Burkina/Entrepreneuriat : Aimé Kaboré, le visionnaire qui réinvente l’agropastoral à travers « La Bicyclette »
« Promouvoir la production et la consommation locale », c’est la principale orientation que s’est donné Aimé Kaboré dans son parcours. Ce jeune ingénieur agronome a créé la première chaîne d’abattage et de commercialisation de poulets locaux à Ouagadougou.
Nommée la « La Bicyclette », l’entreprise de Aimé Kaboré est née d’abord d’une vision avant d’être soutenue plus tard. Comme plusieurs autres entrepreneurs, il a bénéficié de l’appui du Projet d’appui à l’inclusion financière et l’accès au financement des Petites et moyennes entreprises (PAIF-PME). Avec plus de 15 ans d’expérience dans l’agropastoral, l’entrepreneur a su capitaliser ses connaissances pour en faire une entreprise utile. Dans un secteur souvent perçu comme précaire, « La Bicyclette » prouve que l’élevage peut permettre aux producteurs d’en vivre dignement. « Il est malheureux de voir que 80 % de la population qui cultive ou élève soit celle qui a faim. Le marché agropastoral n’est pas favorable aux producteurs, alors nous avons créé ‘‘La Bicyclette’’ pour rétablir cette justice », défend l’entrepreneur.
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Un parcours professionnel au service du développement agricole et pastoral
Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat avec « La Bicyclette », Aimé Kaboré s’est forgé une solide expérience dans le domaine agricole. En occupant divers postes de responsabilité, il a affiné ses compétences et sa compréhension des dynamiques agropastorales. Après avoir terminé ses études en agronomie avec un master en gestion de projets et un DEA en analyse et politique agricole, il débute une carrière d’agronome sur le terrain.
Pendant quelques années, il travaille au ministère de l’Agriculture et aux côtés de techniciens dans des zones rurales, mettant de côté ses diplômes pour apprendre les réalités concrètes du métier. Il souligne l’importance de l’expérience pratique dans ce domaine. « Dans ce secteur, c’est du concret ; et l’expérience compte beaucoup par rapport à la théorie », pense-t-il. Cette phase de sa carrière a joué un rôle crucial dans le développement de sa vision entrepreneuriale. Ensuite, Aimé a pris le rôle de coordonnateur d’un projet dans la région du Centre-nord du Burkina Faso. Son objectif principal était d’accroître l’offre de sorgho et de mil dans la région, une mission qui lui a permis de comprendre l’importance des chaînes de production locale dans la sécurité alimentaire.
Ce projet a renforcé son engagement à améliorer les conditions des producteurs à la base. Par la suite, il a rejoint une autre ONG où il a occupé le poste de chargé des finances agricoles. Ce rôle lui a permis d’acquérir une expertise approfondie en gestion de projets financiers dans le secteur agricole, une compétence précieuse pour la gestion de sa future entreprise. Ces différentes expériences professionnelles ont été un tremplin pour Aimé, le préparant à créer une entreprise qui allie innovation et responsabilité sociale en faveur des éleveurs du Burkina Faso. Ce passionné du monde rural fait aussi partie des porteurs du projet Yolsé, un mécanisme qui accompagne les producteurs à produire plus et mieux, et à vendre à des prix justes et équitables.
Le PAIF-PME, une bouée de sauvetage
L’entreprise a démarré en produisant et en vendant du poulet cru avec une centaine d’éleveurs, mais Aimé a vite compris qu’il fallait d’abord conquérir le marché avant de signer des partenariats avec les producteurs. Mais grâce au soutien du PAIF, aujourd’hui, « La Bicyclette » compte une cinquantaine d’éleveurs sous contrat et produit environ 4 300 poulets par mois. Avec un objectif ambitieux d’atteindre 10 000 poulets par mois d’ici fin 2025, l’entreprise est en pleine expansion. Pour répondre aux besoins du marché, le chef d’entreprise et son équipe, composée d’une vingtaine de jeunes employés âgés de 26 à 28 ans, ont mis en place des stratégies innovantes. « Nous avons soumis un projet de développement d’un centre d’abatage moderne afin de pouvoir proposer du poulet frais à la population. Ces poulets sont abattus dans des conditions hygiéniques et de qualité. C’est ainsi que notre projet a été retenu par le PAIF, ce qui nous a permis d’investir plus d’une trentaine de millions dans l’espace d’abattage », a confié sieur Kaboré, qui indique que l’essentiel de la subvention a permis d’acheter des équipements modernes. Le centre d’abattage dispose d’une chaîne complète, avec du matériel au niveau de la saignée jusqu’à la chaîne de froid. « C’est grâce à ce centre que nous réussissons à proposer du poulet frais. Auparavant, notre base clientèle était limitée. Actuellement nous proposons une gamme variée de produits et nous arrivons à gérer notre flux de commercialisation. Ce financement nous fait gagner énormément de temps et en un an, nous sommes passés de 700 poulets à plus de 4 000 poulets. Et nous continuons à faire grandir notre notoriété autour du poulet bicyclette », a-t-il signifié.
