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Burkina/Assainissement : Ces toilettes qui n’honorent pas l’université Joseph-Ki-Zerbo

Publié le lundi 21 octobre 2024 à 23h00min

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Burkina/Assainissement : Ces toilettes qui n’honorent pas l’université Joseph-Ki-Zerbo

À l’université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou, il n’y a pas que le problème de chevauchement des années. Les infrastructures d’assainissement de la plus grande université du Burkina présentent un visage hideux et déshonorant. Des toilettes impraticables et répulsives indisposent les pensionnaires. Y faire un tour pour se soulager relève simplement d’un parcours de combattant. Ces lieux d’aisance mettent mal à l’aise et sont porteurs de risques pour les usagers. Reportage !

Mardi 13 août 2024, il est 10h à l’université Joseph-Ki-Zerbo, ce temple du savoir qui côtoie le boulevard Thomas-Sankara. Le temps est clément en cette mi-journée, grâce à l’amoncèlement des nuages qui éclipsent le soleil grimpant vers le crépuscule.

Enturbannée, des pas hésitants, Azéta Traoré (nom d’emprunt) se dirige vers les toilettes situées au pied de l’amphi B (un des bâtiments situés à côté de l’entrée principale), où l’étudiante en deuxième année de médecine prend ses cours. Elle croise sur son chemin Alassane Traoré (nom d’emprunt), doctorant en Science de la vie et de la terre (SVT), qui, lui, vient de sortir de cette toilette mixte. Sa mine froissée à la sortie s’accompagne de crachats qu’il laisse de gauche à droite dans ses pas. Il se plaint de « l’état piteux » des toilettes de la plus grande université du Burkina Faso.

Des eaux usées et excreta dans les toilettes.

« Nous sommes obligés de nous soulager dans ces toilettes, sinon nous le ferons dans nos pantalons », a-t-il pesté, décrivant ainsi l’état crasseux des toilettes. « Rentrez pour voir vous-même ; les trous sont bouchés et il y a une très mauvaise odeur quand on y met le pied », décrit-il. Pour cet étudiant, la responsabilité est partagée. Il y a les étudiants, mais aussi ceux qui s’occupent de l’entretien de ces infrastructures d’assainissement. « La grande responsabilité revient aux gestionnaires des toilettes, puisqu’ils voient qu’elles sont bouchées, mais ils ne font rien pour trouver des solutions à cela. Les étudiants aussi n’ont pas de comportements hygiéniques ; ils défèquent à côté des trous », s’insurge-t-il.

À son tour, Azèta Traoré sort des toilettes, le visage toujours enturbanné, mais cette fois-ci la main gauche plaquée sur la bouche. Elle dénonce, elle aussi, des toilettes « dégueulasses », mais dit ne pas avoir le choix. « Nous sommes obligés d’utiliser ces toilettes. S’il y avait la possibilité de contenir nos besoins, nous l’aurions fait pour éviter ces coins insalubres », se résigne l’étudiante. Le comble, fustige-t-elle, c’est le caractère mixte des toilettes. « Quand nous rentrons, il n’y pas la sérénité, parce que les portes aussi sont endommagées. Nous avons même peur que quelqu’un vienne nous trouver », s’inquiète la future spécialiste en santé, accusant ses camarades étudiants d’être responsables de l’inconfort de cet endroit. Pour elle, cette incommodité des toilettes va augmenter les risques d’infections. « À cette allure, nous risquons d’avoir des infections. Et il faut aussi que les dirigeants de l’université fassent des toilettes pour hommes et pour femmes », suggère-t-elle, avant de prendre l’escalier de l’amphi pour poursuivre son cours.

Des excréments humains visibles.

À l’intérieur des toilettes, c’est la grande chienlit. Trous bouchés, robinets flotteurs hors d’usage, un spectacle qui vous oblige à vous pincer le nez, à jeter le regard ailleurs et à chasser les grosses mouches, vraies maîtresses des lieux. Les bouilloires traînent par terre, d’autres sur les bords du bac des robinets. Aucune trace de savon ou de gel hydroalcoolique pour la désinfection.

Lire aussi : Toilettes publiques au Burkina : Une équation à résoudre pour les femmes

Les toilettes situées à côté du pavillon F, à quelques pas de là, battent le record en termes d’insalubrité. Certains étudiants les fuient comme la peste. En ce lieu où on peut néanmoins distinguer un bloc destiné aux femmes et un autre réservé aux hommes, la plupart des latrines ne sont pas fonctionnelles. À l’intérieur, l’air est irrespirable. Les portes des latrines sont défoncées, les excréments humains visibles par terre, les WC complètement bouchés, les fosses pleines, les toilettes dépourvues de leurs abattants et contenant des eaux usées et excrétas dans lesquelles les vers trouvent leur bonheur en nageant. Voilà le tableau de ces toilettes qui, visiblement, défient tout principe d’assainissement.

