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Grippe aviaire au Burkina : Le Pharaon est un véritable mini-zoo

Publié le mercredi 5 avril 2006 à 07h28min

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Le gouvernement a annoncé un foyer de grippe aviaire dans un campement de Gampèla, localité située à une dizaine de kilomètres à l’Est de Ouagadougou. Le camping est un mini-zoo presque désert. Aigles, pigeons et quelques rescapés de l’épizootie sont encore là, dans une ambiance animée par des perroquets et d’autres oiseaux sauvages juchés dans les arbres.

Les autorités locales, le ministère des Ressources animales, la presse et quelques villageois sont présents. Le propriétaire du Camping, très décontracté, a expliqué ce qui lui est arrivé et attend pour l’heure la réaction des autorités.

Le premier foyer de la grippe aviaire déclaré au Burkina, le “Camping le Pharaon” est un “hôtel - bar - restaurant ”, mais surtout un vaste domaine naguère peuplé de canards, de poulets, de pintades, d’autruches, d’oies et d’autres animaux sauvages. On peut toujours y voir des perroquets, des aigles, des pigeons dont certains sont importés de l’Italie, selon le responsable du Camping, M. Ferdinand Isaac Ouédraogo, connu sous le nom de “Prince Isaac”.

Les mammifères, dont des biches d’origine gabonaise, une chienne-louve d’Afrique du Sud, un Berger allemand (que nous n’avons pas pu voir) sont aussi épargnés pour l’instant.

Il y aurait aussi des serpents (cobra et naja), un python et un boa, qui auraient été remis à la brousse. J’aime la nature, j’aime les oiseaux, dira le maître des lieux.

M. Ouédraogo a expliqué que c’est depuis le 2 mars 2006 qu’il a constaté une mort foudroyante et massive de sa volaille. “Dès le matin, dit-il, j’ai retrouvé des oiseaux raides morts. J’ai immédiatement appelé mon ami, le Docteur vétérinaire Ouandaogo pour qu’il vienne voir. Il est venu contaster et est revenu une seconde fois avec une équipe. La volaille continuait de s’agiter avant de mourir devant lui”.

Le responsable du camping, qui a beaucoup voyagé à travers le monde, avoue n’avoir jamais vu une mort aussi foudroyante et massive de volaille. “Les oiseaux mourraient de gauche à droite et moi-même j’ai eu peur”, nous a-t-il confié avant d’ajouter qu’il a tout de suite pensé à la grippe aviaire parce qu’à son avis, le “ nookoum ” (maladie de newcastle en langue locale), ne tue pas comme cela.

L’épizootie a commencé par décimer les pintades. L’origine de la population du mini-zoo est diverse. Outre les localités du Burkina, il faut ajouter les pays de la sous-région et d’ailleurs. Les derniers arrivants dans les lieux sont des pintades au nombre de trois, amenées de Cinkansé, localité située à la frontière avec le Togo, lorsque prince Isaac s’était rendu aux funérailles de son ami Eyadéma, l’ancien président du Togo.

Le décompte macabre établi par le propriétaire du campement donne cent quarante pintades décimées, seize oies, trente-huit canards. Une centaine de poussins et des autruches sont morts il y a de cela trois mois, nous a-t-on indiqué. Selon les précisions de M. Ouédraogo, les victimes ont été incinérées et enfouies sous le sol.

La volaille du Camping est nourrie entre autres de pains cubains et est suivie par les services vétérinaires. L’origine de la maladie serait alors liée au vent, selon le maître des lieux qui ne s’inquiète guère de la baisse éventuelle du taux de fréquentation du campement. “ A l’heure où je vous parle, il y a deux personnes qui ont commandé chacun un poulet ”.

Après la déclaration du ministre des Ressources animales à la presse, le septuagénaire dit qu’il attend maintenant “ ce que les autorités vont dire ”.

La zone du premier foyer abrite plusieurs élevages

M. Michel Zidkoum, gardien à l’Office du Bac à l’Université de Ouagadougou et pratiquant du petit élevage à deux kilomètres du foyer de la grippe, explique qu’il s’inquiète de cette situation. “ Je ne peux pas dire qu’il n’y en a pas chez moi ”. Mais, il a un peu plus de chance que les autres. Ses poules pondeuses ne sont plus rentables et il s’apprêtait à les liquider. La commande faite en France en vue de renouveler ses pondeuses n’ont pas été honorées. Ces partenaires français lui ont retourné son argent par mesure de prudence.

A un kilomètre du Camping le Pharaon, on trouve aussi le Centre d’éducation spécialisée et de formation, un service du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale qui pratique un élevage d’éducation pour les enfants. On y trouve deux cent soixante sept (267) poules pondeuses, approvisionnées depuis 2005 à partir de Ouagadougou. Le directeur du centre, M. Maurice Somé a affirmé qu’il n’a enregistré aucun cas suspect.

