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Burkina/Cancer du col de l’utérus : « La fidélité est une des armes de lutte contre la maladie », Pr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien au CHU de Bogodogo

Publié le mardi 29 octobre 2024 à 03h35min

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Burkina/Cancer du col de l’utérus : « La fidélité est une des armes de lutte contre la maladie », Pr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien au CHU de Bogodogo

Deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes après celui du sein, le cancer du col de l’utérus demeure un problème majeur de santé publique. Il constitut 11% des cancers déclarés chez les femmes au Burkina Faso en 2022, selon l’Observatoire mondial des cancers (Globocan). Pourtant, cette maladie peut être évitée grâce à une prévention efficace et un dépistage régulier. Le Professeur Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien en service au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bogodogo, dans l’interview accordée à Lefaso.net, aborde les facteurs de risque, l’importance du dépistage, et les moyens de prévention, pour donner aux femmes les outils nécessaires dans la lutte contre cette maladie.

Lefaso.net : Quels sont les principaux facteurs de risques associés au développement du cancer du col de l’utérus chez la femme ?

Pr Charlemagne Ouédraogo : Le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer génital chez la femme après celui du sein. C’est un cancer qui n’est pas rare. C’est un cancer qui est fréquent et fort heureusement, c’est un cancer que l’on peut prévenir. On peut prévenir le cancer du col de l’utérus, je dirais même presqu’à 100%. Et une fois qu’il est diagnostiqué tôt, on peut guérir du cancer du col de l’utérus. Il y a plusieurs facteurs de risque qui participent à la genèse d’un cancer du col de l’utérus. Mais, il y a une cause déterminante qui est l’infection par le virus HPV (Infections à papillomavirus humain) dans son sérotype cancérigène. Il a plusieurs types de sérotypes, environ 120. Parmi ces 120, il n’y a que moins d’une quinzaine qui peuvent générer une lésion dont l’évolution peut aboutir à un cancer du col de l’utérus.

Et lorsque l’on est infecté par ce virus HPV, il y a un conflit qui se met en place entre l’agresseur, qui est le virus, et le système immunitaire de l’organisme. Fort heureusement, dans la majorité des cas, au bout de six mois, l’organisme arrive à circonscrire l’infection et à éliminer le virus. Cela s’appelle la clairance virale. Si cette clairance virale, malheureusement, ne se produit pas, le virus va persister dans l’organisme. C’est dans la persistance de ce virus-là, que la lésion dysplasique (développement, apparence et organisation anormaux des cellules) pourrait naître et va passer par plusieurs stades et devenir une lésion cancéreuse au bout de 12 à 15 ans d’évolution.

A lire : Burkina Faso : « En 2020, il y a eu près de 1132 cas de cancer du col de l’utérus avec près de 839 cas de décès liés à cette maladie », Pr Aboubacar Bambara

Les autres facteurs de risque sont des facteurs mineurs, mais qui participent aussi à la survenue de cette infection. C’est d’abord le multi partenariat sexuel, le jeûne âge, le tabac, l’alcool. Je rappelle que le tabac est un facteur cancérigène important parce que l’on retrouve la nicotine dans les sécrétions au niveau du col de l’utérus. Toutes les femmes qui fument s’exposent à un risque élevé de cancer du col de l’utérus, en dehors des cancers de la sphère ORL et pulmonaire. Ces facteurs de risque peuvent participer à la survenue d’un virus HPV et développer une lésion dysplasique qui pourrait évoluer à la longue vers un cancer. Voici comment le cancer du col de l’utérus se prépare depuis l’infection en passant par la lésion dysplasique et devenir un cancer au bout d’au moins dix ans.

Quels sont les symptômes les plus fréquents surtout aux premiers stades de la maladie ?