« C’est la faute des étudiants »

Autre jour, mêmes réalités. Vendredi 16 août 2024, 12h30, pavillon F. Rabiata Zoundi est venue se soulager et faire ses ablutions avant de continuer à la prière musulmane de 13h. Les deux latrines fonctionnelles parmi les cinq de ce bloc réservé aux femmes sont occupées. Elle patiente à l’ombre du pavillon, pendant que les plus pressées font les ablutions devant elle pour continuer au Dhuhr (la prière de midi). Quelques minutes après, une des latrines est libérée, et elle s’empresse de se débarrasser de ce qui la dérangeait. À la différence de certaines de ses camarades, elle a accepté de se prononcer à notre micro à visage découvert. « Les toilettes sont très sales. Il y a des étudiantes qui défèquent librement à l’intérieur comme si elles étaient dans la brousse », déplore l’étudiante en première année de Math-PC-informatique. Elle estime que pour certains, c’est de l’ignorance. « Elles ne connaissent pas l’usage des latrines modernes. Les étudiants sont responsables de la dégradation. Les femmes qui s’occupent du nettoyage font bien leur boulot, mais ce sont les étudiants qui sont les premiers responsables de cette situation », affirme-t-elle.

L’étudiante Rabiata Zoundi appelle ses camarades à un usage responsable des toilettes.

Ces femmes sont irréprochables, renchérit cette autre étudiante en deuxième année de SVT, qui s’est confiée dans l’anonymat. Du pavillon L à l’amphi D, la distance fait environ 500 mètres. Lorsqu’elle a envie d’aller à la selle, elle parcourt cette distance pour satisfaire ce besoin. Pour elle, il est inadmissible que des grands étudiants négligent les comportements hygiéniques. « Je ne peux pas comprendre qu’une grande personne défèque ailleurs dans la toilette, au lieu de viser le trou. J’ai déjà vu ces excréments humains plusieurs fois de mes propres yeux », dénonce-t-elle, ajoutant que c’est la raison qui justifie sa préférence pour les toilettes de l’amphi D qui sont plus fréquentables que celles du pavillon F.

Ce manque d’hygiène, selon la future biologiste, incombe aux étudiants qui font preuve de comportements insalubres. « C’est la faute des étudiants, sinon les femmes qui nettoient font de leur mieux. C’est encore pire avec nous les filles. Certaines bouchent les trous avec leurs serviettes hygiéniques usagées », rouspète-t-elle. Apportant l’eau au moulin de sa camarade, une autre étudiante enfonce le clou, en révélant que des étudiantes mettent leurs cotons dans la chasse. Pour cette étudiante, ces modèles de toilettes ne sont pas compatibles avec un grand public comme l’université. « L’université est un grand monde. Au regard de ce nombre, je pense que les autorités devraient construire des latrines traditionnelles à trous, où l’usage est encore plus facile », propose-t-elle, avant de se rendre avec ses deux amies au Restaurant universitaire (RU) pour le déjeuner.

« Certains défèquent dans des sachets et viennent les jeter dans les toilettes... »

Clémence Kaboré est l’une des nombreuses femmes de la société qui affrontent matin et soir ce cocktail d’odeurs d’urines et d’excréments de l’université Joseph-Ki-Zerbo. Comme ses collègues, elle est chargée de s’occuper de la propreté des toilettes situées dans la zone du pavillon F. Ce vendredi matin, ses trois collègues et elle sont assises à l’ombre des arbres et papotent. Les gants de travail rangés dans un sachet posé à côté de leurs vélos, elles conversent en langue locale mooré sur d’autres sujets. Clémence Kaboré est la seule qui peut dire quelques mots en français. Elle nous explique que cela fait dix ans qu’elle exécute ces tâches à l’université. Selon elle, « la dégradation et le manque d’hygiène gagnent du terrain chaque année ». Elle est découragée du comportement de certains étudiants qui, non seulement ne font rien pour garder les toilettes propres, mais n’ont également aucun égard à l’endroit des femmes nettoyeuses. « Les filles bouchent les trous avec leurs cotons [serviettes hygiéniques], d’autres avec des sachets plastiques. Au lieu d’utiliser les bouilloires, il y a d’autres étudiants qui entrent avec des sachets d’eau, qu’ils vont jeter plus tard dans les trous.