“ Je tiens à vous rassurer que nous n’avons pas enregistré de cas de grippe, de mortalité inquiétante ; du moins, en attendant que les services compétents puissent nous en apporter la preuve ». Il a précisé en outre que, depuis le mois de mai 2005, le centre n’a plus reçu de poulets venant de l’extérieur.

“ Nous prenons des poulets de trois mois, donc déjà suivis, et nous fonctionnons de façon moderne, car les poules pondeuses sont très fragiles ”, nous a-t-il confié.

Il a, par ailleurs, signalé que les enfants qui fréquentent le centre n’ont plus accès au poulailler. On leur a demandé de ne pas paniquer s’il sont informés de cas de mort massive de volailles dans des concessions. Les quatre cents poulets commandés au départ par le centre, ont coûté un million deux cent mille, soit trois mille francs le poulet. Leur capacité de ponte a baissé et ils étaient en attente de liquidation. Le responsable du centre s’est dit serein et prêt à se plier si son centre est concerné par des abattages.

Selon certaines indiscrétions, au moins deux fermes appartenant à des autorités, sont implantées à proximité du foyer de la grippe aviaire. Il semble aussi que certains éleveurs de la localité qui suspectaient déjà la présence de la grippe aviaire hautement pathogène dans le Camping, ont commencé à écouler à bas prix leurs oiseaux.

Aucun abattage n’est encore envisagé

Sous un hangar extérieur du Camping, on peut identifier le haut-commissaire de la province du Kadiogo, Jean Bassono, le préfet de Saaba, le Dr Godefroy Poda, directeur du laboratoire d’élevage et le Dr Estelle Kanyala, directrice de la Santé animale. “Je suis là avec une commission provinciale composée des agents du ministère des Ressources animales. Nous voulons voir comment nous allons mettre en œuvre les mesures du gouvernement, » nous a expliqué, le haut-commissaire Bassono. Selon ses explications, aucun abattage ne peut se faire ce mardi. L’information et la sensibilisation de la population, puis le recensement de la volaille doivent être faits avant l’abattage. Il a toutefois affirmé que la situation est sous contrôle et que tous les foyers qui seront signalés feront l’objet d’un nettoyage adéquat. « Nous allons prendre des mesures pour la sécurité des personnes et des volailles ”, a-t-il prévenu.

Aimé Mouor KAMBIRE


“ Les habitudes alimentaires ne devraient pas changer”, dixit le docteur Poda

Quelles sont les mesures prises à Gampèla pour éviter la propagation de la maladie ? N’y a-t-il pas des cas d’êtres humains contaminés par cette épizootie dans la zone de Gampèla ? Quelle doit être l’attitude des vendeurs et consommateurs de volailles du Burkina, face à cette maladie ?

Le Dr Godefroy Poda, directeur du laboratoire d’élevage et le Dr Estelle Kanyala, directrice de la santé animale, que nous avons rencontrés mardi 04 avril 2006 à la Direction générale des services vétérinaires (DGSV) apportent des éléments de réponses aux différentes interrogations.

Sidwaya : Depuis le 3 avril, les premiers cas de grippe aviaire sont confirmés au Burkina, notamment à Gampèla, à quelques kilomètres de Ouagadougou. Pourquoi c’est le centre du pays qui est touché, et non une zone frontalière du Niger par exemple, où sévit déjà l’épizootie ?

Dr Godefroy Poda : L’apparition de la grippe aviaire en plein centre du Burkina Faso peut s’expliquer par plusieurs hypothèses. D’abord, les oiseaux migrateurs qui ont survolé les régions frontalières peuvent venir les transmettre au niveau du centre. Ça peut être aussi des voyageurs qui ont transporté des produits d’origine aviaire contaminés, qui sont venus séjourner dans la région du centre et qui ont laissé le virus sur place. Parce que même les véhicules de transport, les vêtements, les restes des aliments que les gens ont laissés sur place peuvent être source de contagion. Jusqu’à présent, nous ne pouvons donc qu’émettre des hypothèses.

Sidwaya : Quelles sont les mesures déjà prises pour éviter la propagation de la maladie ?

Dr Godefroy Poda : Pour le moment, il y a déjà un arrêté de déclaration de l’infection qui est pris par le gouverneur de la région du centre pour déclarer la zone infectée de grippe aviaire.

Il y a un périmètre de 3 kilomètres qui a été défini, et dans cette zone que nous appelons “zone de séquestration”, toute la volaille qui peut être à notre portée sera abattue et incinérée, c’est-à-dire les poulets, les dindons, les cailles s’il y en a, les oies...

