Burkina : « Le volley-ball burkinabè doit rayonner à nouveau », lance Dr Augustin Somda
Dr Sâabèsèlè Jean Augustin Somda, aujourd’hui enseignant-chercheur, n’est plus à présenter dans milieu du volley-ball burkinabè. En effet, Dr Somda fut joueur de volley-ball. Il a fait les beaux jours de l’ASFA-Yennega puis de l’Etoile finale de Ouagadougou (EFO) en tant que joueur, président de l’EFO, section volley-ball. Sâabèsèlè Jean Augustin Somda était le capitaine de l’équipe nationale de volley-ball. Il a mis fin à sa carrière en 2013 pour des raisons professionnelles, avant de présider aux destinées de la ligue du Centre de volley-ball. L’actuel président de la Société africaine de droit nucléaire (SADN) et président de la section volley-ball de l’EFO, veut révolutionner le volley-ball burkinabè. Pour cela, il est candidat à la présidence de la Fédération burkinabè de volley-ball. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, Dr Somda revient sur ses motivations, son projet à la tête de la FBVB.
Lefaso.net : Quel est votre parcours sportif au niveau du volleyball ?
Dr Sâabèsèlè Jean Augustin Somda : J’ai commencé le volleyball dans une petite ville minière du Burkina Faso qui est Poura, en 1996. Mon papa travaillait à la mine de Poura et les travailleurs de la mine avaient des installations sportives pour toutes les disciplines sportives comme le football, le volleyball, le handball et le basketball. C’est comme ça qu’on a découvert le volleyball. A l’époque, on nous appelait les « je veux jouer ». Parce que, nous sommes arrivés sans avoir de bases, mais on a quand même voulu s’essayer. C’est comme ça qu’on s’est retrouvés à être initiés et à apprendre les bases du volleyball. Une année plus tard, arrive à Poura un fonctionnaire de l’ONEA, Mr Hamidou Kayribo.
C’est lui qui nous a véritablement initiés à la pratique du volley-ball. Après le BEPC en 1999, j’arrive à Ouagadougou où j’intègre l’ASFA Yennenga avec des entraîneurs comme Abdoulaye Ouédraogo, Ernest Zèba qui nous ont vraiment transmis le savoir, le savoir-faire et le savoir être au volley-ball. Trois ans plus tard, soit en 2002, j’intégrais l’équipe nationale de volleyball dans laquelle j’ai fini par être nommé capitaine, autour des années 2010. En 2013, j’ai arrêté ma carrière sportive qui était très riche. J’ai participé à plusieurs compétitions dans la zone 3, en Afrique, aux éliminatoires du championnat du monde et des jeux africains.
C’est une carrière très pleine avec beaucoup de trophées aussi bien sur le plan individuel que sur le plan collectif . J’ai arrêté ma carrière pour des raisons professionnelles parce que je travaillais pour le MCA-Burkina et j’étais en province, dans le Sourou précisément. Par la suite, j’ai entamé une conversion en tant qu’entraîneur. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur niveau 1 et 2 de la Fédération internationale de volley-ball (FIVB) respectivement en 2015 et en 2017. En 2017, je suis champion avec l’EFO et je décide donc de passer à l’autre étape avec l’administration du sport avec la présidence de l’EFO, section volley-ball ; puis la ligue du Centre de volley-ball. J’ai été président de la ligue pour le mandat 2020-2024 qui vient de s’écouler.
Quelle est votre expérience à la tête de la présidence de la ligue de volley-ball du Centre ?
La ligue du Centre de volley-ball était un challenge pour moi. Parce que nous avons constaté, à un certain moment, qu’il y’avait une sorte de léthargie dans le volley-ball. Donc, au niveau de la région du Centre, nous avons pensé qu’il fallait redynamiser les choses. Nous avons eu un programme très alléchant qui a captivé la plupart des clubs vu que nous avons été élus à l’unanimité des voix. Nous avons donc déroulé notre programme avec beaucoup d’acquis aujourd’hui Nous avons intégré des innovations dans notre mandature.