Certains défèquent dans des sachets et viennent jeter dans les toilettes. Des étudiants ont dit à notre patronne que nous les insultons, tout simplement parce que nous les interpellons sur leurs comportements. D’autres nous répondent droit dans les yeux que nous ne sommes pas leurs mamans », relate la dame. Elle montre un morceau de pagne incrusté entre les fenêtres des toilettes des femmes. Nous l’avons enlevé ce matin dans les toilettes, lâche-t-elle. « La dernière fois, j’ai attrapé une fille avec un sachet dans les toilettes qu’elle a jeté dans le trou. Immédiatement, je l’ai obligée à enlever et elle s’est exécutée sans problème », poursuit-elle. Parmi les étudiants, il y a des gens responsables, salue-t-elle. « Ces derniers nous respectent beaucoup. Certains mêmes nous encouragent », se réjouit la dame de 57 ans. En attendant 17 heures ou 18 heures pour le prochain nettoyage avant de regagner son domicile, elle rejoint ses collègues sous les arbres pour la suite de leur échanges.

Nous filons vers l’amphi A 600. Autre lieu, même constat nauséabond. Madame Zoubga, veuve d’un militaire, est la chargée de sécurité et s’occupe aussi du nettoyage des toilettes. Elle brave toutes les difficultés en quittant Sakoula (quartier périphérique nord de Ouagadougou) à vélo pour chercher sa pitance quotidienne, afin de s’occuper de ses deux orphelins. « Ma première fille va faire la 3e cette année ; et la deuxième, la classe de 4e. Si je ne me bats pas pour elles, qui va le faire, vu que leur papa n’est plus en vie ? », s’interroge-t-elle, montrant les reçus de leurs inscriptions en cours du soir.

C’est avec regret qu’elle apprend donc qu’elle va être déchargée d’une de ses tâches. « Le patron est venu me dire que désormais, c’est une autre femme qui viendra s’occuper des toilettes et moi, je fais la sécurité », a-t-elle désespérément confié. Pour elle, ce retrait va lui causer plus de mal, parce que l’argent des deux activités suffisaient pour la prise en charge de ses deux enfants, sans l’aide de quelqu’un d’autre. « Maintenant, cela va être difficile pour moi, si je dois me contenter seulement du salaire de vigile », craint-elle, avant de nous inviter à visiter l’intérieur des toilettes mixtes.

Ici également, c’est le même constat. Les toilettes sont en état de dégradation avancée avec certains trous bouchés et d’autres remplis par des eaux sales. Dame Zoubga est, à l’image de ses collègues, sur les rotules. Malgré ses efforts et appels aux étudiants à un changement de comportement, la tâche se complique comme la construction d’une tour de Babel. « Cinq minutes après mon coup de balai, j’ai l’impression que je n’ai rien fait. Je ne sais pas comment les étudiants se débrouillent pour salir le coin », se lamente-t-elle. « Les filles enlèvent leurs cotons hygiéniques pour déposer dans les toilettes. Même si on débouche, deux ou trois semaines suffisent pour revivre les mêmes désastres », se plaint la veuve. À partir de 4h, elle dit être déjà à l’université pour ne repartir qu’à 18h, voire 21h.

Malgré les journées de salubrité, rien n’y fait

L’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB) a l’habitude d’organiser des « opérations toilettes propres » au sein du campus. Ces journées sont mises à profit pour appeler les étudiants à un changement de comportement dans l’usage des toilettes. « Nous nous sommes engagés dans cette dynamique, tout d’abord parce que c’est un acte d’adoration. À cet effet, les toilettes sont capitales pour nous en tant que musulmans pour le renouvellement de nos ablutions avant chaque prière », explique Yacouba Belem, étudiant en troisième année de médecine, secrétaire chargé aux activités culturelles de l’AEEMB. Pour lui, malgré le sacrifice de nettoyage, rien ne change au niveau des toilettes. S’il salue les efforts des mamans qui font l’effort de nettoyer, il interpelle les étudiants qui sont les premiers et les derniers utilisateurs de ce bien public parce que son entretien leur incombe.