Alors, lorsque le cancer du col se prépare à survenir, il n’y a pas de symptômes. La femme vit normalement. Elle peut faire ses enfants. Elle a ses rapports sexuels sans difficulté. Elle mène sa vie sexuelle et reproductive sans difficulté pendant que la maladie évolue à basse intensité. Seul le dépistage permet de retrouver une lésion qui pourrait évoluer vers un cancer. Lorsque la manifestation s’installe, le cancer est déjà déclaré. Il s’agit des saignements au contact du col. Le contact avec le col peut être à l’occasion d’un rapport sexuel, à l’occasion d’une visite médicale ou lors de la toilette intime des femmes. Quand une femme saigne après un rapport sexuel qui se répète à chaque fois, ça pourrait être grave. Il faudra qu’elle aille consulter car c’est l’une des manifestations du cancer du col qui est déjà évolutif. Avant l’installation du cancer, il n’y a pas de symptômes qui dérangent la vie de la femme.

A partir de quel âge recommandez-vous à une femme de commencer à faire le dépistage du cancer du col de l’utérus ?

Nous recommandons le dépistage à partir de 25 ans de façon classique pour la population générale. À partir de 25 ans, si vous avez une vie sexuelle. Mais si vous n’avez pas de vie sexuelle jusqu’à 25 ans, même à 30 ans, le dépistage du cancer du col ne vous concerne pas. Parce que c’est une maladie des femmes en activité sexuelle. Ce n’est pas une maladie des femmes qui n’ont jamais eu de rapport sexuel. Pour les femmes avant 25 ans, nous préconisons le dépistage pour les professionnels du sexe. Les professionnels du sexe qui s’exposent aux dangers doivent commencer le dépistage avant l’âge de 25 ans.

Mais dans la population générale, c’est à partir de 25 ans et tous les trois ans. Et toute femme qui est régulière au dépistage peut même jurer qu’elle n’aura jamais le cancer du col de l’utérus dans la majeure partie des cas. C’est important de le dire, le cancer du col de l’utérus est différent du cancer du sein. Ce n’est pas la même cause, ce n’est pas la même procédure. Ce sont tous des cancers, mais ils n’ont pas le même chemin. Pour ce qui concerne le col de l’utérus, le dépistage est le meilleur moyen de prévenir le cancer du col de l’utérus. Avant l’installation du cancer, il n’y a pas de symptômes qui dérangent la vie de la femme.

A lire : Cancer du col de l’utérus : L’OMS ajoute un vaccin contre le HPV à administrer en dose unique

Pour les adolescentes, c’est la vaccination contre le HPV qui est le virus qui détermine la survenue du cancer du col de l’utérus dans 70% des cas, et cette vaccination c’est entre 9 et 14 ans. Mais vous pouvez même faire la vaccination à l’âge de 20 ans si vous n’avez jamais eu de rapports sexuels parce que le virus HPV est considéré comme une grippe sexuelle, c’est ce qu’on appelle en gynéco, parce que c’est très contagieux. Et si on vaccine entre 9 et 14 ans, c’est dans cette fenêtre-là que la probabilité que la jeune fille ait eu des rapports sexuels est très faible. Donc à ce moment, on aura une efficacité du vaccin contre le virus qui peut générer le cancer du col de l’utérus à l’avenir.

"Le cancer du col de l’utérus est une maladie des femmes en activité sexuelle"

Quels sont les types de dépistages disponibles au Burkina Faso ?

Aujourd’hui, nous avons non seulement la vaccination comme arme de prévention de l’infection par le virus HPV et donc de la survenue du cancer, nous avons également le traitement des lésions précancéreuses qui existent au Burkina, et pour le dépistage, nous avons plusieurs moyens. Nous avons l’utilisation des tests HPV, nous avons l’IVA-IVL, nous avons le frottis cervico-utérin, nous avons également la colposcopie. Selon ce que l’on veut faire et dans l’environnement où l’on est, et selon la cible que l’on veut toucher, on peut choisir l’une ou l’autre des méthodes. Souvent, ces méthodes se complètent pour permettre d’approfondir un diagnostic chez une femme.

Selon votre expérience, y a-t-il plus de guérisons ou de décès liés au cancer du col de l’utérus au Burkina Faso ?