Nous avons pour commencer, confectionné un logo pour la ligue, mais aussi un slogan pour la ligue : « Penser volley-ball, agir volley-ball ». Nous avons également introduit le concept de MVP (Most valuable player) qui récompense le meilleur joueur sur chaque match du championnat qui se joue au niveau de la ligue du Centre. Ce concept a apporté de la plus-value parce qu’il motive les joueurs. Nous avons également signé un partenariat avec un équipementier sportif qui habille nos MVP lors de nos matchs. Il y a des saisons ou on pouvait aller de l’ordre de 100 à 114 maillots que ce partenaire nous donnait.
Nous avons aussi créé des pages sur les différentes plateformes de réseaux sociaux sur lesquels nous avons réussi à retransmettre un certain nombre de matchs en direct. C’était vraiment une première. Avant nous, le concept de MVP n’existait nulle part ailleurs dans le volley-ball sous régional africain. C’est la ligue du Centre qui l’a introduit pour la première fois et d’autres disciplines ont suivi le pas. De nos jours, au niveau de la région Afrique de l’Ouest, ce qu’on appelle la zone 3 au volleyball, le concept de MVP a été introduit dans toutes les compétitions et je pense que ça fait le bonheur de nos sportifs. C’est ce qu’il faut voir comme challenge surtout pour les fédérations ou les ligues comme les nôtres qui n’ont pas suffisamment de moyens.
Quel était l’état des lieux du volley-ball au Burkina avant que vous ne dirigiez la ligue du Centre ?
Comme je le dis toujours, le volley-ball est un sport passionnant qui se pratique essentiellement au Burkina à travers les compétitions du championnat national. Mais aussi des compétitions de sport pour tous. Il faut juste faire remarquer que, depuis un certain temps, surtout ces dernières décennies, il y a des difficultés de rayonnement de notre volley-ball. On est dans une gouvernance assez statique. Il y a du tâtonnement, une absence d’indicateurs pour évaluer l’évolution du volley-ball et la performance des acteurs. Il y a aussi que les ligues et districts sont relégués au rang d’exécutants. Je pense que ce n’est pas très reluisant pour notre volley-ball. Il y a également le manque de répertoires des joueurs.
Aujourd’hui, si vous demandez combien de joueurs ont une licence au Burkina Faso, on ne peut pas le savoir. On pourrait avoir uniquement pour ceux qui sont en première division cette année, mais la pratique du volley-ball est aussi généralisée dans les services qui font le sport pour tous. Et toutes ces personnes doivent être répertoriées comme des pratiquants du volley-ball et doivent bénéficier de licences, naturellement les catégories de licences doivent être spécifiées, selon le niveau de pratique. Cette situation doit être corrigée. Au niveau de la relève aussi, il n’y a que quelques promoteurs privés qui ont des centres de formation et quelques clubs de première division qui ont des équipes de petites catégories. Cela doit également être corrigé.
Donc voilà un peu la situation dans laquelle baigne le volley-ball national, qui n’arrive plus à s’imposer sur le plan international. Alors que l’équipe nationale du Burkina était l’une des équipes les plus fortes de l’Afrique de l’Ouest en tout cas au niveau de la zone 3. Beaucoup de pays nous ont vu jouer et ont pris exemple sur nous pour construire des modèles de développement. C’est en cela que je pourrais saluer le modèle qui est implémenté au Benin. Notre ami et frère Ali Yaro fait un travail formidable aussi bien dans la construction du volley-ball national que de la promotion des joueurs. Le volley-ball burkinabè doit rayonner à nouveau, il faut le faire.
Quelle est votre vision pour un meilleur développement du volley-ball burkinabè ?
Le volley-ball est un sport passionnant. Il faut l’avoir vécu comme je l’ai vécu pour prendre conscience de tout ce qu’on peut faire avec le volley-ball et de toute la splendeur qu’il y a dans ce sport. Pour développer notre volley-ball et le faire rayonner à nouveau, il faut des porteurs d’idées, de la vision, de l’audace et des relations. Notre volley-ball, à ce stade actuel, souffre de sa gouvernance. Nous ne remettons pas en cause les acquis mais depuis un certain temps, notre volley-ball piétine.
