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Frédéric LEJEAL, co-auteur de « Ils savent que je sais tout » : « On ne peut résumer Robert Bourgi aux convoyages de fonds des présidents africains »

Publié le dimanche 29 septembre 2024 à 22h00min

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Frédéric LEJEAL, co-auteur de « Ils savent que je sais tout » : « On ne peut résumer Robert Bourgi aux convoyages de fonds des présidents africains »

Il est le co-auteur du livre des confessions fracassantes de Robert Bourgi, pas encore sorti officiellement et qui fait déjà tant jaser ces jours-ci. Lefaso.net l’a interrogé pour connaître les motivations et les conditions de publication de ce pavé dans la mare de la Françafrique. Il nous répond sans langue de bois.

Écrire un tel ouvrage est-il votre décision ou celle de Robert Bourgi ?

De la mienne et seulement de la mienne. Pour la petite histoire, il m’a fallu trois ans pour le convaincre. Il n’était pas prêt à se livrer, à s’ouvrir et exerçait encore comme avocat-lobbyiste. Je murissais ce projet depuis longtemps. Je connais Robert Bourgi depuis 15 ans. Je l’ai abondamment côtoyé lorsque, rédacteur en Chef de La Lettre du Continent, nous nous voyions une fois par semaine à son cabinet, avenue Pierre 1er de Serbie, pour évoquer l’actualité africaine.

Il me semblait que ses Mémoires étaient le maillon manquant dans l’abondante littérature sur la Françafrique. Un autre projet de Mémoires porté par un autre journaliste avait avorté. Après d’innombrables refus, il m’a téléphoné pour me donner son feu-vert « à l’orientale » à sa seule parole. J’ai alors senti qu’il était disposé à se confier sur toute sa vie, ce qu’il n’avait jamais fait.

Pourquoi avez-vous décidé de le faire maintenant ?

Comme évoqué dans la réponse précédente, il n’y a eu strictement aucun chronogramme. Il s’agit de Mémoires, à savoir un livre retraçant toute la vie d’une personnalité. Il a simplement fallu attendre que Robert Bourgi accepte de parler, de se confier sur des pans méconnus de son parcours. Qu’il accepte également de se lancer dans un tel travail en accordant beaucoup de son temps et de son énergie. C’est une sorte de bilan. Il aurait décidé de parler il y a trois ans, le livre serait sorti il y a trois ans…

Combien de temps cela vous-a-t-il pris ?

Près d’un an et demi. Nous avons démarré au printemps 2023. Nous avons réalisé des entretiens réguliers. J’allais chez lui ou nous nous rencontrions au Flandrin, l’une de ses brasseries préférées dans le 16ème arrondissement de Paris.

J’insiste sur le fait que ces Mémoires ne sont pas une « commande ». Elles ne sont pas davantage hagiographiques. J’ai eu une liberté totale dans le choix de mes questions. L’éditeur, Max Milo, n’est pas davantage intervenu dans la construction du récit. Je précise également, car c’est important, que ce livre contient 3 albums photos avec des clichés inédits de Robert Bourgi bébé, enfant, adolescent ou auprès de son fameux père, Mahmoud Bourgi, qui finançait le RPF de De Gaulle. Il y a également 150 pages d’annexes (correspondances, lettres, notes personnelles…) qui viennent renforcer son propos.

Beaucoup d’observateurs s’interrogent sur la crédibilité des confessions et révélations de M. Bourgi ; comment accueillez-vous leurs réactions ?

J’entends cette petite musique. Elle vient surtout de journalistes et d’observateurs n’ayant pas lu le livre, ne connaissant pas le personnage qu’ils fantasment plus qu’autre chose et incapables de caractériser concrètement les propos qu’ils incriminent. On ne peut pas dire d’un côté qu’il s’agit de « révélations » et parler de l’autre de « crédibilité ». C’est antinomique.

Il est vrai que Robert Bourgi a bâti sa légende. Il parle avec une extrême facilité, jure souvent, s’enflamme parfois et se trouve à la confluence de plusieurs cultures. Il a travaillé au cœur de plusieurs pouvoirs français et africains et les scènes qu’il décrit peuvent sembler tellement surréalistes que l’on peut s’interroger.

Pourtant, certains signaux ne trompent pas quant à leur véracité. En septembre 2011 par exemple, lorsqu’il dévoile, dans Le Journal du Dimanche, le système de financement des présidents africains vers Jacques Chirac, aucune plainte n’a suivi pour des faits rapportés pourtant extrêmement graves. Pourquoi ?

