Burkina/Football : « Après la CAN du Cameroun, certains ont dit que Babayouré s’est suicidé », se rappelle Babayouré Sawadogo
Babayouré Sawadogo est un gardien de but des Etalons. En 2022, il était de l’expédition des Etalons à la CAN au Cameroun. Il a fait les beaux jours du Rail club du Kadiogo (RCK) sous le coach Kamou Malo et de l’AS Police où il était le capitaine. Le 18 septembre 2024, il a annoncé la fin de sa carrière pour intégrer le staff technique de l’AS Police. Aboubacar Babayouré Sawadogo a été trois fois champions du Burkina Faso (D1), deux fois vainqueur de la Coupe du Faso et deux fois vainqueur de la Super coupe AJSB. Comme distinction individuelle, l’ex gardien du RCK a été quatre fois meilleur gardien de D1, deux fois meilleur gardien de D2. Il a été distingué meilleur sportif de l’année 2022 par l’AJSB. Il a participé à deux CHAN et deux CAN dont une 3e et 4e place.
Lefaso.net : A quand remonte votre première convocation pour les Etalons ?
Babayouré Sawadogo : Si ma mémoire est bonne, ma première convocation avec les Etalons remonte entre 2015-2016. C’est après ma formation à l’Ecole nationale de la police (ENP), quand je suis reparti dans mon ancien club, le Rail club du Kadiogo (RCK). Le RCK a terminé champion du Burkina et a remporté la Coupe du Faso.
Comme vous venez de le dire, vous avez joué au RCK et fait les beaux jours de l’AS Police ou vous avez été capitaine. Est-ce que vous êtes satisfait de votre parcours ?
Oui. Je dirai sans hésiter que je suis entièrement satisfait de mon parcours. Mon bilan est très satisfaisant. Puisqu’étant un joueur local, en toute humilité, je ne peux que rendre grâce à Dieu pour la carrière que j’ai eu.
En termes de distinction personnelle et individuelle, quel bilan pouvez-vous tirer de votre côté ?
Dans ma carrière déjà, j’ai été trois fois champion avec le RCK, j’ai également remporté deux Coupes du Faso avec la même équipe. Aussi, j’ai remporté deux Super coupes AJSB. Individuellement, j’ai été quatre fois meilleur gardien du Burkina en première division. Une fois meilleur gardien en deuxième division et récemment, j’ai également été le meilleur joueur du Burkina et le meilleur joueur AJSB de l’année. Je n’oublie pas ma participation à deux Coupes d’Afrique des nations. Je peux donc dire que je suis satisfait.
Parmi ces distinctions individuelles que vous venez de citer, quelle est celle qui vous a le plus marqué ?
La distinction qui m’a le plus marqué est le dernier trophée que j’ai eu, c’est-à-dire, le trophée du meilleur joueur du championnat burkinabè. Pourquoi cette distinction particulièrement ? Parce qu’elle est venue à un moment ou ce n’était pas du tout facile pour moi. Je revenais de la CAN du Cameroun ou nous avons fini quatrièmes, après avoir perdu le match de classement contre le pays organisateur alors qu’on menait au score. J’ai donc dû travailler dur pour revenir. J’ai permis à mon club d’être champion et on l’a fait. A la fin de saison, j’ai fini meilleur joueur. Ce n’était pas gagné d’avance. Je pense donc que c’est le trophée qui m’a le plus marqué.
Revenons sur la CAN au Cameroun. Est-ce que vous avez des regrets ?
Oui bien sûr. En tant que compétiteur, on ne peut qu’avoir des regrets. Puisque quand on partait à la CAN, l’objectif c’était de ramener le premier trophée continental au Burkina Faso. Cet objectif n’étant pas atteint, il y a de quoi avoir des regrets, des regrets de n’avoir pas pu ramener la CAN au pays.
Il y a une image qui vous montre les deux bras en l’air qui fait beaucoup marrer. Quelle a été votre réaction la première fois que vous avez vu cette image ?
(Rires) En tant que compétiteur, cette image m’a poussé à me surpasser, à travailler doublement. Pour la petite histoire, quand je suis revenu de la CAN du Cameroun, il y a beaucoup de choses qui se sont passées. Beaucoup de choses ont été dites, notamment sur les réseaux sociaux à mon endroit. Il y a d’autres même qui disaient que Babayouré s’est suicidé. Donc, quand je voyais ces images, ça me faisait un peu rire et me poussait à travailler encore plus. Quand je suis revenu, la première chose que j’ai dit au coach Sampo et à mes coéquipiers au club, c’est que la CAN n’a pas été comme on voulait. Les gens attendaient plus de moi mais je n’ai pas pu répondre à leurs attentes. Donc pour leur faire oublier, il me faut remporter le championnat. Parce que, je me suis dit que si le RCK est champion en fin de saison, ça va nous permettre de sortir en campagne africaine. Cela permettra quelque peu aux gens d’oublier la CAN. Dieu merci, mes coéquipiers ont suivi mon mot d’ordre, on a travaillé même si je reconnais que ça n’a pas été facile, et à la fin de la saison on a été champions. Je dirais donc que ces images et toutes ces moqueries m’ont permis de devenir un garçon plein comme j’ai l’habitude de le dire.
