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Burkina/Journée nationale de la liberté de presse 2024 : Les professionnels des médias alertent sur la mise à mort du journalisme

Publié le lundi 21 octobre 2024 à 20h30min

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Burkina/Journée nationale de la liberté de presse 2024 : Les professionnels des médias alertent sur la mise à mort du journalisme

La journée nationale de la liberté de presse est célébrée chaque 20 octobre au Burkina Faso. Cette année, le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) a sacrifié à la tradition à travers l’organisation de plusieurs activités. Ce sont notamment la remise du prix Marie Soleil Frère de la meilleure femme journaliste du Burkina Faso, un mini tournoi de football et la cérémonie officielle du 20 octobre suivie d’un panel. La cérémonie officielle de la célébration de 2024 s’est déroulée ce lundi 21 octobre 2024 au Centre national de presse Norbert Zongo à Ouagadougou. Elle est placée sous le thème : « Ne brisons pas le rempart : alerte sur la mort du journalisme ».

La cérémonie officielle du 20 octobre a été marquée par la lecture de l’éditorial « Ne brisons pas le rempart » de Norbert Zongo, publié le 31 août 1993 dans son journal « L’Indépendant ». Toujours d’actualité, cet éditorial rappelle le contexte difficile qu’a vécu la presse à cette époque et qu’elle vit de nos jours en raison de la situation socio-politique.

Des heures sombres pour le journalisme

Guézouma Sanogo, président du comité de pilotage du Centre national de presse Norbert Zongo, a tout d’abord alerté sur les menaces qui pèsent sur la presse nationale. En plus des menaces d’ordre technologique, d’ordre sécuritaire, les journalistes burkinabè font face à des restrictions et atteintes à la liberté d’expression, des fermetures de média, des arrestations ou disparitions forcées de journalistes, etc.

Guézouma Sanogo, président du comité de pilotage du centre national de presse Norbert Zongo

« Nous vivons un moment où il n’est pas exagéré de soutenir que l’heure est grave, et même très grave pour la presse, menacée pratiquement de disparition. Les causes sont d’ordre technologique avec l’apparition de nouveaux acteurs et des mutations technologiques, d’ordre sécuritaire avec la menace terroriste qui a fortement impacté l’exercice de la profession et enfin, d’ordre politique avec les restrictions et les atteintes à la liberté d’expression et de la presse exercées par les autorités politiques. Nous en sommes arrivés au point où le professionnalisme dans ce métier est devenu un crime. Le journalisme d’opinion qui fait le charme et fonde tout l’intérêt des médias a été criminalisé. La presse burkinabè est devenue atone, aphone. Le rythme, auquel nous assistons à la destruction de la presse est effarant. Des fermetures ou suspensions des médias, des enlèvements ou disparitions forcées de journalistes, de chroniqueurs, de défenseurs des droits humains, soutiens incontournables de la liberté de la presse, le saccage des acquis juridiques, sociaux et financiers, des discours de haine contre les journalistes. Tout cela donne le tournis et nous renvoie à des années sombres en arrière », a-t-il longuement alerté.

Les participants lors de la cérémonie officielle du 20 octobre

Pour lui, le choix de l’éditorial datant de plus de 30 ans du célèbre journaliste Norbert Zongo vise à interpeller les consciences. « C’est pourquoi, nous avons choisi de recourir à un message aussi vieux que d’actualité pour dépeindre la situation actuelle et interpeller les consciences. Nous ne pouvons bien décrire nos maux avec nos propres mots, nous avons trouvé opportun de dépeindre le contexte avec les mots d’un monument de la presse nationale, un symbole, un homme de média que tous les Burkinabè ont rencontré ou vont rencontrer d’une manière ou d’une autre par l’immortalité de sa pensée. Nous parlons bien évidemment de Norbert Zongo. Entre 1993 et 1998, Norbert Zongo a parlé aux Burkinabè et au monde à travers son journal ‘’L’Indépendant’’. Le 21 octobre 2024 à l’occasion de la journée nationale de la liberté de la presse, Norbert Zongo nous parle encore », a expliqué Guézouma Sanogo, par ailleurs président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB).

Vue des participants à cette cérémonie

« Son éditorial, ‘’Ne brisons pas le rempart’’, publié le 31 août 1993 est plus que d’actualité et nous en faisons le message de cette journée nationale de la liberté de la presse. Nous espérons que l’actualité de cet éditorial vieux de plus de trois décennies et la qualité de son auteur, feront que le message touchera le cœur de chacun de nous, de l’opinion burkinabè, des autorités nationales », a-t-il précisé.

Situation de la liberté de presse : 1,96/4 pour le Burkina Faso en 2023

Cette cérémonie a été marquée également par la présentation du rapport 2023 de la situation de la liberté de presse au Burkina Faso. Lors de sa présentation le 3 mai 2024 à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de presse, le Burkina Faso avait obtenu la note de 1,96 sur 4. Cette note est la traduction chiffrée de l’état de la liberté de la presse entre le 1er mars 2023 et le 31 mars 2024, période concernée par l’étude. Elle enregistre une baisse de 0,25 points par rapport à la moyenne de 2022 qui était 2,21. Ce qui signifie que le Burkina Faso est dans une « situation à problèmes spécifiques », selon le rapport.

« Cette note de 1,96/4 indique in fine que le Burkina Faso remplit les conditions minima garantissant l’exercice de la liberté de presse, mais que des forces sociales s’opposent à sa mise en œuvre, que l’environnement commercial ne la soutient pas et que le gouvernement ou les institutions professionnelles ne soutiennent pas le changement de manière active et complète », peut-on lire dans le rapport.

Le présidium lors de la conférence publique qui a suivi la cérémonie officielle

Le clou de cette célébration, c’est l’animation de deux panels en lien avec le thème général. La modération de ces deux panels a été assurée par Ousseini Ilboudo, directeur des rédactions du journal « L’Observateur Paalga ». Ainsi, le premier a été animé par le Pr Mahamadé Sawadogo, professeur de philosophie sur « L’opinion publique et la presse d’hier à aujourd’hui à la lumière de la pensée de Norbert Zongo ». Il s’est notamment attardé sur les prises de position de Norbert Zongo dans ses différents éditos, l’évolution du sort de la presse entre l’époque de Norbert Zongo et aujourd’hui et l’éthique et la déontologie qui sont selon lui, « l’incontournable boussole de la presse ».

Pr Mahamadé Sawadogo, professeur de philosophie, l’un des panélistes

Le second panel a été animé par Dr Cyriaque Paré, enseignant-chercheur et fondateur du journal en ligne Lefaso.net sur le thème : « Le numérique et les médias sociaux : Alliés ou ennemis de la presse traditionnelle ». De son côté, Dr Paré, a également bâti son intervention sur trois points, à savoir les enjeux d’une révolution technologique et industrielle avec la digitalisation, les médias burkinabè et la digitalisation et les défis et les opportunités de la digitalisation.

Dr Cyriaque Paré, enseignant-chercheur et fondateur du journal en ligne Lefaso.net, un des panélistes

Il a passé en revue les menaces qui pèsent sur la presse traditionnelle avec l’avènement et la popularisation des médias sociaux. Une situation qui a fait perdre aux médias traditionnels, le monopole de la médiatisation, selon lui. Dans cette configuration, on assiste malheureusement à la course aux scoops avec la diffusion d’informations erronées (fake news), regrette Dr Paré.

Mamadou Zongo
Lefaso.net

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