Élections aux États unis d’Amérique : En quoi nous concernent-elles ?
Le 05 novembre 2024, les Américains vont élire un nouveau président. Cette élection n’est pas comme les autres. Elle a connu des péripéties : un temps où la bataille avait lieu entre deux vieux, tous des hommes ayant pour l’un exercé la charge et l’autre le président en exercice ; la campagne a connu plusieurs rebondissements dont deux attentats contre le candidat Donald Trump et le retrait de la course de Joe Biden. L’arrivée de Kamala Harris la vice-présidente dans la course a relancé une bataille qui semblait perdue pour le camp démocrate et les deux candidats sont, semble-t-il, au coude à coude dans les sondages. C’est un scrutin serré à l’issue incertaine et le monde entier s’interroge sur ce que les États-unis lui réservent à l’issue de cette élection. Dans certaines parties du monde on n’attend pas l’issue des votes pour réfléchir sur la politique à leur égard de l’un ou l’autre candidat. Beaucoup de pays et d’institutions se sont préparées pour pouvoir défendre leurs intérêts selon que les urnes vont donner Donald Trump ou Kamala Harris.
En Afrique pouvons-nous dire que l’élection présidentielle dans le pays le plus puissant du monde ne nous intéresse pas ? Allons-nous dire que l’Afrique est pour les deux candidats, la quantité négligeable de leurs projets et refuser de voir et réfléchir sur les conséquences chez-nous ? Peut-on dire que le vainqueur de cette élection ne fera rien pour la paix en Palestine ou en Ukraine ? Nous devons aussi regarder quel sera le choix le moins dangereux pour le monde et pour nous quand bien même ce sont les Américains qui choisissent leur président.
Le monde est devenu un village planétaire et ce qui se passe aux États-unis peut nous toucher au Burkina. Et de surcroit ce pays est, malgré les multiples rivalités, la première puissance mondiale. Son influence n’est pas hégémonique mais elle est toujours forte et marque le monde. Nous avons des Burkinabè qui vivent aux Etats-unis et des Américains habitent aussi au Faso. C’est pourquoi on se doit de jeter un coup d’œil sur les programmes des candidats à l’élection présidentielle américaine et ce qui dans leurs prévisions peut avoir des répercussions sur la paix dans le monde et en Afrique. Il est bon de noter que même si le débat ne vole pas haut du fait du candidat Trump, une élection est un moment où les candidats s’affrontent sur des idées, des propositions de programme.
C’est un moment clé de la liberté d’expression et d’opinion. L’État reconnaît que chaque citoyen a le droit d’opiner sur la vie de la nation, et que cette diversité d’opinion n’est pas conflictuelle mais source de richesse et qu’en matière électorale, c’est à la population de déterminer les idées qui vont gouverner le pays pour le mandat et les autres idées auront à faire leur chemin au sein de la population pour gagner. Ne pas avoir les mêmes idées sur la marche du pays ne fait pas de vous des ennemis du pays comme le pense Donald Trump. Les électeurs sont censés choisir sur la base des idées et la manière de se comporter du candidat. Que disent Donald Trump et Kamala Harris de leur pays et du monde ? Quelles seront les relations de l’Amérique avec le monde à l’issue de l’élection ?
L’immigration est l’outil de la haine pour prendre le pouvoir
Si on observe les deux candidats leurs visions du monde est très différente. Donald Trump voit le monde comme une planète hostile aux Etats-unis. Selon son narratif tous les périls viennent de l’étranger. Donc il faut fermer les frontières, les fenêtres et les portes à ses immigrants qui viennent prendre le boulot des Américains, et de surcroit "manger leurs chiens et chats". C’est un mur barrière qu’il a commencé à bâtir à la frontière du Mexique durant son mandat et qu’il faudra étendre. Et s’il est élu, il prévoit une vaste campagne d’expulsion des immigrés. Aussi il voit le reste du monde, particulièrement l’Afrique, comme des pays de merde. Et durant son meeting à New York, le Porto Rico a été traité d’une île flottante d’ordures. Donald Trump promet s’il est élu d’empêcher l’accès des États-unis aux « communistes étrangers qui haïssent les chrétiens » ainsi qu’aux « djihadistes et sympathisants djihadistes ».
