Burkina/Filière coton : Des producteurs favorables au retour du coton génétiquement modifié
Le rêve des producteurs de coton du Burkina pourrait se réaliser très bientôt. Ces derniers ont émis depuis longtemps le souhait de revenir à la culture du Coton génétiquement modifié (CGM). Aujourd’hui, le rêve se concrétise avec les travaux de recherches des chercheurs burkinabè qui ont pu mettre en place diverses qualités de CGM, répondant ainsi aux besoins de production en culture commerciale au Burkina. Afin d’être au même niveau d’informations sur le processus du retour à la culture de ces CGM, les producteurs étaient réunis le mardi 24 septembre 2024 dans la ville de Bobo-Dioulasso pour échanger.
« Aujourd’hui, tous les producteurs sont favorables au retour du coton génétiquement modifié », a dit le président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), par ailleurs président de l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB), Nikiébo N’Kambi. Cette volonté générale des cotonculteurs à l’idée du retour au CGM s’explique, selon lui, par les multiples avantages que revêt cette variété. A l’en croire, avec la culture du CGM, le rendement à l’hectare est évalué à plus de 30% d’augmentation par rapport au coton conventionnel, le traitement phytosanitaire avec le CGM est facile et le producteur gagne en temps.
« Avec la culture du CGM, nous avons beaucoup d’avantages côté agronomique même si au niveau industriel il y a un manque à gagner. Mais les chercheurs travaillent pour trouver la solution. Avec le CGM, le nombre de traitement phytosanitaire passe de huit ou dix à deux. Même que d’autres ne traitaient pas du tout, mais qui arrivaient à récolter du coton. Alors qu’aujourd’hui si vous ne faites pas le traitement vous n’allez pas récolter une graine de coton. Avec le CGM, le producteur gagne en temps et sa santé est améliorée parce qu’il n’est pas trop exposé aux produits insecticides. Il y a aussi l’impact environnemental que nous devons préserver », a-t-il souligné.
De l’historique de la suspension de la culture du CGM
Ce retour au CGM pourrait intervenir après plusieurs années de suspension par les producteurs. En effet, il y a quelques années, entre 2008 et 2015, le Burkina Faso s’était engagé dans la production du coton génétiquement modifié. À l’époque, les producteurs avaient tous espéré que cette décision, portée par la promesse d’une productivité accrue, à travers une meilleure protection phytosanitaire du cotonnier et d’une meilleure préservation de l’environnement, leur ouvrirait la voie vers une nouvelle ère de prospérité pour le coton burkinabè. Malheureusement la réalité s’est avérée plus complexe.
L’expérience avec le CGM a connu des difficultés liées entre autres à la qualité de la fibre qui a fait perdre au pays son label avec pour corolaire des pertes financières énormes au niveau des sociétés cotonnières, des producteurs et au niveau de l’économie nationale. C’est ainsi à son corps défendant et pour assurer sa survie que la filière a décidé souverainement de suspendre la culture du CGM en 2016. Selon le président de l’AICB, Nikiébo N’Kambi, cette décision de suspension n’était pas un abandon car il avait été bien indiqué à l’époque au partenaire MONSANTO et l’ensemble des acteurs, que le Burkina pourrait renouer avec la production du CGM si les difficultés évoquées étaient résolues.
C’est ainsi qu’après la suspension, l’AICB a continué d’explorer toutes les possibilités d’un retour éventuel de la culture du CGM au Burkina dans de meilleures conditions. Le président de l’AICB a affirmé que face à l’émergence des acariens, de certains piqueurs-suceurs notamment la nouvelle espèce de jassides non contrôlée par le gène Bollgard II, le retour à la culture du CGM constitue un défi majeur qui se complexifie. C’est pourquoi, la conception de l’idéotype des futures variétés de CGM du Burkina devra donc prendre en compte non seulement les nouvelles préoccupations par rapport à la maîtrise de l’ensemble du spectre parasitaire du cotonnier, mais aussi les caractéristiques fixées de commun accord entre les producteurs et les sociétés cotonnières, tout en ayant un regard sur les exigences du marché de la fibre. Pour plus de succès que la précédente expérience, l’AICB a donc entrepris des démarches auprès des structures et leurs experts en vue de bâtir un partenariat qui puisse permettre de développer de nouvelles variétés de CGM ou de corriger les variétés de CGM Bollgard II. Elle a également mené des actions avec la recherche nationale notamment le programme coton de l’INERA et des concertations avec l’Agence nationale de biosécurité.