En plus de fournir des grands restaurants et hôtels, « La Bicyclette » dispose d’un centre d’abattage certifié HACCP, et aspire à obtenir l’agrément de l’UEMOA pour s’étendre dans la sous-région. L’entreprise envisage également d’ouvrir des espaces de grillades afin de boucler la chaîne de valeur.
Pour Hyacinthe Kaboré, spécialiste en renforcement des capacités des micro, petites et moyennes entreprises au PAIF, voir le travaille abattu par Aimé Kaboré est satisfaisant. Accompagné d’une délégation de la Banque mondiale et d’étudiants d’universités privées, il a constaté les réalisations au centre d’abattage, le 17 octobre 2024. « Nous sommes sur le site d’un des lauréats que nous avons sélectionnés dans le cadre de la compétions des plans d’affaires.
C’est une fierté pour nous de rendre visite à un projet qui aujourd’hui est opérationnel. Ce projet a suivi un processus et c’est son caractère innovant qui a plu au jury. Nous sommes très satisfaits de ce que nous voyons parce qu’avec les subventions, ce n’est pas toujours évident. Il y en a qui reçoivent du soutien mais qui n’arrivent pas à mettre en œuvre leur projet », a expliqué Hyacinthe Kaboré. Il précise qu’au delà de l’accompagnement financier qu’offre le PAIF, il a également accompagné techniquement « La bicyclette » avec des formations. « Au début du processus, monsieur Kaboré a suivi une formation en gestion d’entreprise. Quand on accorde une subvention, il faut s’assurer que le bénéficiaire a un minimum de compétences pour gérer le fonds. À l’issue de cela, comme le recommandent nos partenaires, il a suivi une formation en sauvegarde de l’environnement. Donc il y a un accompagnement et un suivi pour les lauréats », a-t-il notifié au sortir de la visite.
Faire encore plus
L’objectif d’Aimé Kaboré et de ses collaborateurs est de permettre à 200 éleveurs d’augmenter leurs revenus de 30% d’ici 2026. Ils travaillent avec une cinquantaine d’entre eux et il leur faut encore chercher les 150 restants. « Pour augmenter son revenu, il ne s’agit pas seulement de vendre, mais il faut aussi optimiser le coût de production. À ce niveau, nous travaillons à développer une formule d’aliment qui permettra aux éleveurs de réduire leur coût de production d’environ 25% », explique gérant de « La bicyclette », qui se dit très fier d’avoir ce nom et ce logo. « Nous ne nous sommes pas contentés de créer un nom, nous avons réussi à construire une marque. Tout cela pour montrer que le poulet bicyclette, ce n’est pas seulement ces abattages clandestins que l’on voit en bordure de route, mais on peut le faire de façon professionnelle pour faire du poulet de qualité », dit-il.
Toutefois, l’entreprise fait face à des défis, notamment le contrôle de la qualité des poulets, car les poussins ne sont pas aussi facilement contrôlables que les semences dans l’agriculture. Pour remédier à cela, Aimé prévoit de construire une ferme de reproduction, permettant ainsi de maîtriser la qualité des œufs à couver. Avec cette vision claire et une culture d’entreprise forte, « La Bicyclette » se positionne comme un acteur majeur du secteur agropastoral au Burkina Faso, redéfinissant l’élevage comme une activité valorisante et rentable.
Farida Thiombiano
Lefaso.net