Parce qu’il n’y a pas suffisamment de moyens qui y sont injectés. Pour développer un sport comme le volley-ball qui ne bénéficie pas de beaucoup de moyens, il faut de la stratégie. Il faut trouver le moyen de convaincre les dirigeants du pays, le ministère des Sports et toutes les autres structures, que le volley-ball peut développer l’homme, que le volley-ball peut développer le jeune burkinabè. Que le volley-ball peut construire une nation et qu’il faut y mettre suffisamment de ressources. Ce n’est pas au ministère des Sports d’être le premier à penser à cela.
C’est nous les acteurs du volley-ball qui devront inciter le ministère en allant avec des projets qui sont viables et fiables. Le ministère des Sports fait déjà pas mal de bonnes choses pour le volley-ball. A travers le Fonds national de promotion des sports et loisirs, il y a des financements ou subventions qui sont accordés à nos fédérations pour supporter certaines dépenses. Sans ce soutien, je pense qu’il y a des activités qui allaient être annulées. Un grand merci au ministère des Sports et au Fonds national de promotion des sports et loisirs. Aujourd’hui, le volley-ball doit repartir à la base. On ne peut pas développer le volley-ball comme tous les autres types de sport sans repartir à la base. Repartir à la base, ce n’est pas laisser des écoles satellites à tout bout de champ.
C’est un projet structurant qui doit être implémenté et trouver une solution pour que tout club qui joue en première division puisse avoir une équipe de petite catégorie. Ce n’est pas normal que des clubs parachutent en première division sans des fondements. Ce n’est pas non plus la faute des clubs si cela est permis. Je pense qu’il faut les aider à se structurer. Il faut donc à court terme, inciter les clubs à avoir des petites catégories. On interdit pas qu’il y’ait des centres de formation parce que c’est très important d’avoir des centres de formation de promoteurs privés mais les promoteurs privés ne viendront pas mettre de l’argent dans une discipline sans rien en retour. C’est pour cela qu’après avoir mis en place cette politique de relève, il faut voir comment arriver à maintenir ces jeunes dans la compétition, et c’est la deuxième étape.
On doit créer de la compétition pour donner de la visibilité aux joueurs mais surtout pour renforcer leurs compétences. On doit aussi voir comment rendre notre sport bancable pour attirer des sponsors. Après cela, l’autre étape, la troisième, sera de voir comment faire la promotion de nos joueurs. Parce que, si vous n’avez pas de joueurs qui jouent à l’international, vous restez un peu dans un statut d’amateur, vous manquerez de visibilité. Il faut donc promouvoir les joueurs. On a des joueurs talentueux dans ce pays, j’en connais même la plupart. Il faut réussir à les faire sortir pour ceux qui veulent bien le faire. Il y a des possibilités dans ce sens dans le domaine car d’autres pays voisins arrivent à le faire.
C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes contents d’être en partenariat avec l’université de Lausanne pour des schémas de sport-études pour un certain nombre de joueurs de volley-ball burkinabè. Le premier aurait dû partir en septembre dernier, malheureusement, il y a eu quelques soucis académiques au niveau du Burkina Faso. Mais ce n’est que partie remise. Le projet est en cours et on espère pouvoir dérouler cela plus tard. Si on suit ce schéma : relève-compétions-promotion, on arrivera à avoir une équipe nationale compétitive, rayonnante, qui va attirer du public et de sponsors. C’est de cette façon qu’il faut synthétiser notre vision pour le volley-ball à court, moyen et long terme.
Est-ce que vous avez des ambitions pour le renouvellement des instances ?
Le renouvellement a commencé depuis un certain temps et nous avons de très grandes ambitions pour le volley-ball. Pour réussir tout ce que nous avons comme ambition, il nous faudra accéder aux instances. Il ne suffit pas de rester dans la théorie, il faut également inclure la pratique. Il faut aller aux affaires du volley-ball, chercher à diriger les instances du volley-ball. Pour cela, nous sommes candidat au poste de président de la Fédération burkinabè de volleyball (FBVB). Nous avons une équipe assez forte, diversifiée avec beaucoup de compétences en termes technique et administratif.
Nous avons toutes les générations qui nous accompagnent dans ce projet. Nos aînés, nos cadets, nos promotionnaires nous accompagnent parce que c’est un projet qui se veut très large. C’est un projet qui va brasser l’ensemble du monde du volley-ball burkinabè. Une nouvelle vision est nécessaire pour notre volley-ball. Mais comme tout projet, il y aura forcément des difficultés, des gens qui ne seront peut-être pas d’accord avec nous parce qu’ils ont aussi leurs propres visions et leurs candidats. Nous, nous avons juste pour ambition de développer le volley-ball, de donner le volley-ball aux acteurs du volley-ball.
