Sculptures sur granite de Laongo : « Ce joyau participe à la réconciliation nationale et à la culture de la paix », défend Dr Edwige Zagré/Kaboré

À l’occasion du 14e symposium international de sculptures sur granite de Laongo, une conférence publique sur la contribution du site au développement socio-économique a été organisée ce samedi 12 octobre 2024. Ce cadre d’échanges s’est tenu à Laongo, province de l’Oubritenga, région du Plateau central, sur le thème « Trente-cinq ans de création contemporaine : Quelle contribution au développement national ? ». Un thème développé par Dr Edwige Zagré/Kaboré, enseignante-chercheure en histoire de l’art à l’université Norbert-Zongo, qui préconise notamment le changement du statut juridique et administratif du site et l’implication de la communauté locale pour une meilleure gestion. Elle a passé en revue l’historique du site « unique en son genre en Afrique » ainsi que les contributions socio-économique, culturelle, touristique, éducative, environnementale et scientifique du site de sculptures sur granite de Laongo au développement du Burkina Faso.
Pendant environ une heure de temps, Dr Edwige Zagré/Kaboré, sous la modération de Dr Oumarou Nao, s’est entretenue avec les participants sur le thème : « Trente-cinq ans de création contemporaine : Quelle contribution au développement national ? »
De son exposé, on peut retenir que le site de sculptures sur granite de Laongo, véritable « musée à ciel ouvert », créé en 1989, contribue au développement national par les recettes liées aux droits d’entrée pour les visites. Selon Dr Edwige Zagré/Kaboré, la contribution du site de Laongo au développement est aussi locale que nationale. « La capacité d’une nation à améliorer le niveau de vie des citoyens est un indicateur du niveau de développement de la nation. Il est alors impératif que le développement national passe par le développement local. Le processus de rentabilisation du site est né de la nécessité de chaque département ministériel de faire les preuves de son apport au budget national et dicté surtout par les partenaires financiers », a relevé Dr Zagré/Kaboré.
Pour améliorer les conditions d’accueil et de séjour des artistes et des visiteurs, des réalisations ont vu le jour sur le site : eau courante, cases en matériaux définitifs qui ont remplacé les cases en banco, restaurant, électricité, guichet pour les droits d’entrée, salle d’exposition, boutiques, toilettes et aires de repos. Des commodités qui, selon Dr Edwige Zagré/Kaboré, devraient permettre de sécuriser les réalisations artistiques et les investissements, avec pour objectif de préserver les œuvres mais aussi la rentabilité du site. À titre illustratif, on peut citer la clôture en béton qui permet de délimiter l’espace occupé par les œuvres et la gestion des droits d’entrée.
Dr Edwige Zagré/Kaboré a affirmé que les visiteurs du site de sculptures sur granite de Laongo sont en majorité des fonctionnaires, des élèves, des étudiants, mais aussi toutes les catégories socio-professionnelles. Et pour cause, « cela tient à une certaine mentalité qui fait du tourisme de façon générale une affaire d’expatriés, de lettrés, si bien que la population locale elle-même n’est pas beaucoup présente sur le site ». Elle conseille donc à l’Office national du tourisme du Burkina (ONTB), structure gérante du site depuis 2008, de travailler à changer cette mentalité par des actions de sensibilisation et d’attraction du site.
Dr Edwige Zagré/Kaboré s’est également attardée sur les fréquentations mensuelles du site. Le site de sculptures sur granite de Laongo, inscrit sur la liste du patrimoine national, est accessible au prix unitaire de 500 F CFA pour les élèves et étudiants, 1 000 F CFA pour les nationaux et 2 500 F CFA pour les expatriés.
Selon les chiffres de Dr Edwige Zagré/Kaboré, au mois de janvier 2013, 561 personnes ont été enregistrées sur le site contre 850 en février, 2 741 en mars et 940 visiteurs en décembre de la même année. Pour la période de 2016, on enregistre 4 661 nationaux, 381 non-nationaux et des droits d’entrée de 3 646 500 F CFA. En 2018, on a 6 974 nationaux contre 816 expatriés avec de droits d’entrée de 6 392 000 F CFA. Avec les périodes de 2019 et 2020 marquées par la maladie à coronavirus, les chiffres ont baissé. Pour l’année 2023, on a 6 041 nationaux, 463 non-nationaux avec des droits d’entrée de 5 627 500 F CFA. Pour Dr Edwige Zagré/Kaboré, ces différentes recettes contribuent au budget national car, dit-elle « avant l’installation du mur de clôture, c’était à zéro franc et quelques millions valent mieux que rien ».

