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Forum sur la coopération sino-africaine : La vision chinoise de l’Afrique est-elle toujours tiers-mondiste ?

Publié le mardi 10 septembre 2024 à 21h30min

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Forum sur la coopération sino-africaine : La vision chinoise de l’Afrique est-elle toujours tiers-mondiste ?

© Greg Baker / AFP

Le FOCAC (Forum sur la coopération sino-africaine) 2024 a refermé ses portes le 06 septembre 2024 au grand bonheur des dirigeants chinois qui ont convoqué et rassemblé un continent pour discuter avec eux de leur vision du monde et de la place que la Chine accorde à ces pays qui n’en finissent pas de se défaire du néocolonialisme et sont ballotés entre les sommets des anciennes puissances coloniales (France-Afrique, Commonwealth) et des nouveaux prédateurs (États unis d’Amérique, Japon, Russie, Union européenne, Corée du Sud, Turquie etc.) qui s’invitent à la table du pillage du continent. La Chine a-t-elle innové en lançant cette rencontre en 2000 ? Quel est le bilan de ce sommet ? La vision actuelle de la Chine laisse-t- elle une place à son passé de pays non aligné et d’initiateur de la théorie des trois mondes ?

En avril 1955, la Chine était à la conférence de Bandung qui réunissait la moitié du monde qui s’est libérée du joug colonial et s’organisait pour aider les mouvements de libération nationale et affirmer le droit à l’autodétermination des peuples, et pour l’indépendance totale, c’est-à-dire politique et économique. Ces jeunes nations luttaient contre le racisme et toutes les discriminations. Le mouvement des Non-alignés, né en 1961 suite à cette conférence, a refusé l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques), l’ancêtre de la Russie de Poutine, qui cherchait à les rejoindre et a opté pour un non alignement entre l’Est et l’Ouest comme était décrit l’affrontement entre les blocs avec les États unis et ses alliés d’une part et la Russie et les siens de l’autre. De l’eau a coulé sous les ponts et le monde a changé presque partout sauf suffisamment en Afrique.

Des pays comme la Chine, le Japon, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Inde, l’Indonésie, tous présents à la conférence de Bandung, parlent d’égal à égal avec n’importe quelle puissance du monde, mais pas leurs homologues africains, y compris les fondateurs du mouvement des Non-alignés comme l’Égypte, le Ghana, l’Éthiopie, la Libye et le Soudan. Il ne viendrait à l’esprit d’aucune des puissances dominantes actuelles de mettre les premiers pays cités plus haut dans un même sac avec d’autres pour discuter avec eux des affaires les concernant. Mais l’Afrique se laisse traiter par toutes les puissances, comme l’ont traitée les puissances coloniales. Elle subit toujours l’offre de coopération à visée impérialiste des autres qui lui imposent leurs visions, leurs modalités et leurs intérêts puisque même avec leur grand nombre, ils sont divisés les États africains, donc sans force.

Accroître la puissance chinoise dans le monde

La Chine s’est émancipée de la théorie des trois mondes, depuis qu’elle a fait son grand bond en avant économique. Elle fait la compétition économique en tête avec les États-Unis. Elle est membre des BRICS avec la Russie et l’Inde pour faire échec au G8, quand bien même celui-ci l’a copté avec l’Inde dans le G20. La Chine est aujourd’hui une puissance qui voit le monde en parts de marché, ressources pour ses industries. C’est suivant cette optique que le FOCAC s’est créé : comment accroître la puissance chinoise dans le monde sur tous les plans. Avec aussi son obsession diplomatique de l’unité de la Chine avec le retour de Taiwan dans son giron. C’est pourquoi l’Eswatini, qui est le seul État africain qui ne se fait pas dicter ses choix et qui reconnaît Taiwan est indésirable au FOCAC.