De faire en sorte qu’on ne puisse pas simplement voir dans le volley-ball une pensée unique avec les mêmes acteurs dirigeants depuis des lustres. La pensée unique des maîtres qui veulent être là éternellement et qui pensent que sans eux, le volley-ball ne peut pas se développer. Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique. Nous pensons que tout le monde est intelligent et que c’est la mise en commun des intelligences qui va nous permettre de développer notre volley-ball. Notre philosophie est que la vie est une continuité et qu’il faille accepter que ce qu’on a commencé, il reviendra à quelqu’un d’autre de le continuer ou de la parachever.
Si vous accédez à la présidence quelle sera la plus-value ?
Nous avons avec nous le dynamisme, nous avons avec nous nos compétences, et nous avons avec nous le relationnel, l’assistance des aînés. Nous avons déjà un projet fiable sur la relève. Nous avons des partenaires à l’international qui pourraient accueillir aussi bien nos athlètes que nos équipes nationales pour des programmes de stages. Cela c’est déjà quelque chose de formidable. La plus-value c’est aussi la structuration de la gouvernance du volley-ball à partir des clubs.
Il faut réorganiser les clubs, il faut inciter les clubs à se structurer. On ne peut pas faire ça pour eux, mais il faut les inciter à se structurer. Il faut voir comment réorganiser les districts, les ligues. Au niveau même de la fédération, il faut avoir une gouvernance sérieuse et vertueuse. Nous faisons le pari d’amener le volley-ball burkinabè sur une autre dimension naturellement avec l’accompagnement de tous. C’est peut-être prétentieux, mais la plus-value, c’est notre naïveté. Nous avons la ferme conviction que cela est possible parce que si d’autres disciplines l’ont réalisé, c’est que c’est possible ailleurs, notamment au volley-ball.
Quel serait l’avenir du volley-ball dans quelques années, vous à la tête de la FBVB ?
Nous avons des méthodes et des stratégies qui peuvent nous permettre de faire rayonner le volley-ball à l’international. Parce que, pour construire une équipe nationale, il ne faut pas voire juste ce qui existe, ça se construit sur une période. On ne peut pas aujourd’hui se lever et dire que nous allons à la CAN parce que nous avons eu une possibilité d’y aller. Il faut se donner des échéances, faire un programme avec un plan de développement. Donc, naturellement dans la première année on ne peut pas assister à un décollage comme on le dit, mais le schéma que nous allons implémenter va, à terme, redonner les couleurs à notre drapeau sur la scène du volley-ball régional et international.
Et nous pensons que c’est logique que nous agissions ainsi parce que la nouvelle gouvernance qui est implémentée à l’intérieur de notre pays vous le savez très bien, veut qu’à tous les niveaux, les acteurs soient proactifs. Et nous nous inscrivons dans cette vision. Les fils du pays doivent travailler pour que le Burkina Faso soit hissé le plus haut possible dans tous les secteurs. Et le volley-ball est un secteur qui peut nous apporter des lauriers qui nous rendront fiers. Nous prenons l’engagement de rendre le peuple fier à travers le volley-ball, à travers le « Akili Koura » ou « La nouvelle vision »
Nous sommes au terme de notre interview, est-ce que vous avez un appel à lancer ?
Je voudrais remercier pour terminer, tous mes aînés qui m’ont motivé à être candidat. Ce projet aussi est porté par les anciens joueurs, et je voudrais remercier tous ceux qui sont sur ma liste, et qui ont accepté se porter à mes côtés pour aller aux élections. Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont aidé dans la gestion de la ligue, quand j’y étais. Je voudrais dire aux acteurs du volley-ball, que vous avez la solution entre vos mains, c’est à vous de l’appliquer. Je demande à tous de faire bloc derrière notre candidature, de nous donner des conseils que vous jugez importants. Au soir du 2 novembre, le volley-ball doit prendre une autre trajectoire et ce sera à eux de poser les rails de cette nouvelle direction.
Interview réalisée par Obissa Juste Mien
Lefaso.net