Il va rétablir le « Muslim Ban », instauré après les attentats du 11 septembre qui interdisait aux ressortissants de certains pays à majorité musulmane d’obtenir un visa. L’immigration est un sujet de prédilection dans les campagnes en Europe et aux Etats-unis pour les partis de droite et d’extrême droite. Les responsables de ces partis pensent que le monde doit être un espace ouvert à leurs capitaux et ressortissants qui peuvent aller partout piller, exploiter mais les populations de ces pays n’ont pas le droit de venir chez eux en Europe et en Amérique. Alors que l’une des raisons de cette migration est la pauvreté résultat de cette exploitation capitaliste et du changement climatique.
Pour lui, l’Amérique est envahie par des immigrés qui ne seraient que des criminels qui viennent vendre la drogue et tuer, s’il est élu ce sera la peine de mort pour les migrants condamnés pour des crimes. Kamala Harris est aussi contre l’immigration clandestine et, en tant que vice-présidente, elle avait négocié un accord avec les républicains pour déployer des milliers d’agents à la frontière et ouvrir la voie à la citoyenneté pour certains. Mais Donald Trump a cassé l’accord qui l’aurait privé de son thème de campagne favori et donner une victoire au camp démocrate sur le sujet. Les Etats-unis et le rêve américain sont basés sur l’immigration, l’arrivée des migrants dans un nouveau monde où tout est possible à celui qui travaille, où l’horizon n’est pas bouché par un roi. Personne, sauf les populations amérindiennes, n’est autochtone dans ce pays et leurs descendants sont les oubliés de l’histoire après le génocide de leurs ancêtres.
Quelle paix américaine ?
Au Proche Orient, chacun sait qu’Israël fait la guerre en Palestine au Liban et en Iran avec le soutien des États-unis dont la vice-présidente Kamala Harris. Le président Benjamin Netanyahou a en Donald Trump un chaud partisan qui s’alignera sur tout ce qu’il fera pour se maintenir au pouvoir. Par contre la candidate démocrate va mettre un holà à cette guerre qui tourne au génocide du peuple palestinien et à un conflit régional et avec les nations unis. Les deux candidats sont pro Israël.
Mais pour ce qui concerne la guerre en Ukraine, si Donald Trump gagne, Poutine a gagné car le républicain signera la fin de l’aide américaine à Kiev. Trump dit qu’il ne veut pas d’une troisième guerre mondiale et qu’il est pour la paix mondiale qui ne concerne pas la Palestine et le Proche Orient. Inutile de dire que Kamala Harris poursuivra ce que Biden a commencé, surtout qu’on annonce l’arrivée de troupes nord-coréennes en soutien à Moscou.
Les programmes des deux candidats semblent silencieux sur les guerres en Afrique qu’ils considèrent comme des conflits de basse intensité et qui aident les capitalistes à capter les ressources minières du continent.
Le réchauffement climatique
Les États- unis sont le premier responsable du dérèglement du climat parce qu’ils sont le premier pollueur, et que l’empreinte de leur mode de vie est la plus forte. Si Donald Trump gagne, il se retirera des accords et traités qui cherchent à traiter cette question de façon multilatérale comme il l’avait fait en 2017 pour l’accord de Paris. Car il considère que le réchauffement climatique est une invention pour contrer la puissance américaine.
Alors que la victoire de Biden a permis le retour de l’Amérique au sein des organisations internationales sur ces questions. Kamala Harris poursuivra cette politique si elle est élue essaiera selon son programme d’aller vers une justice environnementale, de renforcer la résilience de son pays face aux catastrophes climatiques et de responsabiliser les pollueurs. Elle veut en plus se servir de l’écologie pour créer des emplois et faire baisser les coûts de l’énergie. Ne pas agir pour sauver le climat c’est oublier que le changement climatique va augmenter les migrations.
A la veille de cette élection, on semble être à l’aube du réveil d’un volcan que l’on croyait éteint avec le vote des femmes. Kamala Harris ne se présente pas comme une femme candidate, elle ne s’habille pas comme une femme pour qu’on ne sorte pas le cliché de l’incompétence des femmes. Mais elle se bat pour les femmes, pour leur droit à l’avortement contre un Donald Trump qui a fait nommer des juges conservateurs qui ont abrogé le droit à l’avortement comme loi fédérale. Les femmes américaines feront-elles une révolution des suffragettes pour envoyer à la présidence pour la première fois une femme ?
Sana Guy
Lefaso.net