Ce traitement est celui du rapport de force, et c’est sur la base de sa puissance économique et des gains plus importants que le Burkina Faso a quitté la "petite Chine" pour la grande et pour l’instant, c’est presque match nul pour les investissements importants : hôpital de Tengandogo pour l’une (Taiwan) et celui de Pala à Bobo Dioulasso en construction pour l’autre (République populaire de Chine). Le FOCAC est présenté comme une rencontre multilatérale, mais elle est en fait uni-multilatérale où un État rencontre 53 autres. C’est la Chine qui tient les manettes, et donne le tempo des discussions. La plupart des délégations sont heureuses si elles rencontrent le président chinois pour obtenir des décisions sur la coopération d’État à État. À cette rencontre une douzaine de chefs d’État africains ont reçu cette distinction à commencer par Tshisekedi de la République démocratique du Congo avec ses mines de cobalt détenues par la Chine ; l’Afrique du Sud en tant que première puissance économique du continent et partenaire au sein des BRICS.

La vedette du FOCAC 2024 est le président malien Assimi Goïta qui a été reçu en tête à tête avec le président chinois Xi Jinping. Les intérêts chinois sont moins importants au Mali qu’au Niger et au Bénin. Les spéculations vont bon train sur un engagement futur plus prononcé de la Chine dans la région du Sahel qui est le point de confrontation le plus chaud entre les puissances occidentales et la Russie. La Chine va-t-elle envoyer des forces pour protéger le pipeline pour pouvoir récolter enfin le pétrole du Niger dans lequel il a investi, alors que plusieurs sociétés occidentales refusaient de le faire ? La Russie a déjà offert ses services sécuritaires mais pas encore efficients pour permettre l’exportation du pétrole.

Résultats du FOCAC 2024

Pour les autres pays, qui n’ont pas eu l’honneur d’être reçus, le sommet a obtenu deux grands résultats qui sont La Déclaration de Pékin et le Plan d’action de Pékin pour éclairer sur les perspectives de la coopération de la Chine en Afrique. Le Congo Brazzaville abritera le prochain FOCAC en 2027, puisque le FOCAC se tient alternativement tous les trois ans en Chine et dans un pays africain. Le commerce entre la Chine et l’Afrique devrait, atteindre 300 milliards de dollars, à l’horizon 2025. Ces rencontres sino-africaines, il faut le reconnaître, sont un succès dans la stratégie de la Chine avec son concept du sud global dont il se considère comme le chef. Les chefs d’État africains aiment la coopération avec la Chine car elle ne promeut pas la démocratie et ne s’ingère pas dans les relations intérieures des pays.

La Chine ne va pas demander l’application des droits de l’homme et des libertés dans un pays. Ce n’est pas elle qui se souciera du sort des opposants pour le principe de ne pas s’occuper des affaires domestiques du pays. Elle dit qu’elle n’impose pas ses points de vues dans la coopération et ne recherche pas ses intérêts politiques dans les financements. Personne n’est naïf pour le croire, et lors du FOCAC, le parti communiste chinois commence à faire des rencontres avec des partis qui le désirent.

Le FOCAC est un sommet d’un donateur et des bénéficiaires de son aide. Et la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit que ce soit en Angleterre, en Russie, au Japon, ou en Chine. C’est ainsi que le monde marche et on n’a pas encore vu une autre démarche. Quand bien même l’Union africaine participe au FOCAC, c’est la vision chinoise qui est en avant sans aucune alternative africaine unitaire. Les sommets ont débuté en 2000, mais c’est en 2006 que la Chine a promis cinq milliards de dollars à l’Afrique. Le montant de 50 milliards de ce sommet de 2024 est une multiplication par 10 en 18 ans de la mise de 2006. Mais en réalité c’est une diminution de l’enveloppe de 2015 à Johannesbourg de 60 milliards de dollars reconduite en 2018 à Beijing. Le sommet de 2021 entre Dakar et Beijing en visioconférence à cause du Covid n’avait pas fait d’annonces financières. La Chine reprend son assistance au développement du continent qui avait connu des difficultés avec le Covid. Le slogan de 2024 est pour une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de haut niveau. Et c’est curieux que certains ne voient pas qu’il y a 66 ans, on proposait aux Africains une communauté avec le colonisateur à la place de l’indépendance.

Sana Guy
Lefaso.net

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