Informer les acteurs du coton sur le processus du retour à la culture du CGM
La mise en œuvre du processus du retour à la culture du CGM s’est révélée assez longue et difficile. Aujourd’hui, tenant compte de la situation et du cheminement opéré pour le retour à la culture du CGM, l’AICB et ses partenaires ont estimé opportun d’organiser cet atelier pour informer les acteurs de la filière coton de tous les niveaux sur le processus du retour du CGM. « Le débat sur la culture du CGM est en train de refaire surface dans notre pays avec des informations de toutes sortes. C’est pourquoi, l’AICB a jugé nécessaire de tenir cet atelier d’information avec l’ensemble des responsables des producteurs de coton afin de leur donner toutes les informations utiles, les démarches et les actions entreprises pour un retour du CGM », a indiqué Nikiébo N’Kambi.
Cet atelier organisé conjointement par l’AICB et l’INERA a réuni des producteurs et techniciens de l’UNPCB, les principaux chercheurs du programme coton de l’INERA, des directeurs généraux et des cadres de certaines directions des trois sociétés cotonnières du Burkina, des cadres du secrétariat exécutif de l’AICB et le ministère en charge de l’industrie à travers le secrétariat permanent de la filière coton libéralisée (SP-FCL). Il s’est agi, au cours des travaux, de faire un rappel des raisons qui avaient conduit à la suspension de la culture du coton BT, de faire le point des actions entreprises et des perspectives pour un éventuel retour à la culture de variétés de CGM répondant aux besoins de production en culture commerciale au Burkina. Ainsi, chaque acteur a pu trouver des éléments pour permettre de redéfinir l’avenir de la filière cotonnière.
A en croire le président N’Kambi, plusieurs variétés ont été trouvées. « Les présentations ont montré les avancées de la culture des CGM. Nous avons des chercheurs qui ont cherché et trouvé quelques choses. Il suffit maintenant à la filière de choisir exactement ce qu’il faut. Pour un retour du CGM, il nous faut une variété qui réponde efficacement aux raisons qui ont conduit à sa suspension. Cette question concernait le côté industriel parce qu’il n’y avait pas de problème avec le côté agronomique. Nous devons donc choisir une variété qui tienne compte de cette préoccupation », a-t-il indiqué. Il rassure que l’INERA est sur une bonne lancée avec la proposition de plusieurs variétés de CGM qui peuvent répondre au déficit industriel évoqué pour suspendre la production de cette variété de coton.
Le secrétaire permanent de la filière coton libéralisée du ministère de l’Industrie, du commerce et de l’artisanat, Jean-Pierre Wibga Guinko, a d’abord salué la tenue de cet atelier et la dynamique des acteurs de la filière coton. « Depuis la suspension du CGM en 2016, des actions ont été soutenues au niveau de l’interprofession avec l’encouragement de l’Etat, afin de pouvoir identifier une nouvelle biotechnologie qui permettrait d’avoir l’aspiration des producteurs et des sociétés cotonnières. Nous sommes aujourd’hui sur la bonne lancée », a-t-il indiqué. Avant de rassurer que le gouvernement va jouer sa partition dans ce processus pour permettre une relance durable de la production cotonnière. Les participants ne peuvent que se réjouir et exprimer leur intérêt au retour du CGM pour, disent-ils, booster la filière coton au Burkina Faso.
Romuald Dofini
Lefaso.net