Ouagadougou : Les vidangeurs suspendent leurs activités pour demander plus de stations de dépotage de boue
Arnaud Christian Paré, secrétaire général de l’Association des vidangeurs du Faso.
Les vidangeurs ont suspendu leurs activités dans la commune de Ouagadougou, depuis le 16 octobre 2024. Ils veulent ainsi faire réagir les autorités afin qu’elles mettent à leur disposition davantage de stations de dépotage et de traitement de boue de vidange. En effet, sur les trois sites que comptent la commune de Ouagadougou, seul celui de Kossodo est fonctionnel. Ce qui fait que les vidangeurs ne peuvent pas faire plus d’une rotation par jour. Arnaud Christian Paré, secrétaire général de l’Association des vidangeurs du Faso, nous apporte plus d’éclairage dans l’interview ci-dessous.
Lefaso.net : Les vidangeurs ont marqué, depuis le 16 octobre dernier, un arrêt de travail. Qu’est ce qui justifie une telle décision ?
Arnaud Christian Paré : Au niveau de la ville de Ouagadougou, nous avons trois stations de traitement de boue de vidange. Mais ceux de Zagtouli et de Sourgbila sont fermés. La seule station encore ouverte, c’est Kossodo. Au quotidien, nous pouvions avoir plus de 100 camions alignés. Et lorsque les vidangeurs viennent dépoter le matin, ils peuvent y passer presque toute la journée, ils ne peuvent pas faire deux rotations. En plus de cela, il faut noter que l’intérieur de la station est très dégradé au point que cela impacte négativement nos camions. Vu ces conditions difficiles, nous avons décidé de sursoir à nos activités. Donc actuellement, je peux dire que 95% des sociétés de vidange ont garé leurs camions jusqu’à nouvel ordre, lorsque nous pourrons travailler dans de bonnes conditions.
Qu’est-ce que vous attendez comme mesures pour reprendre vos activités ?
Nous posons deux conditions pour reprendre nos activités. La première est que l’ONEA rouvre les trois stations de dépotage et de traitement pour que les vidangeurs puissent y avoir accès pour travailler. Une autre solution à long terme, c’est la mise à notre disposition de stations de dépotage autorisées, où nous allons nous organiser avec les collectivités pour travailler. Je pense qu’au niveau du Grand-Ouaga, des endroits peuvent être trouvés, où les vidangeurs peuvent dépoter en attendant que les stations hors-services soient réhabilitées. C’est la meilleure solution actuellement. Nous souhaitons que tous les vidangeurs puissent avoir accès à des sites et travailler convenablement.
Cela va également permettre de réduire les coûts de vidange au profit des ménages. Le fait que les vidangeurs ne puissent pas faire deux rotations par jour, fait que le prix de la vidange est élevé. Actuellement, il y a des vidangeurs qui quittent Zagtouli, Kamboinsin, pour venir dépoter à Kossodo. Lorsqu’on regarde la distance, cela fait monter les prix pour les usagers. Si nous arrivons à avoir plusieurs stations, cela va rendre les coûts accessibles aux ménages. Et si nous avons des sites de dépotage bien aménagés, cela va permettre aux communes qui abritent ces sites de fixer des montants à payer par les vidangeurs pour pouvoir dépoter. Ce qui va permettre à la commune de pouvoir traiter immédiatement les boues dépotées.
Est-ce que vous avez entrepris des démarches auprès des autorités compétentes ?
Il faut noter que c’est depuis 2018 que nous vivons ces difficultés. Cette année, c’est à partir du mois de janvier que nous avons envoyé une correspondance à l’ONEA pour la mise en place d’un cadre de concertation des acteurs pour que nous puissions échanger chaque mois sur les difficultés des stations et prévoir des solutions. Donc nous avons eu à échanger avec le ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, l’ONEA, la Direction de la gestion des eaux usées et excrétas (DGEA) et la Direction générale de la préservation de l’environnement (DGPE) au moins deux fois au cours de l’année. Depuis le mois de mai, le directeur de cabinet avait pris des décisions concrètes et depuis ce temps, une sortie d’identification des sites de dépotage sauvages devait avoir lieu.
