Burkina/Santé sexuelle et reproductive des déplacées internes : L’ISSP partage les résultats du projet SSRD-COVID avec l’ensemble des parties prenantes
Les résultats du projet « Renforcer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et aux droits connexes chez les personnes déplacées internes en période de la Covid-19 au Burkina Faso : projet SSRD-COVID » ont été présentés à divers acteurs ce mardi 1er octobre 2024, au cours d’un atelier de dissémination organisé à cet effet. Le projet a été mis en œuvre par l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP) en collaboration avec l’université du Québec en Outaouais et financé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI).
Le projet « Renforcer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et aux droits connexes chez les personnes déplacées internes en période de la Covid-19 au Burkina Faso : projet SSRD-COVID », a été mis en œuvre de janvier 2021 à octobre 2024. A travers ce projet déployé dans les sites d’accueil temporaire de personnes déplacées internes (PDI) des communes de Kaya et de Kongoussi, il s’agissait d’identifier les besoins, les facteurs facilitants et contraignants de l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et aux droits connexes (SSRD) des personnes déplacées internes (PDI) dans le contexte de la Covid-19, de développer et mettre en œuvre de façon participative une intervention regroupant les stratégies permettant de renforcer les capacités de ces services et de sensibiliser les PDI à leur accès et de suivre et évaluer l’intervention développée pour améliorer l’accès aux SSRD par les PDI durant la pandémie.
Pour atteindre ces objectifs et mesurer l’impact réel du projet, l’équipe de recherche de l’ISSP et de l’université du Québec en Outaouais a d’abord procédé à un état des lieux de la situation, avant de développer et de mettre en œuvre l’intervention, puis, a achevé le projet par une évaluation de l’intervention. Une enquête finale a ainsi été menée de mai à juin 2024 dans les sites d’accueil temporaires des PDI. Les données quantitatives et qualitatives collectées ont été analysées et ont permis de produire des notes de politique sur les différentes thématiques abordées par le projet, explique Pr Abdouramane Soura, directeur de l’ISSP. Ces thématiques concernent les caractéristiques sociodémographiques des PDI, la fécondité et la planification familiale, la prévention et la prise en charge du VIH/SIDA et des infections sexuellement transmissibles, l’autonomisation en matière de santé sexuelle et reproductive, les violences faites aux femmes et aux adolescentes, la santé mentale des adolescentes et femmes, etc.
Quelques résultats saillants de l’enquête…
L’une des thématiques prise en compte par le projet SSRD-COVID concerne les caractéristiques des personnes déplacées internes et de leurs ménages au Burkina Faso. Sur ce point, Dr Yentéma Onadja, chercheur principal du projet, maître-assistant en démographie à l’ISSP, souligne que l’enquête a montré que la population des PDI est majoritairement féminine et la proportion de ménages PDI dirigés par des femmes est en constante augmentation, passant de 36% en 2021 à 58% en 2024. « Quand on compare ces résultats à ceux du niveau national obtenus par l’INSD à travers le recensement général de la population et de l’habitation en 2019, qui a trouvé que seulement 15,6% des ménages étaient dirigés par les femmes, on voit que l’écart est énorme. Cela montre clairement que dans les sites de déplacés internes, la plupart des ménages sont dirigés par des femmes, ce qui accroît leur vulnérabilité, parce qu’elles doivent s’occuper d’elles-mêmes et des membres de leurs ménages », a indiqué Dr Onadja.
Cette vulnérabilité est d’autant plus prononcée quand on sait que selon l’enquête, près de 60% des femmes PDI se sont retrouvées sans emploi du fait du déplacement forcé et le recours à la mendicité s’est accru. En effet, en 2024, 22% des femmes et adolescentes PDI ont déjà eu recours à la mendicité contre 1% en 2021. En outre, 6% des adolescentes PDI ont reçu des compensations financières contre le sexe.
Sur la thématique violences faites aux adolescentes et aux femmes déplacées internes, l’on note dans l’ensemble une baisse considérable. La prévalence de la violence qui était de 30% avant l’arrivée des adolescentes et des femmes sur les sites de déplacés est passée à 17% après leur déplacement. Depuis leur arrivée sur les sites, les violences émotionnelles, sexuelles et physiques ont baissé grâce aux campagnes de sensibilisation et à l’accès à des services de prise en charge. Selon Dr Onadja, les programmes de sensibilisation contre ces violences et une meilleure connaissance des recours possibles pour les victimes ont contribué à cela.