Lire aussi : Toilettes publiques à Ouagadougou : Quand « aller au petit coin » devient un grand problème

Comme la plupart des étudiants, Yacouba Belem dénonce le comportement de certains camarades qui jettent des objets et des serviettes hygiéniques usagées dans les toilettes, empêchant le passage de l’eau. Outre cette pratique, poursuit-il, la faiblesse du débit de l’eau au niveau des toilettes est un aspect à prendre en compte. « Comme ce sont des chasses qu’on utilise, une fois qu’il y a coupure d’eau, des étudiants qui sont pris par le besoin incessant de se soulager le font dans ces toilettes, tout en sachant que cela va rester à bord », regrette-t-il. Même si le découragement se fait sentir, il en appelle à la mobilisation et à une prise de conscience de tous les étudiants pour garder sains les lieux d’aisance. « Quand on communique la date du nettoyage, on invite tout le monde, sans distinction, mais on se retrouve uniquement avec nos membres du bureau pour l’exécution de cette tâche, chose qui n’est pas aisée », souligne-t-il.

Étudiant en art et gestion en administration culturelle, Laurent Sawadogo pointe du doigt la responsabilité de ses camarades.

Construire des toilettes traditionnelles

Face à cette situation de dégradation des toilettes, les étudiants suggèrent la construction de latrines traditionnelles à trous, notamment des toilettes turques. Pour eux, ces toilettes sèches permettront d’éviter les problèmes de coupure d’eau.

Laurent Sawadogo est étudiant en Master 1 en Art, gestion et administration culturelle. Il sort des toilettes du pavillon F qu’il fréquente à son corps défendant, une bouilloire à la main pour se rincer. « Souvent même, nous avons envie de faire nos besoins à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur, vu l’état des toilettes », déclare-t-il, pointant du doigt la responsabilité des étudiants. « Ils voient bien le trou, mais ils visent ailleurs. Ce que nous ne faisons pas chez nous, nous le faisons à l’université ici, tout en se disant qu’il y a des femmes qui vont nettoyer. Elles ne sont pas là pour nettoyer nos bêtises. Il faut quand même qu’on soit responsables », prêche-t-il. Au regard de l’inefficacité de la sensibilisation, il conseille, lui aussi, la construction de toilettes traditionnelles. Même doléance par Ibrahim Badini, étudiant en première année de Lettres modernes. Le manque d’hygiène au niveau des toilettes est un problème sociologique, perçoit une étudiante en SVT. Pour elle, la grande majorité des étudiants ne sont pas familiers de ce type de toilettes modernes. « Il y a certains qui ne savent pas s’il faut tirer ou appuyer les leviers de canalisation d’eau. Pour finir, d’autres ont cassé des robinets par ignorance », justifie-t-elle, demandant la construction de toilettes traditionnelles, au regard de leur simplicité et de leur popularité.

L’étudiant Ibrahim Badini propose la construction de toilettes traditionnelles.

Un plan de réaménagement en cours

La question des toilettes est une grande préoccupation, et les autorités en charge sont à l’œuvre pour trouver des solutions. À la présidence de l’université, nous avons rencontré Ousmane Drabo, directeur de l’assainissement, du suivi des infrastructures et de la sécurité. Il vient de sortir d’une réunion d’urgence portant sur la question des toilettes, dit-il. L’assainissement et l’entretien sont une vraie préoccupation, reconnaît-il. Pour le directeur de l’assainissement, la pression démographique a entraîné un problème d’hygiène, parce que les infrastructures n’ont pas évolué avec le nombre d’étudiants. « Nous accueillons en moyens 15 à 20 000 étudiants par jour sur le campus. Malgré les efforts, la pression est telle que cela donne l’impression que rien n’est fait », explique-t-il.

En plus, poursuit-il, les riverains de l’université, notamment les commerçants, fréquentent les mêmes toilettes. Ce qui est une pression supplémentaire sur les infrastructures. Même s’il fustige le manque d’entretien par la faute des étudiants eux-mêmes, il reconnaît aussi que la vétusté de ces infrastructures ne permet pas de garantir un environnement sain. « Une des grosses difficultés est la vétusté des bâtiments, alors que l’université Joseph-Ki-Zerbo a plus de 50 ans. Une telle pression n’était pas prévue », relève-t-il.

« Tout le monde ne connaît pas l’usage des toilettes modernes. Quand les gens entrent, ils se demandent ce qu’il faut faire après s’être remis dans les bonnes conditions. Comme c’est un endroit clos, la personne, par naïveté, endommage les robinets ou autres et s’en va », remarque-t-il, avant d’ajouter que plusieurs moyens de sensibilisation ont été utilisés, mais c’est peine perdue. Des affiches de bon usage collées aux murs ont été arrachées et transformées en papiers hygiéniques par des usagers, se désole Ousmane Drabo. L’idée de toilettes payantes émises a été tuée dans l’œuf, à l’en croire, par les structures syndicales qui se sont opposées.