Après la zone de séquestration, nous avons une zone de protection ou de surveillance qui va de 3 à 10 kilomètres selon l’importance de l’infection. Tous les oiseaux seront surveillés dans cette zone, c’est-à-dire qu’aucune espèce aviaire ne doit y sortir, ni y entrer. On ne les abat pas, mais on les surveille, et ils sont directement mis en consommation sur place. De même, tous les oiseaux de cette zone seront vaccinés contre la grippe aviaire. Comme cela, si quelques virus voulaient s’échapper et s’étendre au reste du pays, ils sont vite neutralisés par la vaccination, sur un rayon de 3 à 10 km à partir de la zone de séquestration. Nous avons le stock de vaccins nécessaires à cet effet. Après cette zone de surveillance, tout le reste du territoire aussi va voir son réseau de surveillance épidémiologique renforcé.

Sidwaya : Doit-on comprendre que les gens qui ont consommé la volaille dans la zone de Gampèla avant la confirmation de la grippe aviaire au Burkina peuvent souffrir de cette maladie ?

Dr Godefroy Poda : Le prélèvement a été envoyé en Italie le 3 mars, et nous sommes aujourd’hui à un mois. Tous ceux qui ont mangé du poulet là- bas, l’auraient mangé donc avant le 3 mars minimum. Alors que du point de vue de la médecine humaine, l’incubation de la grippe aviaire sur l’homme est de 3 à 10 jours. Et quand vous faites la maladie à partir du 10e jour, vous n’en avez plus pour 3 jours, si vous n’avez eu aucun traitement. Nous disons donc que de tous ceux qui ont eu à manipuler de la volaille ou à en consommer dans la région du centre, si jusqu’à aujourd’hui nous n’avons pas eu de cas de déclaration de maladie liée à la grippe aviaire, c’est que ces gens n’auront pas la grippe aviaire.

Dr Estelle Kanyala : Il faut préciser que c’est dans un seul site de Gampèla qu’il y a eu des cas positifs de grippe aviaire. Et dans ce site, le monsieur faisait de l’élevage de contemplation, ce qui signifie que les gens ne consommaient pas la viande des oiseaux là-bas. Il y avait des oies, des autruches, des pintades, des canards....

Sidwaya : Vous avez parlé tantôt d’abattage de la volaille contaminée. A combien de francs s’élève l’indemnisation d’un oiseau abattu ?

Dr Godefroy Poda : Dans notre plan de prévention et de riposte contre la grippe aviaire, nous avons prévu des abattages, suivis d’indemnisations. Les abattages seront faits par un comité qui sera mis en place à cet effet. Les autorités administratives, de la santé humaine et animale, les opérateurs de la filière avicole, les forces de l’ordre qui constituent le comité, vont se réunir et décider des modalités d’abattage. Un autre comité est chargé de faire des propositions au ministre par rapport à l’indemnisation. Le plan prévoit de façon statutaire, qu’un oiseau abattu coûtera 1500 francs CFA.

Sidwaya : Quels conseils avez-vous à donner aux vendeurs et aux consommateurs de volailles du Burkina Faso ?

Dr Godefroy Poda : Aux consommateurs d’abord, nous disons de ne pas paniquer. Malgré la confirmation de la grippe aviaire dans le centre de Gampéla, les habitudes alimentaires de Ouagadougou ne devraient pas changer, parce que la plupart des poulets consommés au niveau de Ouagadougou viennent de partout.

Donc, il n’y a que les poulets de notre zone de sécurité qui ne peuvent pas être envoyés à Ouagadougou pour la consommation. Même si par mégarde, quelqu’un avait pu être trompé et avait acheté des poulets venant de la zone contaminée, il peut les consommer en toute quiétude, après les avoir fait cuire au-delà de 70 degrés, pendant quelques minutes.

Nous confirmons qu’à 100 degrés, le virus est détruit en vingt minutes.

En ce qui concerne les opérateurs de la filière, c’est-à-dire les éleveurs et les vendeurs de poulets, nous disons aussi qu’il n’y a pas de panique. Il faudra que les gens continuent à mener leurs activités, tout en accroissant désormais leur vigilance.

Ils doivent nous aider, en ne faisant pas rentrer de façon frauduleuse, de la volaille en provenance de la zone infectée, parce que cela va perturber notre système de surveillance. Ils ont également intérêt à respecter nos consignes de surveillance, parce que s’ils manipulent de la volaille venant de Gampéla, ils peuvent s’exposer à des risques, et nous avons toujours dit qu’en cas de grippe aviaire, il n’y a que les éleveurs de volailles, les vendeurs et les vétérinaires qui sont les plus exposés.

Propos recueillis par Moustapha SYLLA (Moussy_2020@yahoo.fr)

Sidwaya

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