Messieurs Eric Tchouaket et Drissa Sia, respectivement professeur titulaire et professeur agrégé à l’université du Québec en Outaouais (UQO), également chercheurs principaux du projet SSRD-COVID, se sont réjouis que le projet ait contribué à faire baisser les violences faites aux femmes. « Il y a plusieurs modules que nous avons déployés sur le terrain. Le déploiement a porté sur la planification familiale et les violences faites aux femmes. Un des résultats majeurs, c’est qu’avec tous les acteurs, on a pu co-construire l’intervention à partir des données qu’on a collectées au départ. Les résultats montrent que les choses ont commencé à bouger. En ce qui concerne les violences, on a constaté que les adolescentes sont maintenant aptes à aller vers les associations, à aller vers l’action sociale pour dénoncer les personnes qui génèrent ces violences à leur égard. C’est un résultat important qui a permis à nos partenaires locaux, le RAJS et l’APSAM, de tisser des relations avec l’action sociale à Kaya et à Kongoussi et cela a créé un réseau de prise en charge de victimes de violences. Il y a maintenant un canal qui permet de les prendre en charge. C’est un début, on commence à voir les résultats, mais on a besoin d’intensifier ces interventions pour voir de façon claire et comptable, les changements », a indiqué Pr Sia.
Pour ce qui est de la santé mentale, l’enquête montre qu’environ trois adolescentes et femmes PDI sur dix ont un problème de santé mentale et environ une adolescente et femme PDI sur douze, a une santé mentale à risque. Ce problème de santé mentale est encore plus élevé chez les veuves et les femmes en union, contrairement aux adolescentes et aux célibataires.
Taux de prévalence contraceptive chez les PDI meilleur que le taux national
Un autre point tout aussi important, abordé par le projet, a concerné la reproduction, les grossesses, les intentions de fécondité et les pratiques contraceptives des adolescentes et des femmes déplacées internes. Sur ce point, l’enquête a montré qu’une adolescente sur cinq avait entamé sa vie féconde. Le nombre moyen d’enfants chez les 15-19 ans était de 1,1%. Plus de la moitié des adolescentes souhaitaient avoir un enfant de plus. Par contre les veuves et les divorcées n’en voulaient plus. Il ressort également que 32,97% des adolescentes PDI (12-19 ans) ne connaissent pas de méthodes contraceptives.
Le taux d’utilisation des méthodes contraceptives modernes est, quant à lui, de 31,25% en 2024, inférieur aux 36% relevé lors de l’enquête de base réalisée en 2021. Toutefois, ce taux de 31,25% est supérieur à la prévalence contraceptive au plan national qui est de 28% selon le round 10 de la plateforme de recherche PMA mise en œuvre également par l’ISSP.
Pour ce qui est de l’autonomisation en matière de procréation des adolescentes et des femmes déplacées internes, l’enquête révèle entre autres, qu’environ quatre adolescentes et femmes PDI sur cinq ont une liberté de choix d’une méthode de planification familiale et près d’une adolescente et femme PDI sur cinq a des conceptions erronées qui peuvent limiter leur utilisation d’une méthode de planification familiale. Néanmoins, il ressort que le projet a permis d’accroître le pouvoir de prise de décision des femmes pour l’utilisation d’une méthode contraceptive moderne.
En ce qui concerne la prévention et la prise en charge des infections sexuellement transmissibles et du VIH chez les adolescentes et les femmes PDI, l’enquête a ressorti que près d’une adolescente sur trois dit n’avoir pas encore entendu parler du VIH/SIDA. Sur cinq adolescentes et femmes PDI, seulement trois estiment qu’une personne en apparence bien portante peut être porteur du VIH et une bonne partie des enquêtées, soit 32 à 70% des adolescentes et femmes PDI pensent que le VIH peut se transmettre à travers la piqûre des moustiques, le partage de la nourriture ou encore par la sorcellerie.
Une collaboration franche entre l’ISSP et l’université du Québec en Outaouais
Pr Drissa Sia, enseignant-chercheur à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), également chercheur principal du projet SSRD-COVID, a salué l’excellente collaboration entre l’UQO et l’ISSP qui dure depuis une dizaine d’années. « Il est souvent ressorti que les partenaires utilisent leurs collaborateurs comme des collecteurs de données, ce qui n’est pas dans notre dictionnaire. Nous travaillons vraiment en étroite collaboration », a laissé entendre Pr Sia qui souligne que le projet SSRD-COVID est le 5e projet sur lequel les deux institutions travaillent ensemble.
Ce 1er octobre 2024, l’ISSP a partagé les résultats de l’enquête finale avec les différentes parties prenantes, afin qu’elles s’approprient les résultats et formulent des recommandations pertinentes pour renforcer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et les droits connexes des adolescentes et femmes déplacées internes.
Justine Bonkoungou
Lefaso.net