Guinée : Mamadi Doumbouya se "bombarde" général d’armée avec des titres honorifiques
Après avoir été élevé « à titre exceptionnel » à la dignité de Général de Corps d’Armée, en janvier 2024, le président guinéen depuis le coup d’Etat de septembre 2021, Mamadi Doumbouya, est passé le 1er novembre 2024, au grade de général d’Armée, grade suprême de l’armée en Guinée. Une ‘’promotion’’ qui intervient quelques jours après la montée en grades des dirigeants maliens et qui vient poser la question des auto-promotions en Afrique, tournées en dérision par certains citoyens africains, quand bien d’autres la jugent "logique et méritée".
En moins d’un an donc, Mamadi Doumbouya est passé du grade de général de corps d’armée (quatre étoiles) à celui de général d’armée (cinq étoiles). Parallèlement à sa promotion, le président Doumbouya a fait monter en grade d’autres de l’armée guinéenne (seize autres militaires ont été promus généraux et plusieurs officiers à la retraite ont désormais le rang de chevalier dans l’ordre national du Mérite).
Ces décisions s’accompagnent de distinctions pour le président Mamadi Doumbouya, qui a reçu la médaille de la Croix de guerre et la dignité de Grand-croix dans l’ordre national du colatier, la plus haute décoration honorifique de Guinée.
La série de décrets lue sur la télévision guinéenne justifie ces promotions et distinctions « en reconnaissance des éminents services rendus à la nation, pour la cohésion sociale, la cause de la paix, le renforcement et l’élargissement des liens de coopération entre les peuples » et « en reconnaissance de ses actes de bravoure remarquables dans l’accomplissement de sa mission ».
Déjà en janvier 2024, le service de communication de la présidence guinéenne expliquait à demi-mots que le colonel Mamadi Doumbouya s’est vu "obligé" d’accepter son élévation au grade de général de corps d’Armée, en reconnaissance des réformes rapides et majeures entreprises. « Cette distinction reflète la volonté collective des Forces de défense et de sécurité de consolider les avancées majeures et de renforcer le leadership du Chef de l’État dans le domaine militaire », avait justifié son service.
Avec ce haut grade qui s’ajoute depuis le 1er novembre 2024 (à l’occasion du 66è anniversaire de l’armée guinéenne), le président Mamadi Doumbouya devient le plus haut gradé de l’armée guinéenne, selon plusieurs médias locaux et étrangers. « Il accède ainsi au club des militaires guinéens les plus gradés de la République. Comme les anciens dirigeants les généraux Lansana Conté plusieurs années avant et Sékouba Konaté le 30 juin 2010, Doumbouya est désormais le militaire le plus élevé en grade en Guinée », présentent des confrères.
Cette décision suscite des réactions controversées au sein de l’opinion publique guinéenne, et même africaine ; les uns la qualifiant de "non sens" dans un contexte national d’austérité, y voyant surtout une volonté de prolonger son règne au pouvoir tandis que pour d’autres, cette promotion est bien méritée.
Dans l’une ou l’autre perception, ces décisions interviennent à un moment où le pouvoir vient de dissoudre (le 29 octobre) 50 partis politiques, 50 autres suspendus pour trois mois et 67 formations placées sous observation. " Assainissement du paysage politique", justifie le pouvoir, alors qu’au sein des Guinéens, nombreux pensent que cet acte vise simplement à écarter des acteurs politiques"pour ouvrir probablement grand, le boulevard au général Mamadi Doumbouya pour son maintien au pouvoir’’.
Le contexte est aussi fait de répressions et de « enlèvements » de leaders politiques et civils ainsi que de répressions contre les voix discordantes.
Cette actualité en Guinée arrive après celle au Mali, en mi-octobre 2024, où le président Assimi Goïta et ses compagnons ont été élevés aux rangs de généraux. Une annonce qui a également suscité un choc d’appréciations entre ceux qui applaudissent et ceux-là qui fustigent.
La Guinée et le Mali ne sont d’ailleurs pas des cas isolés dans les pays en transition en Afrique. S’il y a des militaires qui ont réussi à garder le grade qu’ils avaient à leur arrivée au pouvoir, ils sont aussi nombreux à se faire "bombarder" à des grades supérieurs. On a en souvenance le cas burkinabè, sous la transition de 2014-2015, avec le président du Faso puis Premier ministre, Isaac Yacouba Zida, passé de lieutenant-colonel à général. Une promotion qui sera remise en cause par le pouvoir qui lui a succédé.
O.L.
Lefaso.net