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Festival international Pulaaku : Faire de l’expression culturelle un facteur de construction de la paix au Burkina

Publié le dimanche 3 novembre 2024 à 21h45min

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Festival international Pulaaku : Faire de l’expression culturelle un facteur de construction de la paix au Burkina

La 6e édition du Festival international Pulaaku s’est ouverte le samedi 2 novembre 2024 dans les locaux du Centre national des arts, du spectacle et de l’audiovisuel (CENASA) à Ouagadougou. Placé sous le thème « Construire la paix avec nos expressions culturelles », cet événement annuel invite les Burkinabè et les passionnés de culture à explorer et à valoriser la richesse des traditions. Le festival vise à renforcer le dialogue social et la cohésion nationale. Placée sous le patronage du ministre d’État, chargé de la communication, de la culture, des arts et du tourisme, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, la cérémonie d’ouverture a été parrainée par le consul honoraire de la Gambie au Burkina, Hammadoun Dicko. Elle a réuni des officiels, des acteurs culturels et des invités de marque venus célébrer l’expression culturelle comme vecteur de paix.

La 6e édition du Festival international Pulaaku se déroule dans un contexte où le Burkina Faso fait face à des défis majeurs en matière de sécurité et de cohésion sociale. Dans un tel climat, le festival Pulaaku se présente comme un facteur de rapprochement et de dialogue entre les différentes cultures qui composent la nation. Ce festival apparaît comme une réponse symbolique et pratique aux besoins actuels du pays, en mettant en avant le rôle fondamental de la culture dans la construction d’une paix durable.

Après l’hymne national chanté en fulfuldé, plusieurs allocutions ont ponctué la cérémonie dont celles de Saamb-naaba Widpelogo, ministre des affaires étrangères du Rima de Busma, de L’Émir de Djibo, et du coordonnateur du festival, Boureima Barry. À travers des discours encourageants, ils ont souligné l’importance de l’identité culturelle dans la construction de la paix, en incitant les communautés à s’ouvrir les unes aux autres par la transmission de leurs valeurs.

L’hymne national chanté en chœur en fulfuldé par des étudiants de l’Université Joseph Ki-Zerbo

« Tout Peul devrait se sentir Moaga, Gourounga, ou Bobo »
Selon le Soulga Naaba de Boussouma, en raison de la vision et de l’esprit du festival, le “Pulaaku’’ pourrait être dénommé “Burkinaku’’. « Parce que ce sont des promoteurs qui travaillent à ce que tous les Peuls, dans l’unité, soient fiers de leur culture tout en se faisant connaître par les autres communautés. Tout Peul devrait se sentir Moaga, Gourounga, ou Bobo, et tout Bobo ou Moaga devrait pouvoir se sentir Peul également. Parce que nous sommes les mêmes. C’est Dieu qui a voulu que nous partagions tous la même terre et vivions ensemble dans le même pays. Alors, qui sommes-nous pour dire le contraire ? Quel intérêt avons-nous à travailler pour qu’il y ait des déchirures et des incompréhensions entre les différentes communautés ? », a-t-il questionné.

De l’avis du Saamb-naaba Widpelogo, ministre des affaires étrangères du Rima de Busma., tout le monde devrait travailler à ce que la compréhension et la cohésion puisse prévaloir sur toute chose, comme l’ont légué les ancêtres. « Dans la fondation même de certains royaumes, il y a eu des chefs peuls qui ont été des acteurs clés », a-t-il fait savoir.

« Nous souhaitons que ce festival soit davantage popularisé dans toutes les régions du Burkina Faso afin que les communautés puissent mieux se connaître », Saamb-naaba Widpelogo, ministre des affaires étrangères du Rima de Busma.