Selon Ousmane Drabo, l’université va adopter bientôt un plan d’aménagement pour permettre de regrouper les infrastructures par spécificité. Et les services de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) ont été contactés pour la réalisation de latrines simples. Cela permettra, motive-t-il, de tout communiquer aux égouts pour enfin finir avec la question des pannes de chasse d’eau. Les études ont été déjà réalisées, rassure-t-il. « Nous allons supprimer ces types de toilettes assez complexes qui ne sont pas adaptées aux grands groupes », conclut-il.

Le directeur de l’assainissement, du suivi des infrastructures et de la sécurité, Ousmane Drabo, annonce une restructuration des toilettes.

La question de l’hygiène des toilettes dans cette université est très préoccupante. Elle a fait même l’objet de recherche. Titulaire d’un master 2 en sociologie, Mamouna Sawadogo a cherché à comprendre le problème à travers son thème intitulé « Usages des toilettes et résilience des étudiantes à l’université Joseph-Ki-Zerbo ». La sociologue a précisé que cet état des infrastructures, non seulement compromet l’intimité des filles, mais les expose également à des risques accrus de maladies, en raison de leurs besoins spécifiques et de leur vulnérabilité aux infections, comme lui ont rapporté les répondants. « Selon les données recueillies sur le terrain, il apparaît que la majorité des toilettes de l’université sont dans un état défectueux en raison de pannes et de pratiques inappropriées des usagers. Les portes, souvent sans serrures et endommagées, ne permettent pas aux filles de préserver leur intimité, comme l’ont souligné plusieurs personnes interrogées », évoque-t-elle.

Les résultats de son étude montrent également que le dysfonctionnement de certaines toilettes a favorisé la ruée des hommes et des femmes vers celles fonctionnelles. « Les toilettes, en réalité, ne sont pas construites mixtes, mais leur dysfonctionnement amène tout le monde à utiliser celles qui sont disponibles. Alors que les femmes ont des besoins spécifiques à une certaine période, notamment les périodes menstruelles. En fréquentant les mêmes toilettes, cela expose leur intimité », énonce Mamouna Sawadogo, qui évoque aussi d’autres risques à cause de l’usage de ces endroits. À l’en croire, beaucoup d’étudiantes, à travers ses enquêtes, lui ont confié qu’elles seraient tombées malades à cause de la fréquentation des toilettes.

Pour une solution durable, explique-t-elle, les étudiants ont proposé, entre autres, l’organisation de séances de sensibilisation pour souligner l’importance de l’assainissement et de l’hygiène des toilettes, l’éducation des usagers à l’utilisation appropriée des installations modernes, l’introduction d’une allocation forfaitaire pour permettre aux étudiants d’accéder à des installations sanitaires appropriées et l’ajout de dispositifs dans les toilettes pour la gestion hygiénique des menstrues.

Certains robinets sont hors d’usage.

« Les toilettes sales favorisent les maladies infectieuses »

La saleté des toilettes entraîne des maladies infectieuses, interpelle Dr Abdoulaye Sawadogo, médecin en service au Centre hospitalier universitaire régional de Ouahigouya. Selon l’infectiologue, l’usage de ces toilettes peut causer des pathologies infectieuses, comme les maladies diarrhéiques, les infections de la peau. « Il est plus facile de contracter la mycose, parce que le contact des fesses avec les endroits non-hygiéniques peut engendrer cela. On peut avoir aussi la parasitose intestinale, la fièvre typhoïde, le cholera qui découlent d’une infection digestive », évoque le spécialiste de santé, qui ajoute que la situation peut déboucher aussi sur des problèmes urinaires.

En plus de ces risques auxquels les étudiants peuvent être exposés en fréquentant ces lieux, le spécialiste des maladies infectieuses pense que les odeurs désagréables peuvent engendrer un manque d’appétit. Et nul ne sait quand les projets annoncés, les recommandations, les bonnes résolutions verront le jour pour sortir les pensionnaires du campus de Zogona du pétrin.

Taux d’assainissement en milieu rural et urbain en 2023

Selon le rapport bilan Programme national-Assainissement eaux usées et excréta du ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement en 2023, les chiffres sur la question de l’assainissement ont beaucoup varié. En milieu rural, 22 104 latrines améliorées ont été réalisées. Ces réalisations ont permis de faire progresser le taux d’accès à l’assainissement en milieu rural de 21,9% en 2022 à 22,7 % en 2023. En revanche, le taux d’accès à l’assainissement en milieu urbain en 2023 est de 40,5%, légèrement inférieur à celui de 2022 qui était de 40,8%.

Serge Ika Ki
Lefaso.net

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