Bobo-Dioulasso : Des habitants du non loti du secteur 22 non attributaires de parcelles crient à l’injustice
Dans la matinée de ce mercredi 2 octobre 2024, nous avons été informés d’une manifestation au quartier non loti du secteur 22 de Bobo-Dioulasso. A notre arrivée sur les lieux, nous avons été accueillis par des manifestants visiblement remontés. Cette manifestation visait deux objectifs à savoir, d’une part, attirer l’attention des premières autorités en charge de l’urbanisme sur la « situation précaire » qu’ils vivent et d’autre part, réclamer la libération d’un de leurs camarades, déposé à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso (MACB).
« Nous réclamons nos parcelles volées » ; « Non au déguerpissement » ; « Libérez notre camarade » ; « Je suis Momo Ollo Michel » ; « A bas la corruption au non loti du 22 ». Ce sont autant de mots que l’on pouvait lire sur des pancartes lors de cette manifestation des habitants du non loti du secteur 22 de Bobo-Dioulasso. Ces habitants, non attributaires de parcelles lors du lotissement de cette zone qui a eu lieu en 2006, veulent ainsi exprimer leur inquiétude face à la « situation d’injustice » qu’ils vivent.
Selon le récit du porte-parole des manifestants, Ibrahim Sanogo, les faits remonteraient en 2006 avec le recensement et le lotissement de cette partie du secteur 22 de Bobo-Dioulasso. A l’en croire, le lotissement avait donné plus de 3 000 parcelles alors que le recensement chiffrait 1 200 résidents sur ce site. « Il était prévu, selon les informations de la mairie, d’afficher trois listes. Une première liste a donc été affichée en 2010 avec un effectif de moins de 450 propriétaires. Cette liste portait le nom des propriétaires, leur numéro de pièces d’identité et leur numéro de lot de parcelles. Lorsque la liste a été affichée, les résidents vont remarquer que la majorité des pièces d’identité mentionnées sur cette liste sont des numéros des pièces établies entre 2008 et 2010, alors que le recensement et le lotissement ont eu lieu en 2006 », a-t-il déploré.
C’est alors que la liste sera arrachée par la mairie « pour correction » après que les résidents aient signalé ces irrégularités. Et depuis lors aucune nouvelle. C’est donc dans cette attente que, entre 2014 et 2015, le gouvernement burkinabè avait pris la résolution de suspendre toutes les activités de lotissement en vue de l’apurement du passif. A Bobo-Dioulasso, les autorités locales avaient également suspendu toute activité de viabilisation dans les zones à conflit, afin de résoudre les différents conflits fonciers. Ce, à travers des communiqués. Dans ce projet de résolution de conflits, il était question que lorsque le gouvernement allait donner quitus pour la reprise des lotissements, les autorités locales allaient procéder à une vérification des résidents sur le site afin de résoudre les problèmes de listes.
« Force est de constater qu’il y a des individus tapis dans l’ombre, qui ont plusieurs lots de parcelles en leur possession et qui ont introduit volontairement des noms fictifs dans la liste et cherchent à saboter cette opération de vérification. Ils vont donc envoyer des jeunes former un groupe qui devient par la suite une association du nom de Wili kadjo. Cette association a pour mission d’empêcher toutes les vérifications possibles. Ainsi, elle contacte des propriétaires des parcelles issues de la première liste de 2010 pour les aider à construire leurs parcelles et chaque adhérent paye une somme de 25 000 francs. Les responsables de cette association ont un plan cadastral de la zone, donc ils détruisent les maisons des résidents sous prétextes que les propriétaires des parcelles veulent construire. Ils détruisent ainsi les preuves de vérification. C’est ainsi que plusieurs maisons sont détruites par leur désir de rendre légales les parcelles volées », a expliqué Ibrahim Sanogo.
Selon lui, ces derniers font le repérage des parcelles eux-mêmes comme s’ils étaient des agents délégués par le cadastre, car suite à l’arrêt du processus de lotissement par le gouvernement le cadastre n’intervient plus dans la zone. « Les membres de cette association sont devenus du coup des vendeurs de parcelles et des démarcheurs. Suite au désordre créé par cette association, les résidents du non loti du secteur 22 décident de faire bloc pour contrecarrer ce projet funeste et de ne pas se faire déguerpir par ces gens en attendant la vérification. Il reste encore plus de 750 résidents qui attendent le reste des 3 000 parcelles loties », a-t-il laissé entendre.
Les manifestants demandent la libération d’un de leurs camarades
Face aux agissements des membres de cette association, des résidents de la zone ont donc décidé de prendre leur destin en main. C’est dans ce contexte d’empêcher les constructions dans la zone qu’un des résidents, du nom de Momo Ollo Michel, a été interpellé « seul sur une décision de plus de 750 résidents », le mercredi 11 septembre 2024 et placé sous mandat de dépôt le 12 septembre à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso. En effet, c’est lorsqu’un des résidents a voulu construire sur sa parcelle, que d’autres résidents vont s’y opposer jusqu’à aller boucher les travaux de fondation en cours. C’est ainsi que la victime portera une plainte qui a abouti à l’arrestation de monsieur Momo parmi les manifestants.
A travers cette manifestation, ils demandent la libération de leur camarade Momo Ollo Michel. Selon eux, par cette décision, « la justice, sans le vouloir, est en train de légitimer les actions de l’association Wili Kadjo. Et si cette décision de justice venait à rester intacte, cela serait la perte légale de plus de 2 500 parcelles volées », a prévenu le porte-parole des manifestants. C’est pourquoi les manifestants interpellent la justice à jeter un regard sur « l’immensité de la fraude organisée dans la zone, de traiter ce dossier dans son ensemble pour arrêter les fautifs et non de juger sur des faits isolés ».
« Nous interpellons le gouvernement et particulièrement le ministre en charge de l’urbanisme à jeter un regard sur les cas de vols de nos parcelles et de permettre à la délégation spéciale de faire des vérifications et de traduire ces voleurs en justice. Nous demandons la libération de notre camarade Momo, qui désire avoir sa parcelle et mettre sa famille en sécurité », a conclu Ibrahim Sanogo.
La femme de Momo Michel n’est pas allée par quatre chemins pour réclamer la libération de son époux. Face aux difficultés qu’elle rencontre en l’absence du chef de famille, notamment les charges liées à la scolarisation des enfants, elle lance son cri de cœur afin que son mari puisse regagner le domicile.
Romuald Dofini
Lefaso.net