L’appel à la solidarité de l’Émir de Djibo

Le thème choisi pour cette édition, résonne particulièrement dans le contexte du Burkina Faso, pays aux multiples défis sécuritaires, où l’appel à la solidarité est plus que jamais d’actualité. L’Émir de Djibo, pour sa part, a souhaité que d’un commun accord, les différents leaders puissent conduire les uns et les autres à vivre ensemble « Avant la crise que nous traversons, nous vivions tous ensemble sans problèmes. Les Mossis vivaient avec les Peuls. Les Gourounssis vivaient avec les Peuls. Chez nous les Sonraïs et les Fulsés nous étions ensemble, et même parentés. Ma grand-mère paternel est Fulsé. Cela signifie qu’il y avait la cohésion entre nous », s’est-il remémoré.

L’Émir de Djibo a formulé ses bénédictions à l’instar de son prédécesseur, à l’égard du festival et de ses promoteurs. Avant de tenter d’expliquer ce que c’est “Le Pulaaku’’. « Le Pulaaku n’est seulement réservé aux Peuls. Le Pulaaku est une attitude et toute personne qui l’adopte, l’intègre en lui, bien que n’étant pas Peul », a-t-il indiqué.

« Puisse Dieu faire en sorte que ce festival traverse le temps et que sa vision soit adoptée par tous pour le bonheur du Burkina Faso », L’Émir de Djibo

Jusqu’au dimanche 3 novembre 2024, le festival propose un programme riche et varié dont des expositions d’artisanat, des performances de musique traditionnelle et moderne, ainsi que des danses. Les visiteurs ont également l’occasion de découvrir la richesse culinaire du terroir grâce à des stands de dégustation de spécialités locales.

Les organisateurs du Festival international Pulaaku ont souhaité faire de cet événement un espace de rencontre et d’échanges interculturels. En mettant en avant les expressions culturelles diverses du pays et de la région sahélienne, le festival permet aux participants de partager leurs histoires, leurs coutumes et leurs savoir-faire, renforçant ainsi l’unité et l’intercompréhension entre communautés.

« Je me suis vêtu de Faso Danfani pour vous parler des mariages interethniques qui sont une réalité au Burkina. Car mon épouse est de la communauté mossi », Boureima Barry, coordonnateur du Festival international Pulaaku

La culture, un élément fondamental pour le développement de l’Afrique

À l’instar du coordonnateur du festival, le maître de cérémonie, d’origine peule, s’est habillé comme les Bobo, qui sont les parents à plaisanterie des Peuls. Pour justement matérialiser et mettre en lumière la parenté à plaisanterie, un Bobo a co-animé la cérémonie. Ce qui a permis d’illustrer comment Peuls et Bobos vivent en parfaite cohésion grâce à cette valeur endogène.

Du point de vue de Boureima Barry, la culture est un élément important de la cohésion sociale. « La culture peut aider à renforcer les liens entre les membres des communautés et à promouvoir la compréhension mutuelle. C’est la motivation qui nous a conduit à mettre en place ce cadre de promotion de nos expressions culturelles et artistiques. Car nous sommes convaincus que le chemin du développement africain doit nécessairement passer par le développement du chemin de la culture. Le contexte de défis sécuritaires actuel, que connait notre cher pays, exige à tout Burkinabè de contribuer à sa manière à des actions structurantes, concourant à la consolidation de la paix et de la recherche de cohésion sociale. Le thème retenu pour la 6e édition du Festival international Pulaaku, vient nous rappeler que la diversité culturelle donne à notre vie sa richesse, sa couleur et son dynamisme. C’est une ouverture cognitive et intellectuelle, ainsi qu’un moteur de développement social et de croissance économique », a-t-il soutenu.

Pour Boureima Barry, la culture répond à une nécessité de promouvoir une nouvelle approche alternative axée sur la complémentarité, la démocratie, les droits humains, et la primauté de la loi dans la prévention de la radicalisation. Cette approche, souligne-t-il, consiste à promouvoir les relations de confiance entre les communautés, le dialogue et l’interaction, l’accès à une éducation inclusive et de qualité, la justice sociale et les luttes contre les discriminations.

