Burkina/Santé : Neuf millions d’enfants affectés par l’intoxication au plomb
Un atelier de sensibilisation sur la situation actuelle de la peinture au plomb au Burkina Faso s’est tenu ce mercredi 30 octobre 2024 à l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire de l’environnement, de l’alimentation, du travail et des produits de santé (ANSSEAT). Présidé par le secrétaire général de l’ANSSEAT représentant le directeur général, cet atelier a été l’occasion de présenter les résultats de la dernière étude sur la peinture au plomb au Burkina Faso réalisée par l’ANSSEAT et l’ONG LEEP (Projet d’élimination de l’exposition au plomb).
En juin 2024, l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire de l’environnement, de l’alimentation, du travail et des produits de santé (ANSSEAT) et l’ONG LEEP (Projet d’élimination de l’exposition au plomb) ont mené à Ouagadougou une étude pour déterminer la teneur en plomb des peintures commercialisées au Burkina Faso. 45 pots de peinture à huile et de peinture en aérosol d’usage domestique ont été achetés auprès de 15 marques formelles et informelles. Ces peintures de différentes couleurs ont été analysées par un laboratoire accrédité aux États-unis d’Amérique pour déterminer la teneur en plomb sur la base du poids sec.
Les résultats ont montré que douze échantillons de peinture à usage domestique sur 45, contenaient des niveaux de plomb dangereusement élevés (plus de 90 ppm de plomb). La teneur en plomb la plus élevée était de 250 000 ppm. Or la limite de concentration recommandée est de 90 ppm.
Pourtant l’exposition au plomb a de graves répercussions sur la santé, notamment des enfants. Elles provoquent chez eux des lésions cérébrales permanentes, des retards de croissance et l’anémie. L’intoxication au plomb peut également endommager de manière irréversible le développement cognitif des enfants et avoir un impact sur les résultats scolaires.
Dr Nasser Hassane, chargé de programme à l’ONG LEEP souligne que des études scientifiques ont même relevé une corrélation entre le taux élevé de plomb dans l’organisme et la commission de crimes.
Chez les adultes, Dr Nasser Hassane explique que l’intoxication au plomb peut être également responsable de cardiomyopathies, de l’hypertension artérielle, l’infertilité et aussi du cancer.
Selon le secrétaire général de l’ANSSEAT, Christian Kaboré, on estime à neuf millions, le nombre d’enfants burkinabè affectés par l’intoxication au plomb provenant de la peinture et d’autres sources.
Les populations ne sont pas toujours informées des risques, c’est pourquoi Dr Hassane estime qu’il est nécessaire de faire de la sensibilisation sur la problématique de l’exposition au plomb par la peinture qui est l’une des principales sources au niveau mondial, mais également de prendre des mesures pour limiter l’exposition à la peinture au plomb.
En effet, des alternatives existent et l’utilisation du plomb n’est pas nécessaire à la production de peinture. Selon Dr Nasser Hassane, des ingrédients sans plomb sont largement disponibles pour la fabrication des peintures. « Le plomb se retrouve dans les peintures à travers certaines matières premières que les fabricants de peinture utilisent, comme les pigments qui donnent la coloration, les siccatifs pour que la peinture sèche vite. Mais aujourd’hui, il y a des alternatives à ces matières premières. Il y a des pigments sans plomb que les fabricants peuvent utiliser, il y a aussi des siccatifs sans plomb », a-t-il indiqué.
Une réglementation stricte visant à restreindre la production, l’importation et la vente de peintures contenant du plomb est un moyen efficace et peu coûteux, de son point de vue, pour réduire l’exposition au plomb.
Cet atelier qui se tient ce 30 octobre est donc l’occasion de présenter aux fabricants de peinture, l’offre du Projet d’élimination de l’exposition au plomb (LEEP) pour se passer de ce métal dans la fabrication de la peinture. « Notre engagement n’est pas seulement envers le gouvernement, c’est aussi envers les fabricants de peinture. Quand nous approchons ces fabricants, c’est pour leur partager les résultats de l’étude, mais aussi leur proposer des alternatives, des conseils sur une reformulation. Tout cet accompagnement que nous offrons aux fabricants est un accompagnement totalement gratuit qui va leur faciliter la production de peinture sans plomb », a souligné Dr Hassane.
L’atelier est aussi le lieu de sensibiliser d’autres acteurs sur les impacts sanitaires du plomb, de présenter les résultats de l’étude sur la peinture au plomb au Burkina Faso, de réaliser une revue des textes réglementaires relatifs à la peinture au plomb au Burkina Faso et d’adopter une feuille de route pour la mise en place d’une réglementation sur la peinture sans plomb au Burkina Faso.
« Le ministre de la santé a instruit d’élaborer un plan d’action et voir comment est-ce que nous allons arriver à l’élaboration de textes réglementaires, de normes. Ceci se fait avec les autres partenaires, les autres départements ministériels, notamment le ministère du Commerce. La finalité, c’est d’arriver à avoir des textes au plan national qui encadrent le secteur de la vente de peinture au Burkina », a indiqué Christian Kaboré, secrétaire général de l’ANSSEAT.
Justine Bonkoungou
Lefaso.net