Prenez le passage sur la livraison de 3 millions de dollars du président Compaoré afin de financer la campagne de Jacques Chirac, en 2002. L’émissaire était Salif Diallo. A l’époque, ce dernier avait démenti du bout des lèvres mais, là aussi, aucune plainte. Pas de plainte non plus, ni même aucune réaction de l’ancien président burkinabè. La scène décrite, et qui est encore plus explicite dans le livre, est bien trop détaillée pour être fausse.

Au demeurant Olivier, le fils de Robert Bourgi, l’avait accompagné au secrétariat général de l’Elysée pour effectuer cette livraison. Il suffit aux détracteurs de Robert Bourgi ou aux journalistes de faire leur métier en lui téléphonant pour le confirmer. Lorsque Robert Bourgi affirme que Nicolas Sarkozy va s’employer à « vitrifier » Laurent Gbagbo, il se trouve que Claude Guéant est dans le bureau de l’Elysée et assiste à la scène. Il suffit de l’appeler également.

Ce livre contient par ailleurs des dizaines de documents officiels comme une facture de 75.000 euros payées par l’ancien président burkinabè pour acheter un buste de Napoléon destiné à Dominique de Villepin.

Si Robert Bourgi « s’arrangeait » tant que cela avec la vérité il n’y aurait jamais eu, pendant des années devant son cabinet, la procession des plus grands journalistes d’investigation. De Pierre Péan à Stephen Smith en passant par Claude Angéli, Fabrice Lhomme ou Fabrice Arfi.

Enfin, je suis, à mon niveau, très bien placé pour parler de sa parole. Pendant 10 ans, lorsque j’étais rédacteur en Chef de La Lettre du Continent, média influent créé par le journaliste Antoine Glaser, Robert Bourgi était une précieuse source. Il m’a fait remonter des dizaines d’informations que j’ai naturellement recoupées et vérifiées. Aucune de ces informations publiées ne m’a valu un droit de réponse, une remarque encore moins un procès.

Les révélations constituent une véritable plongée dans les présidences africaines. Il dépeint la psychologie de nombreux chefs d’Etat et les missions accomplies. Sur ce dernier point, on ne peut résumer Robert Bourgi aux convoyages de fonds. Il a fait également de l’influence de très haute intensité. Il a certes monnayé son carnet d’adresse en tout bon lobbyiste mais travaillait aussi à décrypter l’actualité africaine auprès des présidents français, mettait en relation, jouait les intercesseur, s’occupait de missions sensibles comme la libération de la Française Clotilde Reiss, emprisonnée en Iran. La diplomatie française a longtemps critiqué Robert Bourgi pour la court-circuiter. Il n’empêche que l’Etat français est bien content de pouvoir compter sur ce type de personnages de l’ombre lorsque les canaux officiels s’avèrent totalement inopérants.

Vous-même qui êtes un bon connaisseur des relations ou même des "affaires" françafricaines, que pensez-vous de ces révélations ?

Elles ne m’étonnent pas, ce système ayant déjà été esquissé, dans d’autres livres, par des personnalités comme Jacques Foccart, mentor de Robert Bourgi. Elles confirment des pratiques débutées après la seconde guerre mondiale et qui ont permis à la droite française gaulliste de se financer. Mais il ne faudrait pas voir les présidents africains comme prisonniers de ce système. Ils ont su merveilleusement en profiter en termes d’influence. Omar Bongo en est le premier exemple.

J’insiste par ailleurs sur un point qui n’est pas assez souligné : Robert Bourgi est avant tout un avocat-lobbyiste. Il a vécu de ses missions et ne figure pas dans des contrats douteux. Vous ne verrez pas son nom dans des affaires de rétrocommissions, de détournements ou de recel de fonds publics. Il n’a jamais été convoqué par un seul juge pour une quelconque « affaire » françafricaine. Qu’il s’agisse de l’Angolagate, des Biens Mal Acquis ou de l’affaire Elf. Chaque fois qu’il a rencontré un juge c’était à sa demande. Il n’a pas davantage été témoin assisté dans un dossier, ou mis en examen ou placé en garde à vue. Il faut rompre avec cette fausse image qui lui colle à la peau.

Comment le livre, qui sort officiellement le 2 octobre mais qui est déjà en prévente, se comporte-t-il ?

Il est déjà positionné comme la première vente sur des plateformes comme Amazon, ce qui prouve l’intérêt des lecteurs pour ces questions et pour la relation franco-africaine, ou ce qu’il en reste.

Lefaso.net

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