Vie carcérale en Afrique : Surpopulation, étouffements, maladies, ...le Burkina veut miser sur le travail d’intérêt général

Comme suite à l’annonce du président du Faso lors de sa rencontre avec les forces-vives le 11 juillet 2024 à Ouagadougou, le gouvernement burkinabè vient d’adopter (le 19 septembre 2024) un projet de loi portant administration du Travail d’intérêt général (TIG). Une alternative à la peine d’emprisonnement qui, de l’avis de nombreux acteurs du milieu carcéral, va contribuer à résoudre d’énormes problèmes liés aux conditions de vie derrière les violons. Une procédure qui est enclenchée à un moment où la question des conditions exécrables des prisons en Afrique fait récurremment l’actualité (au Congo-Kinshasa, environ 130 morts lors d’une tentative d’évasion causée par un incendie, 80% des femmes y sont violées). Il y a urgence donc à humaniser aussi les prisons et autres lieux de détentions en Afrique pour qu’ils soient un espace de socialisation et non cet endroit de radicalisation ou encore un mouroir.
Le projet de loi adopté par le gouvernement est une relecture de la loi 2004 portant administration du travail d’intérêt général qui propose une peine alternative à l’emprisonnement, appelée Travail d’intérêt général. La loi en vigueur qui, explique-t-on, répondait à la nécessité de remédier à la surpopulation carcérale et de favoriser la réinsertion sociale des condamnés, présente des difficultés dans sa mise en œuvre, entraînant un faible prononcé de la peine de travail d’intérêt général.
Toujours selon le gouvernement, les innovations de ce projet de loi sont, entre autres, l’extension du travail d’intérêt général aux mineurs de treize ans au moins, par alignement à l’âge de la responsabilité pénale, sans lien avec la nature du travail à effectuer ; le remplacement du terme « prévenu » par celui de « personne poursuivie », pour prendre en compte le cas des mineurs mis en accusation ; la possibilité pour le juge de prononcer le TIG comme peine pour certaines infractions ; le prononcé obligatoire d’une peine d’emprisonnement probatoire, à exécuter en cas d’inexécution fautive de la peine de Travail d’intérêt général.
« Le travail d’intérêt général également est une peine, qui peut être prononcée sous certaines conditions, pour éviter l’emprisonnement et travailler à ce que la personne condamnée puisse se réinsérer et aussi pour que la communauté puisse profiter à travers le travail non rémunéré que l’individu condamné va offrir à la collectivité », a, sous réserve du contenu de la nouvelle loi en gestation, commenté le premier substitut du Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Koudougou, Boureima Sawadogo, interrogé sur le sujet en marge d’une formation de journalistes sur le droit pénal.
Il explique également, sur la base de la loi en vigueur, que le travail d’intérêt général ne concerne pas toutes les catégories de condamnés. Ainsi, pour les crimes, infractions graves, et même pour certains délits, on ne peut pas prononcer une peine de travail d’intérêt général.
En attendant le contenu de la loi avec son adoption, on se souviendra que le décongestionnement des prisons par l’alternative TIG est l’un des engagements du président du Faso, maintes fois réitéré. Pas plus tard que lors de sa rencontre (le 11 juillet 2024) avec les Forces-vives, le capitaine Ibrahim Traoré a affiché sa volonté de « vider incessamment » les prisons pour orienter les pensionnaires vers la production. Ce qui pourrait, de l’avis de nombreux citoyens, contribuer à résoudre de nombreuses difficultés liées à la surpopulation avec son corollaire de conséquences (étouffements, insalubrité, maladies...). Bref, c’est presque tout, sauf une socialisation.
Plusieurs rapports de parlementaires en ces lieux font, jusque-là, le même constat de conditions difficiles, inhumaines et recommandent une amélioration.

Des mauvaises conditions de vie, le Burkina n’est pas le seul à en connaître dans ses geôles, car au moment où il se dispose à miser cette autre alternative qu’est le travail d’intérêt général, c’est la République démocratique du Congo qui continue d’alimenter tristement le sujet, avec cette tentative d’évasion, début septembre, qui s’est soldée par au moins 129 personnes tuées. A la base, l’incendie d’une partie des bâtiments de cette grande prison. « La prison de Makala, la plus grande de ce pays d’Afrique centrale, est notoirement surpeuplée, hébergeant dix fois plus de détenus (entre 14 000 et 15 000) que sa capacité (1500 places) », rapportent des médias locaux, citant des statistiques officielles.
Toujours selon la presse locale, qui cite un rapport interne du Fonds des nations-unies pour la population chargé de l’amélioration de la santé reproductive et maternelle, 268 prisonnières sur les 348 détenues dans cette prison de Makala (soit une représentation de 80%) ont été violées lors de ces évènements dramatiques. « 17 des survivantes de ces violences sexuelles avaient moins de 19 ans. Une détenue a affirmé qu’elle avait vu des femmes en train d’être violées et qu’aucune d’entre elles n’avait reçu des soins appropriés. Bien que le nombre de survivantes aient reçu, dans les 72 heures suivant les attaques, les soins de prise en charge couramment fournis après un viol, telles qu’une contraception d’urgence et la prophylaxie post-exposition au VIH, elles n’avaient reçu de soutien psychologique adéquat qu’à partir du 11 septembre. Force de rappeler qu’il est urgent que ces femmes prisonnières, victimes de violences sexuelles, lors de la tentative d’évasion à Makala, soient bien prises en charge pour éviter des conséquences sur divers plans dues à ces actes de violence », décrivent des organisations de défense de droits humains.
Vivement, que la nouvelle loi en gestation au Burkina sur le travail d’intérêt général puisse contribuer à globalement améliorer la vie dans ces lieux de détention ; cet autre cadre de la société, où tout individu, quel que soit son rang social, peut, à raison ou à tort, s’y retrouver un jour.
O.L
Lefaso.net