Burkina : L’accès aux livres, le combat de l’association Littérature sans frontière
Créée en 2022, l’association Littérature sans frontière (LSF) à travers une bibliothèque communautaire installée à Borgo à Ouagadougou, s’engage à rendre le savoir accessible à tous, surtout aux jeunes. Son président, Issiaka Ouédraogo, explique comment l’association lutte contre les inégalités d’accès aux livres et promeut la culture littéraire malgré les défis du numérique et des ressources limitées.
Lefaso.net : pouvez-vous revenir sur ce qui a motivé la création de cette association ?
Issiaka Ouédraogo : Au départ l’idée n’était pas de créer une association, nous sommes partis de la mise en place d’une bibliothèque communautaire. Nous sommes partis du constat que pour avoir accès aux livres, les élèves ont des difficultés. En plus, les parents n’ont pas les moyens pour pouvoir scolariser, payer les fournitures et payer les livres pour que les élèves puissent les lire.
Alors qu’il y a des livres qui sont dans le programme officiel de l’enseignement qui sont obligatoires pour les élèves. Nombreux n’ont pas accès aux romans et aux livres d’écoles. Donc, nous nous sommes dit que nous que nous devons travailler à aider nos jeunes frères à avoir accès au savoir. C’est à partir de cette idée que nous avons mis en place une bibliothèque communautaire dans le quartier à Borgo. Ensuite nous avons pensé à développer d’autres activités qui tournent autour du livre.
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Comment cette bibliothèque est-t-elle perçue dans cette zone périphérique par les jeunes et les habitants et quels sont les livres que l’on y retrouve ?
Il faut dire que la bibliothèque a deux ans d’existence et actuellement on peut dire qu’elle est fréquentée pendant la période scolaire par les élèves, par quelques étudiants ou même par quelques travailleurs qui y viennent. Nous sommes en train de travailler à ce que sur toute l’année la bibliothèque puisse fonctionner. Nous avons différents types de livres au niveau de la bibliothèque et comme nous voulons contribuer à ce que les élèves puissent avoir accès aux livres au programme ; nous avons disponibilisé des romans dans le programme scolaire.
Nous avons privilégié les classes d’examens comme le CM2, la 3e et la Terminale où nous avons des romans, des annales, et des livres aussi sur différentes matières comme les mathématiques, la physique-chimie, les sciences naturelles, le français, l’anglais etc. Il y a aussi de la littérature pour enfant avec des images, des dessins, qui permettent aux enfants de pouvoir facilement s’accrocher à ces livres. Nous avons aussi des journaux quotidiens que nous mettons à la disposition des lecteurs qui viennent chercher l’information. Au delà des livres qui concernent les jeunes, nous avons aussi des documents qui concernent les personnes adultes, les travailleurs, des étudiants et les gens du domaine de la recherche.
Comment faites-vous pour susciter l’intérêt des jeunes pour la lecture surtout avec l’avènement des TIC ?
LSF travaille beaucoup sur la communication. Nous échangeons avec les établissements scolaires pour susciter l’intérêt des élèves à aller vers le livre et à revenir vers la bibliothèque. Nous discutons avec les parents d’élèves afin qu’ils encouragent leurs enfants à lire et nous développons plusieurs autres initiatives qui permettent aux enfants de se dire que s’ils veulent réussir dans certains domaines, il faut qu’ils lisent. C’est pour quoi nous organisons parfois des compétitions de dictée et lecture où nous encourageons les enfants avec de petits cadeaux.
Il y a tout un ensemble d’activités et aussi des conférences que nous organisons autour des questions du livre et aussi nous travaillons avec d’autres structures associatives pour qu’on réfléchisse sur la question du livre et de la littérature. Et toutes ces actions là, c’est pour amener les élèves, amener les enfants mais pas seulement les élèves et les enfants même aussi les adultes à s’intéresser aux livres.
La bibliothèque a-t-elle prévu de se digitaliser ?
Nous y pensons ! Nous réfléchissons à la question du digital afin de permettre qu’il y ait aussi bien la version physique et digitale de la bibliothèque. Cela se complète et ne devrait pas être perçu comme un aspect de concurrence. Autant nous avons besoin du livre physique, autant nous avons besoin du numérique pour pouvoir accompagner. Il faut faire en sorte qu’il y ait une saine utilisation du numérique au profit donc de l’intérêt de la communauté. Au niveau de la bibliothèque communautaire, nous pensons donc à faire en sorte que le livre soit accessible de façon numérique selon les besoins des lecteurs. C’est un projet qui pour le moment n’est pas encore concrétisé, mais auquel nous pensons fortement.
Quelles sont les difficultés que rencontrent l’initiative littérature sans frontière ?
Les difficultés ne manquent pas, surtout que c’est une jeune association. Ce sont essentiellement les difficultés liées aux ressources financières. Des ressources matérielles pour pouvoir mener les activités que nous avons identifiées. Pour le moment l’Association fonctionne sur la base des ressources des membres avec les cotisations, les frais d’adhésion et de bonnes volontés au sein de l’équipe qui financent la réalisation de certaines activités. La bibliothèque a été entièrement conçue et alimentée sur fonds propres ainsi que ceux de bonnes volontés qui nous ont accompagné avec des livres.
L’autre difficulté, c’est aussi la confiance. Pour une jeune organisation, on ne fait pas tout de suite confiance, lorsque vous allez vers des partenaires parce que l’on se dit que nous n’avons que deux années de vie. Pourtant une association peut être jeune mais riche par les hommes qui la composent. Ceux qui ont l’expérience ont fait leurs preuves à travers d’autres structures qui ont décidé de placer une confiance en eux. Donc ce sont deux difficultés majeures que nous rencontrons. Mais progressivement notre initiative prend son envol.
Est-ce que l’association collabore avec d’autres associations ?
Nous savons que nous ne sommes pas seuls dans cet environnement de promotion du livre et de la littérature. Aussi, nous ne sommes pas les premiers. Il n’est pas opportun pour Littérature sans frontières de travailler seul. C’est pourquoi nous tissons des relations de partenariat.
Et déjà avec ces quelques années d’existence, nous avons déjà collaboré avec quelques structures locales, des associations sœurs du domaine de la littérature. On peut citer l’association bibliothèque des amis de village avec lequel nous avons un partenariat écrit et ils nous ont accompagné avec des livres. Nous avons aussi des collaborations avec des clubs de lecture et la Miss Littérature Burkina 2020 qui a aussi mis en place un club de lecture avec lequel nous organisons des cafés littéraires. C’est dans cette solidarité que l’on pourra parvenir à l’objectif que l’on s’est fixé.
Quelles sont les ambitions de Littérature sans frontière ?
Sur la base de notre objectif qui est de contribuer à la promotion du livre et de la littérature en faisant en sorte que les enfants puissent se former à partir de la littérature. Donc dans les années à venir nous espérons que c’est une association qui va grandir, faire tache d’huile au niveau de notre communauté locale et aussi nationale.
Et pourquoi pas travailler avec d’autres structures dans la sous-région dans les prochaines années pour qu’on puisse dire que nos enfants, nos élèves, et nos adultes se détachent progressivement du tout numérique et reviennent aussi aux livres qui constituent quelque chose d’assez important qu’il ne faut pas oublier. Donc nous rêvons d’un avenir où les enfants seront épanouis à travers la littérature.
Farida Thiombiano
Retranscription : Nématou Rouamba
Lefaso.net