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Burkina : Une rentrée judiciaire dans un climat de questionnements

Publié le mardi 1er octobre 2024 à 22h20min

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Burkina : Une rentrée judiciaire dans un climat de questionnements

La tradition de « rentrée judiciaire » a été respectée cette année également par l’acte solennel qui lui est dédié, ce mardi 1er octobre 2024 dans la salle des Banquets de Ouaga 2000, transformée pour la circonstance en salle d’audience. Si l’an passé, elle s’est effectuée sous les cendres de l’affaire dite « Adja de Komsilga », cette année, elle s’effectue sur les braises, non seulement de réformes controversées, mais également de "réquisitions" de magistrats.

Pas besoin de plus d’attention pour lire l’atmosphère morose en cette matinée de rentrée judiciaire 2024-2025. De l’expression de certains visages aux propos teintés de tournures de résignation ou de déception, l’on en captait au passage de certains acteurs en partance, par petits groupes, pour la salle de cérémonie. « L’heure est grave, mon cher, toi-même tu vois la situation de cette rentrée », pouvait-on capter de certaines indiscrétions taquines. Une sorte de climat de méfiance, de suspicions générales (nationales), voire de questionnements.

Bref, la rentrée judiciaire 2024-2025 s’est tenue sous la présidence du président du Faso, garant du bon fonctionnement des institutions, représenté par le président de l’Assemblée législative de transition. Si l’acte solennel de l’an passé l’a été dans l’actualité dite « Adja de Komsilga », donnant le tempo, tout au long de l’année, de réformes au niveau judiciaire, la présente rentrée n’est pas moins caractérisée, tant le paysage est aussi chargé d’éléments à commentaire. La dégénérescence de l’atmosphère entre pouvoir politique et pouvoir judiciaire également se traduit entre autres par le non-respect de décisions de justice, la « réquisition » de magistrats, etc.

Comme on peut le constater, chaque transition a sa marque. En 2015, ce fut le « Pacte national pour le renouveau de la justice », applaudi et pompeusement accueilli par tous, y compris certains de ceux qui feignent aujourd’hui de cracher dessus. Cette charte sur la justice était considérée comme un recadrage du système judiciaire au Burkina. Elle avait érigé comme « impératif », selon son article 4, de rendre effective la séparation des pouvoirs et « le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) indépendant et autonome vis-à-vis de l’administration et de l’exécutif ». La veille de l’effectivité de ces mesures devra incomber, pendant et après la Transition, à une instance appelée Autorité de mise en œuvre du pacte (AMP).

C’est sous ce « renouveau » qu’a été effectuée la rentrée judiciaire 2015, qui a connu la présence du Premier ministre d’alors, Isaac Yacouba Zida, représentant le président de la transition, Michel Kafando. Cette rentrée intervenait quelques jours seulement après le dénouement du coup d’Etat du 16 septembre, mis en échec par la mobilisation populaire.
Neuf ans après cette feuille de route (les travaux ont démarré le 24 mars pour s’achever le 28 mars 2015 par la signature du Pacte par le président du Faso, le Premier ministre, le président du Conseil national de la transition, le premier président de la Cour de cassation), qu’est-ce qui n’a pas marché ? Quel bilan ...?

Lire aussi : Le Syndicat des magistrats propose de maintenir la déconnexion du parquet du ministre de la justice dans l’intérêt du justiciable

En tout cas, une autre dynamique est en cours, avec ce que cela comporte comme accueil et appréhensions non seulement au sein même de l’appareil judiciaire, mais aussi de l’opinion publique. Aujourd’hui, l’impression est qu’au lieu d’une complémentarité, l’on assiste à une sorte de contrariété entre deux (l’exécutif et le judiciaire) des trois pouvoirs classiques (l’exécutif, le législatif et le judiciaire), un rapport fait de ressentiments.

Déjà, à la faveur de la rentrée judiciaire 2016- 2017, le REN-LAC (Réseau national de Lutte anti-corruption) mettait en garde contre toutes velléités de remise en cause des acquis. « L’immixtion directe et éhontée de l’éxécutif dans la gestion du dossier du putsch de septembre 2015 à travers le dessaisissement de juges en charge du dossier au tribunal militaire, suivie des tripatouillages dénoncés au sein de la Cour de Cassation et les différents propos attentatoires du ministre en charge de la justice, du président du Faso et du président de l’Assemblée nationale donnent des alertes sur les menaces qui planent sur cette indépendance », s’alarmait-il déjà dans une déclaration du 6 octobre 2016. Des observateurs se posaient dès ce moment la question de savoir comment des acteurs de premiers plans de la mise en place du même Pacte pouvaient, en l’espace d’une année, adopter une telle posture.

C’est à croire que la justice ne s’accommode pas avec les positions de force, et que l’on n’est demandeur de la justice que lorsqu’on est en position de faiblesse. Ce qui ne devrait certainement pas être le cas, si l’on veut vraiment une bonne administration de la justice pour tous. Il est nécessaire, à cet effet, de travailler dans une large inclusion.

Tout en espérant que l’année judiciaire 2024-2025 consacre une harmonie pouvoir politique-pouvoir judiciaire, chacun jouant pleinement et ne s’en tenant qu’à son rôle, on retiendra que 2023-2024 est aussi marquée par l’annonce du président du Faso, suivie de l’adoption (il y a quelques jours) d’un projet de loi portant administration du travail d’intérêt général. Sur ce point, les acteurs judiciaires semblent « communément » reconnaître le mérite et la pertinence d’une telle disposition qui, du reste, existait, mais souffrait d’insuffisances. Cette nouvelle loi en gestation devrait donc permettre de répondre à plusieurs attentes, dont le surpeuplement des prisons, la charge sur les acteurs de justice et le budget de l’Etat.

Lire aussi : Toute justice doit être défendue, l’injustice combattue ; d’où qu’elles viennent !

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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