme mon collaborateur comprennent réellement ce travail », indique Gabin assis dans son atelier.

La table de travail de Gabin Balgéogo : une bûche où il bat son fer avec un marteau

Malgré son amour pour cet art ancestral, il ne cache pas ses doutes quant à son avenir en tant que forgeron. « Plus tard, j’aimerais associer la soudure à cette activité pour répondre à des besoins divers », avoue-t-il. Contrairement à la forge, qu’il décrit comme un travail artisanal parfois peu valorisé, il voit dans la soudure une opportunité de gagner des revenus plus stables et de s’ouvrir à d’autres perspectives. En attendant de réaliser ses ambitions, Gabin reste attaché à son atelier. À travers lui, c’est toute une tradition qui est pérennisée en dépit du poids de la modernité et de la transformation sociétale.

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Farida Thiombiano
Lefaso.net

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