La mortalité par cancer est élevée tout simplement parce que beaucoup arrivent tard, quand le cancer est déjà installé. Mais depuis que nous en parlons beaucoup, depuis 2016, je dirais, beaucoup de femmes viennent aux consultations pour le dépistage, surtout que c’est gratuit au Burkina Faso. On retrouve souvent des lésions précancéreuses et on les traite en cinq minutes. Une femme qui vient le matin en consultation pour des lésions précancéreuses, dès qu’on voit, on la traite immédiatement et elle continue même au travail. Ça n’a pas besoin d’une hospitalisation ou d’une mise en hospitalisation, pas du tout. C’est pour cela que nous encourageons les femmes à aller utiliser l’offre de l’État. Le gouvernement burkinabè a fait de gros efforts pour offrir des prestations à la population. Et donc, nous encourageons les femmes à participer massivement au dépistage des lésions du col, car il y a des solutions. Quand on retrouve une on peut la traiter et cette lésion disparaît pour toujours. Aller au dépistage, c’est prévenir véritablement le cancer du col de l’utérus.

Quelles sont les traitements disponibles pour traiter le cancer du col de l’utérus ?

Pour le stade avancé, il y a la chirurgie qui existe au Burkina. Il y a la radiothérapie qui existe au Burkina. Il y a la chimiothérapie, dans certains cas et ça existe au Burkina. En somme, les différentes articulations du traitement multidisciplinaire à donner à quelqu’un qui a un cancer du col existe au Burkina.

Quelles sont les habitudes de vie que les femmes doivent intégrer ou bannir pour prévenir le cancer du col de l’utérus ?

Les habitudes, c’est d’abord éviter le vagabondage sexuel parce que c’est l’homme qui contamine la femme et c’est la femme qui développe le cancer du col de l’utérus. Donc, c’est de demander aux couples d’être fidèles. La fidélité permet de lutter contre l’infection à HPV. Donc, la fidélité est également une des armes de lutte contre le cancer du col de l’utérus. Soyez fidèles à votre femme ou à votre mari et on va rompre la chaîne de transmission. Aux jeunes, je dirais, ayez une sexualité responsable. Portez le préservatif, mais ça n’arrive pas à lutter contre l’infection HPV, parce que déjà à travers la manipulation des mains avant même la pénétration, il y a un risque. Donc, aux jeunes, je dirais que la sexualité précoce n’est pas une bonne chose. Il faut retarder l’âge du premier rapport sexuel, pour rentrer dans la vie adulte avec une connaissance approfondie de la vie, ce qui va vous permettre d’avoir une sexualité responsable pour éviter non seulement les infections sexuellement transmissibles dans le HPV, mais aussi les grossesses non désirées.

Les différentes articulations du traitement multidisciplinaire à donner à quelqu’un qui a un cancer du col de l’utérus existent au Burkina Faso, fait savoir le Pr Charlemagne Ouédraogo

A lire : Burkina/ Lutte contre le cancer du col de l’utérus : « Il ne faut pas se laisser décourager par les vaccino-sceptiques », Pr Charlemagne Ouédraogo

Qu’avez-vous à ajouter ?

Je félicite les actions de tous les gouvernements qui se sont succédés depuis 2016 qui ont su garder la même dynamique dans le cadre de la réponse apportée au cancer. Je voudrais que vraiment cette dynamique se poursuive. Pour que cette dynamique se poursuive, il faut que la population consomme l’offre de l’État, pour encourager l’État à faire encore plus. Si l’État vous offre un service et que vous ne l’utilisez pas, l’État va finir par réorienter son investissement vers d’autres secteurs. Et pourtant, c’est un secteur important. On connaît le nombre de femmes au Burkina, ça dépasse le nombre des hommes. Nous savons également la contribution de la femme à l’économie du Burkina. Une femme qui a un cancer est invalide pendant longtemps, sinon même le reste de sa vie. Cette activité va prendre un coup. L’éducation des enfants va également en pâtir. Donc, lutter contre le cancer du col et tout autre forme de cancer, c’est participer au développement social et économique du Burkina Faso et à l’épanouissement des familles.

A lire : Burkina : « Le cancer du col de l’utérus fait beaucoup de ravages, alors que c’est le plus facile à traiter, s’il est décelé tôt » (Alima Kollo, association Dèmè)

Interview réalisée par Farida Thiombiano
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