Le site contribue également au renforcement de la cohésion sociale, à la réconciliation nationale et à la culture de la paix. « Élément fédérateur, ce joyau participe à la réconciliation nationale et à la culture de la paix aujourd’hui si chère à notre pays. La création artistique, à travers les œuvres monumentales en pierre de ce musée en plein air, joue un rôle primordial sur les plans aussi bien social que politique », a soutenu Dr Edwige Zagré/Kaboré.
Une grande contribution au rayonnement international du Burkina
Du point de vue touristique, du fait de son enclavement, de la faiblesse de ses ressources naturelles, le Burkina Faso est un pays de service, selon Dr Edwige Zagré/Kaboré. Le secteur touristique occupe une position stratégique car il apporte des devises à l’économie et contribue à améliorer les conditions de vie des populations.
Le site de sculptures sur granite de Laongo, selon les dires de Dr Edwige Zagré/Kaboré, contribue au rayonnement international du Burkina Faso grâce à la qualité et la diversité des œuvres ainsi que celles des sculpteurs, venus de divers horizons. « Le site de Laongo est un site culturel à vocation touristique et le caractère unique qu’on lui attribue en Afrique est également très valorisant. La contribution au rayonnement et à la visibilité du Burkina Faso à l’échelle internationale se voit du fait des origines des créateurs ou artistes de plusieurs nationalités et de tous les continents qui ont participé aux différents symposiums organisés, ainsi que de la diversité et de la qualité des œuvres. Le site contribue au renforcement du patrimoine culturel burkinabè, contribue également à la protection et à la sauvegarde de certaines espèces végétales, notamment sur le premier site qui est clôturé. Le site est particulier et unique en son genre en Afrique, c’est un musée à ciel ouvert et les artistes créent les œuvres sur place », a-t-elle expliqué.
Un site socio-éducatif et scientifique pour le pays
Sur le plan socio-éducatif, les œuvres réalisées sur le site de Laongo sont une contribution significative au développement du Burkina Faso à travers l’éducation et la sensibilisation des populations, selon l’argumentaire du Dr Edwige Zagré/Kaboré. « Le site dispose d’une collection d’œuvres dont la diversité artistique permet d’entrevoir plusieurs thèmes. Laongo permet d’apprécier l’essence de la culture d’une manière générale et de l’art en particulier qui présente le moyen par lequel les êtres humains expriment leur aptitude à se réaliser. Sont abordés, les thèmes sur la maternité, la beauté de la femme, leurs tâches quotidiennes, les systèmes de pouvoir (démocratie, tyrannie), les puissances surnaturelles et les astres (vent, ciel, soleil, etc.), les masques, la sagesse, la solidarité, le monde animal, l’environnement, etc. Ce site de sculptures sur granite de Laongo est un élément fédérateur qui participe à la réconciliation nationale et à la paix véritable dont nous avons tant besoin », a-t-elle défendu.
« Ce riche musée à ciel ouvert invite à une prise de conscience. Les œuvres montrent le rôle joué par l’art dans l’apaisement des tensions sociales et la recherche d’une culture de la paix. De ce fait, l’art n’est pas qu’esthétique, mais il est une source de l’histoire et un moyen privilégié de sensibilisation. La variété des thèmes et le foisonnement des différentes cultures nationales ainsi qu’internationales permettent au public de se ressourcer et de puiser, dans cette diversité culturelle, des éléments pouvant guider chacun à la recherche d’une citoyenneté mais aussi d’une culture de l’apaisement », a-t-elle précisé.