« Se réjouir de la mort de son parent à plaisanterie est un malheur et non une jouissance », Hammadoun Dicko, Consul honoraire de la Gambie au Burkina, parrain de la 6e édition du festival

La parenté à plaisanterie, une force pour le vivre-ensemble

Avant de livrer son discours, le Consul honoraire de la Gambie au Burkina a aussi montré son attachement aux valeurs qu’incarne la parenté à plaisanterie, en la pratiquant devant le public. « Sambo ! Viens demander au petit Bobo d’aller chercher mon discours et me l’apporter ! », a-t-il ainsi plaisanté. Cette scène a été bien appréciée et applaudie par les participants, illustrant une approche de communion fraternelle.
Fidèle au festival international Pulaaku, depuis son lancement, le parrain de la présente édition, Hammadoun Dicko, a fait remarquer que la crise qui perdure au Burkina Faso est le fait de la perte de certaines valeurs. « Sinon qu’est-ce qui peut justifier qu’un Bobo aille tuer un Peul, ou un Mossi tuer un Samo, encore moins un Gourounssi tuer un Bissa ? Il faut donc que nous repartions vers nos valeurs.

Après avoir salué les efforts consentis par les organisateurs pour la réussite de l’évènement, monsieur Dicko a invité chacun à instaurer la richesse de leurs expressions culturelles comme moyen de construction de la paix au pays des hommes intègres. « Chaque culture possède ses trésors d’histoire, de musique et de danse, sans oublier nos traditions. Ces éléments ne sont pas seulement des témoignages de notre passé, mais aussi des points vers un futur harmonieux », a-t-il déclaré avec un air de conviction et de sérénité.

Ému par tout ce qui a précédé, le représentant du ministre chargé de la culture, Nestor Kahoun, a porté un message de soutien au festival, et un appel à la solidarité pour faire face aux défis qui s’imposent à la terre natale de feu Thomas Sankara

Lorsque les communautés partagent entre elles, leurs chants, leurs danses, et leurs histoires, elles partagent leurs âmes, elles ouvrent des portes et construisent des ponts invisibles qui les rapprochent, a-t-il présenté. « Pensons aux enfants qui chantent ensemble, pensons aux artistes qui collaborent ensemble, pensons aux communautés qui célèbrent leurs diversités. Il faut nous le rappeler que nos différences ne sont pas des barrières, mais des opportunités pour nous enrichir mutuellement », interpelle Hammadoun Dicko.

Paraphrasant feu Joseph Ki-Zerbo, historien et homme politique burkinabè, le consul honoraire de la Gambie au Burkina a rappelé la maxime suivante à l’assistance. « Dans le sang peul, se trouve du sang mossi, dans le sang mossi se trouve du sang bissa, dans le sang bissa se trouve du sang bwaba ». Une citation qui met bien en exergue l’interconnexion profonde des identités culturelles au Burkina Faso.

Visite des expositions du festival international Pulaaku 2024

Ce propos rappelle en effet, que les frontières ethniques sont bien souvent des constructions humaines qui occultent la réalité de liens historiques et sociaux anciens, marqués par les échanges, les alliances et les métissages. En soulignant que chaque groupe porte en lui un peu de l’autre, Joseph Ki-Zerbo prône une vision de l’identité collective où la diversité culturelle devient une force, un ferment d’unité. Ce message de solidarité et de fraternité, si essentiel dans le contexte actuel, démontre que la paix et la cohésion sociale reposent sur la reconnaissance de nos appartenances multiples et de nos héritages partagés, faisant de chaque Burkinabè, le gardien d’une identité nationale enrichie par les apports de tous.

Ce thème fort, « Construire la paix avec nos expressions culturelles », témoigne de la vision des organisateurs pour faire des valeurs culturelles un socle solide pour le vivre-ensemble. Les activités prévues encouragent la jeunesse, les dirigeants communautaires et les citoyens à se réapproprier leur culture en vue de mieux comprendre et respecter les identités multiples du pays.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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