Malheureusement, c’est le 16 octobre dernier que la sortie a pu se faire finalement. Quatre sites ont été visités et les techniciens de la DGPE vont faire leur rapport et le transmettre au ministre sur la faisabilité au niveau de l’exploitation de ces sites de dépotage. Alors que si la visite avait été faite depuis juin, le rapport allait permettre de savoir quelle alternative trouver si les sites de dépotage sauvages n’étaient pas envisageables. Avec l’arrêt de nos activités, la population est dans le besoin. Nous n’avons pas d’autre choix aussi car nous n’avons pas d’endroits où dépoter.
Est-ce que des démarches ont été entreprises à l’endroit des autorités compétentes après votre décision de suspension de vos activités ?
Nous n’avons pas officiellement informé les autorités de notre mouvement. Nous sommes du secteur privé, donc nous ne pouvons pas dire que nous sommes en grève ; nous avons juste suspendu nos activités. Nous avons fait sortir une note officielle pour informer les usagers de nos services de la suspension de nos activités parce que nous n’avons pas de lieu pour dépoter. Nous n’avons pas envoyé de note officielle aux autorités, parce qu’elles sont au courant de la situation depuis des années. Cette année, nous les avons approchées, nous avons été dans les locaux de la mairie, de la DGEA, de l’ONEA, chez le ministre pour trouver des solutions à ce problème. Si les autorités veulent nous rencontrer, je pense que c’est le moment.
Quelles sont les alternatives que vous proposez ?
Nous pensons que l’ONEA peut trouver des solutions à long terme. Par exemple pour la station de Zagtouli, elle est logée sur 15 hectares. Même si la capacité de la station est faible, l’ONEA peut trouver des alternatives pour contenir les eaux usées pour une longue durée et aux vidangeurs de travailler sans que l’eau ne fuite et dérange les riverains. Aussi, si nous avons des sites sauvages en plus des trois cités, cela va vraiment nous faciliter la tâche. Et si nous arrivons à avoir des sites autorisés, l’association va s’organiser avec les collectivités, pour que le dépotage se fasse dans de bonnes conditions.
Cela ne veut pas dire que s’il y a des sites autorisés, tous les vidangeurs vont y aller pour dépoter gratuitement. Nous allons voir le nombre de camions que le site peut contenir et identifier des vidangeurs de la zone qui vont dépoter là-bas uniquement, pour que ces solutions puissent durer dans le temps. Car si aujourd’hui, on dit que nous avons un site de dépotage autorisé et que l’on peut dépoter gratuitement, il se peut que même ceux qui sont loin aient tendance à aller là-bas. Donc si aujourd’hui nous avons un site de dépotage autorisé, ce sont les vidangeurs de cette zone seulement qui y auront accès. Et cela va réduire le rang et les quantités de boue dans les stations.
Un dernier mot ?
Je tiens à féliciter les vidangeurs pour les efforts qu’ils font chaque jour pour assainir la ville de Ouagadougou. Nous avons toujours respecté nos engagements au niveau national. Un ménage ne nous a jamais fait appel et nous avons refusé d’y aller. Donc si l’on peut penser à nous pour que nous puissions dépoter dans de bonnes conditions, c’est l’idéal. Je demande aussi aux autorités de nous comprendre par rapport aux sites de dépotage autorisés.
Si nous avons des sites de dépotages autorisés en plus, cela peut faciliter les choses aux vidangeurs et soulager la population. J’interpelle également toutes les communes à respecter le décret pris en 2023 et qui impose à chaque commune d’avoir une station de traitement de boue de vidange d’ici trois ans. Nous savons qu’elles n’ont pas le budget nécessaire pour réaliser ces stations, mais elles peuvent faire des efforts pour identifier des sites de dépotage autorisés et quand elles auront les financements, elles vont réaliser les infrastructures.
Propos recueillis par Armelle Ouédraogo
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