Des empreintes anciennes de vie humaine découvertes sur le site
Selon les révélations de Dr Edwige Zagré/Kaboré, la conférencière du jour, sur le site de Laongo, des empreintes plus anciennes de vie ont été identifiées. « Il s’agit de traces archéologiques observables sur les blocs de granite. Ce qui atteste clairement de la présence humaine sur le site avant même le premier symposium de sculptures en 1989. Ces empreintes sur le site, qui certifient d’une probable occupation humaine, peut éclairer une partie de l’histoire de Laongo et même du Burkina, tout en contribuant à faire de ce patrimoine un centre d’intérêt scientifique. Ces hypothèses sont confirmées par des résultats des travaux archéologiques qui évoquent des réalisations artistiques sur le granite avant le premier coup de burin. La présence en effet de meules et de mortiers, datant du néolithique (…) est une illustration parfaite de cet apport. Il serait bon de rassembler cette production pour les archives du site afin de faciliter d’autres futures recherches », a-t-elle développé.
Comment gérer le site de Laongo pour un tourisme florissant ?
Dr Edwige Zagré/Kaboré a indiqué que le site de sculptures sur granite de Laongo relève dorénavant du domaine public. Par conséquent, aucune action ne peut être entreprise sans un avis préalable des autorités compétentes en matière de gestion du patrimoine. Cependant, les défis sont nombreux en vue de la protection et de la valorisation du site. Il s’agit notamment de l’amélioration du régime juridique et administratif du site. Elle a invité les premiers responsables de la gestion du site à se doter d’un personnel en quantité et en qualité, en essayant de faire en sorte que les travailleurs puissent avoir des recyclages et des formations.
« Le site de Laongo est un attrait touristique important au niveau du Burkina Faso et qui devrait permettre d’impulser réellement le développement au niveau du Burkina Faso à travers le développement de ce site. Il faut d’abord qu’on essaie de voir le statut du site pour permettre un bon fonctionnement du site, parce qu’étant lié directement au ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, il y a beaucoup de choses qui ne peuvent pas être réalisées. Même quand il y a une petite panne, il faut se référer au ministère. Il faudra qu’il y ait un budget de fonctionnement au sein de ce site pour faciliter un certain nombre de choses, sinon ça va gripper la machine et ça grippe déjà la machine, parce que la lourdeur administrative existe. J’ai proposé qu’il y ait des états généraux, il faut réfléchir pour voir comment ce site doit être géré », a-t-elle interpellé.
Mais pour une meilleure gestion du site de Laongo, Dr Edwige Zagré/Kaboré préconise l’implication de la communauté locale sous la responsabilité du ministère en charge des Arts et du Tourisme. « Le développement doit permettre d’obtenir un mieux-être pour les populations et la promotion du patrimoine. Cela nous conduits au lien qui existe en pauvreté et patrimoine. En effet, peut-on demander à une population en quête de sa pitance quotidienne de s’occuper à revaloriser sa culture ? Quelles sont les raisons qui poussent certaines populations locales à livrer les pans de leur patrimoine aux étrangers ? Ce débat de fond est essentiel et pertinent, et mérite attention. Au-delà de la lutte contre la pauvreté, les populations doivent se sentir concernées par ce patrimoine et l’aimer. Laongo pourra être à la fois ce lieu de tourisme mais aussi un lieu d’escale, de repos pour ceux qui le désireront. Laongo peut être transformé en un centre de formation, un site-école, un lieu d’instruction, d’apprentissage et de production où les artistes apprendront à sculpter ou à perfectionner leur art », a-t-elle conseillé.
Pour terminer, Dr Edwige Zagré/Kaboré a appelé le gouvernement à mettre en place un programme de développement des différents sites culturels du pays pour un véritable développement du secteur du tourisme et pour mieux contribuer au rayonnement et au développement socio-économique du pays. « Pour le développement durable de nos nations, le tourisme culturel est porteur de grands espoirs. Le Burkina Faso gagnerait à mettre en place un véritable programme de développement de tous les sites culturels du pays. Avec 35 années d’existence confortée par 14 éditions de symposium, un effort de mise en valeur du site de sculptures sur granite de Laongo doit se manifester à travers des activités viables et de positionnement du site sur le plan touristique », a indiqué la conférencière.
Mamadou ZONGO
Lefaso.net