Vous avez décidé de mettre fin à votre carrière de footballeur et vous vous êtes lancé dans l’encadrement. Est-ce que c’est un choix spontané ou bien mûri ?
Cela a été un choix bien médité. Puisque depuis 2021, j’ai commencé à faire mes diplômes pour devenir entraîneur. Quinze ans de carrière dans le sport, ce n’est pas facile. En tant que gardien de but, je pense que j’ai tout gagné au Burkina Faso. Du championnat, à la Coupe du Faso en passant par la Super coupe AJSB, sans oublier les distinctions individuelles. Je me suis donc dit qu’il était temps pour moi de mettre mon expérience au service de mes jeunes frères pour leur permettre de viser le haut niveau. Sur le terrain, je pense que je n’avais plus rien à prouver. Mais en dehors du terrain, je pense que j’ai beaucoup à apporter au football burkinabè. C’est donc ce qui m’a vraiment poussé à mettre un terme à ma carrière.
Quel appréciation faites-vous de l’équipe des Etalons mise en place par le nouveau coach Brama Traoré ?
C’est un bon groupe à partir du moment où l’équipe nationale n’est pas figée. Il faut, à chaque fois, faire appel à de nouveaux joueurs qui sont en forme pour la rendre homogène et équilibrée. En sélection, il faut tenir compte, très souvent, de beaucoup de choses, beaucoup de choses qu’il faut prendre en considération, que tout le monde ne peut voir en réalité. Il y a les cadres de l’équipe qui ne sont pas forcément en forme, mais qui peuvent être très importants dans les vestiaires qu’il faut par exemple prendre en compte. Chaque entraîneur fait les convocations en fonction de ce qu’il veut sur le terrain. Chaque entraîneur a sa manière de jouer, sa stratégie à mettre en place. Donc, je pense que nous n’avons rien à dire par rapport à cela. On doit juste soutenir l’équipe comme il le faut.
Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes gardiens qui désirent vous ressembler ?
Je leur dirais dans un premier temps, de prendre courage et de forger leur mental. Je vois qu’il y a beaucoup de jeunes gardiens qui désirent jouer le haut niveau. Le problème, ils ne sont pas mentalement forts, mentalement prêts dans la tête. Alors que pour être un grand gardien, il faut avoir un mental très fort. Tu peux par exemple être très bon au cours des 90 minutes que dure un match et faire une erreur dans le temps additionnel qui va tout remettre en cause. Il faut donc être concentré jusqu’au coup de sifflet final. Il faut donc avoir le mental qu’il faut. En plus de cela, il faut travailler plus que les joueurs de champ pour être serein le jour du match. Je leur dirais donc de travailler, de prendre courage et de prier le bon Dieu. Parce que souvent, tu peux travailler mais si la chance n’est pas de ton côté, ce n’est pas facile.
Est-ce que vous avez un appel à lancer ou un dernier mot ?
J’aimerais remercier certaines personnes, notamment tous les coachs avec qui j’ai travaillé durant toute ma carrière. Je vais en citer quelques-uns : le papa Kamou Malo avec qui j’ai pu découvrir la première division. Je pense également à Oscar Barro, à Firmin Sanou, au coach Sampo et également au coach Congo, que j’appelle affectueusement papa. Je salue aussi Famozo, mon formateur à Bobo Dioulasso, et Dramane Sama, mon coach du quartier. En plus de ceux-là, je veux remercier toute la hiérarchie policière. Si j’ai pu mener ma carrière de footballeur en étant policier, c’est parce qu’il y a eu des gens qui me soutenaient et qui me permettaient d’aller jouer. Je commence par dire merci au commissaire principal Moussa Zallé. Je salue aussi le directeur général de la police, mon chef de service, François Zongo. Je ne saurais terminer sans saluer l’actuel président de l’AS Police qui m’a adopté et qui me permet de faire beaucoup de choses. Un grand merci également à tous les policiers. J’ai une pensée pieuse pour mes collègues qui sont actuellement au front. On sait que ce n’est pas facile, nos prières les accompagnent pour qu’ils puissent libérer le Burkina. Beaucoup de courage à eux et à tous les FDS.
Interview réalisée par Obissa Juste Mien
Lefaso.net