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Femmes rurales et biodiversité : Il est temps pour le Burkina Faso de porter leurs voix à la COP16

Publié le mardi 29 octobre 2024 à 12h07min

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Femmes rurales et biodiversité : Il est temps pour le Burkina Faso de porter leurs voix à la COP16

Dr Madjelia Cangré Ebou Somé/Dao, directrice de recherche et chercheure en gestion intégrée des ressources naturelles à L’Institut de l’environnement et de recherches agricoles du Burkina Faso (INERA) estime que les femmes rurales jouent un grand rôle dans la gestion durable de la biodiversité et qu’à ce titre, leur voix mérite d’être entendue, alors qu’en ce mois d’octobre, le monde célèbre la Journée internationale de la femme rurale.

En ce mois d’octobre, marqué par la célébration de la Journée internationale de la femme rurale et à l’occasion de la COP16 sur la Biodiversité qui se tient présentement à Cali (Colombie), nous voulons rappeler les rôles clés que jouent les femmes rurales pour gérer durablement la biodiversité et que leur voix mérite d’être entendue :

1. Elles détiennent un savoir traditionnel de conservation des semences locales et diversifiées
Les femmes rurales font de la sélection, le stockage post-récolte et la multiplication des semences végétales. Elles mettent en œuvre des techniques de conservation naturelle, comme l’utilisation de feuilles de neem ou de cendre pour protéger les semences contre les ravageurs. Ces pratiques, transmises de mère en fille, permettent de conserver les semences de variétés indigènes comme l’arachide, le niébé, des légumes traditionnels etc. Ces savoir-faire de préservation des semences locales qui traversent des générations, sont des exemples de stratégie in situ pour maintenir la biodiversité génétique, essentielle à l’agriculture durable.

2. Leurs potagers sont des habitats de biodiversité animale et végétale

Les femmes rurales cultivent dans leurs potagers, une diversité d’espèces de plantes nutritives et médicinales. Par exemple on peut y trouver au même moment différentes catégories de plantes comme les légumes-feuilles (Amaranthe, Corchorus etc.), des légumineuses (haricots, soja etc.), des légumes-fruits (tomates, piments etc.) et des arbres-légumes (baobab, moringa).

Contrairement aux systèmes de monoculture, cette diversité végétale crée un environnement propice à la survie de nombreuses espèces animales. Chaque plante attire des organismes différents, ce qui contribue à un écosystème équilibré et renforce la biodiversité locale. Les insectes, les reptiles et même certaines espèces d’oiseaux y trouvent refuge, utilisant les plantes pour se nourrir, se protéger des prédateurs et/ou se reproduire. Par exemple, les fleurs des plantes potagères peuvent interagir avec les insectes tels que les prédateurs naturels des ravageurs, les abeilles et autres pollinisateurs qui sont indispensables à la reproduction des plantes.

Les pratiques agroécologiques tels que le compostage, le paillage, ou l’agroforesterie, sont souvent utilisées dans ces potagers. Ces pratiques protègent, restaurent la qualité des sols et favorisent une riche microfaune et macrofaune. Les vers de terre, les champignons et les micro-organismes issus de ces pratiques culturales respectueuses de l’environnement jouent un rôle essentiel dans la santé des sols et contribuent à une plus grande diversité animale et végétale.

Cette biodiversité fonctionnelle, c’est-à-dire la variété des espèces remplissant différents rôles écologiques, permet de maintenir l’équilibre même en cas de perturbations. Les femmes rurales, en misant sur une diversité de plantes et d’organismes, contribuent ainsi à la résilience de leur environnement et à la protection de la biodiversité.

3. Elles contribuent à la conservation de la biodiversité à travers la transmission intergénérationnelle des savoirs sur la médecine traditionnelle

Les femmes rurales ont souvent la responsabilité de soigner les enfants et/ou les adultes grâce à l’utilisation des plantes médicinales. Elles acquièrent des connaissances fines sur les espèces locales notamment leurs propriétés, leurs modes de préparation et leurs effets thérapeutiques en observant et en apprenant des mères et des grands-mères. Elles comprennent bien les périodes propices de récolte dans l’année et les cycles de croissance de ces plantes médicinales.

Elles évitent souvent de surexploiter les espèces, s’assurant ainsi qu’elles peuvent en disposer sur le long terme. En transmettant ces pratiques durables, les femmes participent activement à la préservation des plantes locales, souvent menacées par la déforestation ou la dégradation des sols. Cela permet de maintenir des écosystèmes équilibrés et de sauvegarder des espèces essentielles pour la pharmacopée traditionnelle. Elles savent comment les préparer pour qu’elles conservent leurs vertus, et comment les utiliser sans nuire à l’écosystème environnant.

Ces savoirs et pratiques ancrés dans la vie quotidienne des femmes rurales sont transmis de mère en fille, créant une véritable bibliothèque vivante de remèdes naturels. Ce qui démontre leur rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et dans le maintien de l’équilibre écologique.
Malgré leur contribution significative, les femmes rurales restent souvent sous-représentées dans les discussions et les forums de décision aux plans national et international.

Il est donc important de :

  reconnaître et d’honorer le rôle indispensable des femmes rurales : Intégrer les connaissances et l’expertise des femmes dans les décisions politiques, en veillant à ce qu’elles soient représentées dans les délégations aux différentes rencontres internationales et dans les discussions sur la biodiversité ;
  soutenir des initiatives locales : Investir dans des programmes qui valorisent les savoirs traditionnels des femmes rurales en favorisant des approches agroécologiques ;
  faciliter l’accès à la formation et aux ressources : Offrir des formations et des ressources aux femmes rurales pour les aider à partager et à préserver leurs connaissances locales, tout en renforçant leur capacité à participer activement aux prises de décisions ;

  créer des banques de semences locales : Développer des banques de semences communautaires pour garantir la pérennité des variétés locales et en faciliter l’accès à tous ;
En intégrant leurs contributions dans les décisions politiques, nous ne faisons pas seulement un pas vers l’égalité des genres, mais nous renforçons également notre capacité collective à protéger notre biodiversité, à lutter contre le changement climatique et à promouvoir un développement durable.
Les femmes rurales sont des actrices clés de la résilience et leur voix mérite d’être entendue.

Dr Madjelia Cangré Ebou SOME/DAO
Directrice de Recherche
Chercheur en Gestion Intégrée des Ressources Naturelles à l’INERA au Département Environnement et Forêts
Présidente du Groupe SOLANG pour l’éducation et la valorisation des résultats de la recherche

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