Afrique/Médias : Afrobarometer outille une quinzaine de journalistes aux techniques d’analyse, d’interprétation et d’utilisation de ses données
Afrobarometer (Afrobaromètre) est un réseau de recherche panafricain et non partisan qui mène des enquêtes d’opinion publique pour éclairer le développement et l’élaboration des politiques. S’il est la première source mondiale de données de haute qualité sur ce que pensent les Africains, et ses études, une base importante pour les médias, des institutions nationales et internationales, il n’en demeure pas moins que ses résultats suscitent parfois, et en fonction du sujet objet de l’enquête, des commentaires teintés d’interrogations sur ses outils de collecte, la méthodologie, ses techniques d’analyse, etc. C’est pour mieux imprégner les journalistes des contours de son travail, notamment les techniques d’analyse, d’interprétation et l’utilisation de ses données, que l’organisation a, en collaboration avec son partenaire, le Consortium pour la Recherche économique et sociale (CRES), Sénégal, regroupé une quinzaine de journalistes, venus d’autant de pays d’Afrique francophone et du Maghreb à Dakar (Sénégal), les 26 et 27 août 2024.
Par ce séminaire, Afrobarometer, dont l’objectif principal est de partager la voix de l’Africain ordinaire (lui donner la parole pour se prononcer sur les questions liées à la vie de son pays), entend familiariser ces journalistes avec les contours de la collecte et du traitement de ses données.
Les participants ont donc été imprégnés à la méthodologie de collecte et d’utilisation des données et des résultats de l’enquête d’Afrobarometer, l’échantillon représentatif, l’outil d’analyse de données en ligne et l’interprétation des cartes. Et ce, à travers une démarche qui a allié la pratique à la théorie.
“Il s’agit de permettre à ces parties-prenantes, de savoir utiliser les données d’Afrobarometer. Pour les journalistes, c’est dans le cadre du traitement de l’information, leur permettre d’inclure les données dans leurs reportages. Il leur faut une certaine maîtrise, connaissance, pour pouvoir traduire l’information qui se trouve dans les données ; puisque la plupart des informations d’Afrobarometer sont contenues dans des graphiques. Donc, il faut les amener à comprendre comment extraire une information de ces graphiques-là et en faire un contenu livrable au public, pour une meilleure compréhension”, justifie en substance le coordonnateur des communications pour l’Afrique francophone d’Afrobarometer, Hassana Diallo.
Il a, au passage, précisé que cet atelier fait suite à un autre ayant réuni la société civile, avec pour objectif de lui permettre de mener conséquemment son travail de plaidoyer par des informations nécessaires et pertinentes. Afrobarometer a récemment associé à ce volet renforcement des capacités, les chercheurs universitaires.
L’atelier a, en outre, permis aux journalistes venus de divers horizons, de partager des expériences et de constituer désormais un réseau de travail basé sur les données d’Afrobarometer, également exploitées par les acteurs politiques, les dirigeants, les organisations non-gouvernementales, la société civile, les institutions internationales comme la Banque mondiale, l’index Ibrahim de la gouvernance en Afrique, le Programme des Nations-Unies pour le développement, l’Economist Intelligence Unit, etc.
La session a aussi permis de comprendre que pour garder sa neutralité, Afrobarometer n’a pas de collaboration directe avec les États, mais utilise les données des instituts nationaux de statistiques pour dérouler ses sondages et respecte un protocole qui le convie à informer les gouvernants des résultats de chaque enquête avant leur diffusion au public.
Au plan national, Afrobarometer travaille avec des partenaires choisis par appel à candidatures, et sur la base de critères spécifiques de crédibilité, de compétences, de neutralité vis-à-vis des pouvoirs politiques (opposition comme majorité), indépendants, qui font dans la recherche et qui ont une expérience certaine dans la conduite d’enquêtes au niveau national, etc.
“Les données d’Afrobarometer me permettent de comprendre que dans nos pays, on a besoin des journalistes de chiffres (ça existe sous d’autres cieux, en Europe, aux USA). Le travail devient donc incontestable, parce que tu ne vas pas te permettre de publier un chiffre, si tu n’es pas au courant qu’il est vrai et vérifiable. Les chiffes dérangent les gouvernements. (...). On ne peut pas parler de développement, si on passe sous silence le chiffre. Donc, il ne faut pas prendre en mal le travail d’Afrobarometer. Bien au contraire, il faut prendre son travail comme celui qui vient nous éveiller à éclairer l’action de nos gouvernants. C’est un travail qui donne la possibilité aux journalistes d’être aguerris. J’ai été heureux de prendre part à cette formation, pour avoir plus d’informations, en plus de ce que j’avais déjà. Et connaître d’autres collègues qui travaillent dans d’autres pays sur les mêmes questions, cela devient une force, en ce sens qu’avec les technologies aujourd’hui, nous serons désormais en contact et les échanges”, a confié à l’issue de l’atelier, Chrysostome Fouck Zonzeka, responsable de l’hebdomadaire d’informations générales et d’analyses, L’Horizon Africain, Congo-Brazzaville.
Ce renforcement de capacités permet, commente-t-il, de faire le travail avec beaucoup plus de technicité, et sans passion. “Quand tu mets la passion, c’est comme si tu veux déranger les gens. Mais quand tu as écrit sans passion, juste dans le but d’informer, je crois que cela fait avancer, et le chiffre dérangera toujours celui qui est aux commandes, celui qui dirige. Celui qui dirige, ce n’est pas simplement le président de la République ; il est entouré de collaborateurs. Vous savez que dans un pouvoir, chacun représente des intérêts (un ministre, un maire, un préfet, un secrétaire général...représentent des intérêts). Si vous écrivez parce que vous avez des chiffres, quelque chose qui va les déranger, vous serez considéré comme un ennemi. Mais, notre travail, c’est d’éclairer l’opinion, aider les gouvernants à rectifier le tir, à bien travailler pour l’intérêt général”, conforte Chrysostome Fouck Zonzeka.
Crée en 1999, Afrobarometer, ce sont plus de 385 000 entretiens, représentant plus des trois quarts de la population africaine. Avec son siège au Ghana, l’organisation compte trois partenaires principaux : au Ghana, en Afrique du Sud et au Kenya.
O.L.O
Lefaso.net