Discrimination : 70% de Burkinabè pensent qu’il y a « souvent » ou « toujours » inégal traitement devant la loi (enquêtes Afrobarometer)

Des résultats des enquêtes du Round 9 d’Afrobarometer qui ont porté sur 53 444 entretiens en face-à-face à travers 39 pays africains sondés entre fin 2021 et mi-2023, montrent que les perceptions d’un traitement injuste de la part des gouvernements sont largement répandues, notamment en fonction du statut économique des personnes. Ces enquêtes explorent la cohésion sociale à travers quatre dimensions, que sont la tolérance, la confiance, la discrimination et l’identité.
Les enquêtes révèlent en outre que six Africains sur dix (60%) déclarent que les gens sont « souvent » ou « toujours » traités de manière inégale en vertu de la loi. Au Burkina Faso, Afrobarometer s’est entretenu avec 1 200 adultes burkinabè entre le 20 septembre et le 12 octobre 2022. Les résultats révèlent qu’au Burkina, 53% estiment que le gouvernement traite souvent/toujours injustement sur la base de la situation économique et 70% des personnes pensent en outre qu’il y a, « souvent » ou « toujours », inégal traitement devant la loi. L’organisation a rendu publics, les résultats sur la cohésion sociale à travers son dernier Profile Panafricain, le 2 octobre 2024.
Pour camper le contexte global, ce rapport général énonce qu’avec plus de 1 500 langues et dialectes, l’Afrique est le théâtre d’une cohésion sociale et de son absence, qui résultent d’une inter-action complexe entre l’unité et la diversité, façonnée par l’héritage colonial, les divisions ethniques et la rhétorique politique. Le génocide rwandais de 1994, l’apartheid sud-africain, l’expulsion massive des Nigérians du Ghana en 1969 et la réplique « le Ghana doit partir » en 1983 sont, énumère le document, autant de rappels brutaux des conséquences dévastatrices de la polarisation ethnique et de l’incapacité à nourrir un sentiment commun d’identité et de tolérance. Au cours des 20 dernières années, poursuit la publication, le continent a connu quelques signes d’une meilleure acceptation de la diversité. On y relève que la communauté LGBTQ+ en Afrique est confrontée à certaines des lois les plus sévères et les plus discriminatoires au monde. Il était donc question de savoir si les pays africains font assez pour lutter contre l’exclusion et la marginalisation, de façon à créer un sentiment d’appartenance, à promouvoir la confiance et la paix, et à offrir à tous des opportunités équitables de mobilité ascendante. Le document explore donc la cohésion sociale à travers la tolérance, la confiance, la discrimination et l’identité.
Ainsi, sur le volet lié à la discrimination, les enquêtes révèlent que près de la moitié (47%) des répondants disent que leur gouvernement traite « souvent » ou « toujours » les gens de façon inéquitable en fonction de leur situation économique, environ trois fois plus que ceux qui perçoivent une discrimination généralisée sur la base de l’appartenance ethnique (17%). En clair, d’une discrimination basée sur le statut économique et l’ethnie. Six Africains sur dix (61%) déclarent que les gens sont « souvent » ou « toujours » traités de manière inégale en vertu de la loi.
« La perception d’une inégalité généralisée dans le traitement au regard de la loi s’accroît avec l’expérience de la pauvreté des répondants, de 53% chez les citoyens aisés à 65% chez ceux qui vivent une grande pauvreté. Elle est également particulièrement fréquente chez les répondants ayant fait des études supérieures (65%) et chez les citadins (64%, contre 58% pour les ruraux) », commente le rapport, d’où on note qu’au Burkina, 53% de citoyens enquêtés en septembre-octobre 2022 estiment que le gouvernement traite souvent/toujours injustement sur la base de la situation économique et 70% des personnes pensent en outre qu’il y a, « souvent » ou « toujours », inégal traitement devant la loi.
Sur la tolérance, il ressort qu’en moyenne, au moins huit Africains sur dix expriment des attitudes tolérantes vis-à-vis des personnes d’ethnies différentes, de religions différentes (85%), d’affiliations politiques différentes (82%) et de nationalités différentes (80%). Seulement un quart (24%) d’entre eux expriment la même attitude vis-à-vis des personnes entretenant des relations homosexuelles.
Aussi, la comparaison des régions révèle que l’Afrique du Nord se classe systématiquement en queue de peloton en matière de tolérance vis-à-vis des différences sociales, tandis que l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Ouest se classent en tête de peloton.
Quant à l’identité nationale vs. identité ethnique, on relève que seulement 13% des Africains se disent plus attachés à l’identité ethnique qu’à l’identité nationale. La plus grande proportion (45%) des répondants déclarent accorder autant d’importance à l’une qu’à l’autre. La comparaison des régions révèle que l’Afrique du Nord se classe systématiquement en queue de peloton en matière de tolérance vis-à-vis des différences sociales, tandis que l’Afrique Centrale et l’Afrique de l’Ouest se classent en tête de peloton.
Sur la confiance inter-personnelle, on relève que les parents sont les seules personnes auxquelles une majorité (58%) d’Africains déclare faire « beaucoup » confiance. Mais beaucoup de répondants disent faire au moins « partiellement » confiance à leurs voisins, à d’autres citoyens, à des personnes d’origine religieuse ou ethnique différente et aux personnes qu’ils connaissent.
Toujours sur ce point relatif à la confiance inter-personnelle, et pour ce qui est du Burkina Faso, où l’enquête s’est déroulée en septembre-octobre 2022, on note que 53% des sondés se sentent seulement ou plus attachés à l’identité nationale qu’à leur groupe ethnique, tandis que 36% se sentent autant attachés à l’identité nationale qu’à leur groupe ethnique. Ils sont 11% qui déclarent se sentir seulement/plus attachés à leur groupe ethnique qu’à l’identité nationale.
Le rapport mentionne, à titre comparatif, que le Burkina Faso enregistre une hausse (de +6 points) de la proportion de personnes accordant au moins autant d’importance à l’identité nationale qu’à l’identité ethnique, et ce, de la période de 2011-2023 (cette question d’évaluation a concerné 27 pays). Le Burkina est précédé du Cap-Vert qui a enregistré une hausse de 15 points de pourcentage sur cet indicateur. En revanche, quinze pays affichent des régressions d’au moins 3 points, dont des régressions à deux chiffres en Afrique du Sud (-12 points), en Namibie (-11points) et au Lesotho (-10 points).
Pour mémoire, Afrobarometer est un réseau panafricain et non-partisan de recherche par sondage, qui produit des données fiables sur les expériences et appréciations des Africains, relatives à la démocratie, la gouvernance et à la qualité de vie. Neuf rounds d’enquêtes ont été réalisés dans un maximum de 42 pays depuis 1999. L’objectif général d’Afrobarometer est de faire résonner la voix de l’Africain ordinaire (lui donner la parole pour se prononcer sur les questions liées à la vie de son pays), d’où son slogan : « Donner une voix au peuple ».
Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net