Burkina : Le calvaire des ramasseuses d’ordures ménagères

À Ouagadougou, les ramasseuses d’ordures sont confrontées à d’énormes difficultés tant dans les ménages que pour jeter les ordures. Elles sont souvent méprisées par certaines personnes dans les ménages.
Il est 6h. Delphine Zongo et son équipe sont sur pied pour coordonner le travail de la journée. Les tricycles et les véhicules sont démarrés pour les réchauffer un peu. Des ramasseuses d’ordures, collaboratrices de madame Zongo arrivent. Elles saluent avec tout le respect et la considération.
L’équipe de Delphine Zongo sillonne tout le quartier de la zone I et de ses environs pour ramasser les ordures ménagères.
« J’ai eu l’idée de créer une association pour ramasser les ordures depuis les années 1992. J’avais fini les études. Je n’avais pas d’emploi. Durant cette période, j’ai été en France. Et j’ai constaté que chaque matin les gens vidaient leurs poubelles et d’autres personnes venaient spécialement pour les ramasser et c’est la mairie qui gérait cela. Lorsque je suis rentrée au pays, je me suis lancée dans l’activité en créant une association de ramasseuses d’ordures ménagères et aujourd’hui, nous sommes une fédération. Actuellement, j’ai plus de 45 femmes sous ma coupe. Il y a celles qui ramassent et celles qui encaissent l’argent à la fin du mois. Le prix varie en fonction du standing du ménage. Mais le prix est compris entre 1 000 et 2 000 FCFA le mois », a expliqué Joséphine Zongo présidente de la Fédération des associations des ramasseurs d’ordures ménagères.
La présidente de la fédération a dans le souci de mettre à disposition de son équipe des matériels de travail de qualité et protection, mis son bureau en location. L’argent de la location est utilisé pour acheter le matériel qui manque. Elle a à sa disposition aujourd’hui plus de 20 tricycles, trois camions et un lève bac. Le salaire des ramasseuses varie de 25 mille francs CFA à 60 mille francs CFA.
Les difficultés
« Il y a des ménages vraiment qui sont un peu difficiles à gérer. Dans le contrat c’est quatre ramassage le mois. Mais souvent pour des raisons non indépendantes de notre volonté, on fait trois ramassages. Par exemple, actuellement, avec la saison des pluies, on n’arrive pas à respecter souvent notre part de contrat. Quand il pleut, on ne peut pas demander aux femmes de travailler. Donc souvent on ne fait que trois ramassages. Quand c’est comme ça, certains ménages refusent de payer.
Aussi, actuellement il faut aller jusqu’à Saaba pour aller jeter les ordures. Donc quand ils refusent de payer, on est obligé de compléter le nombre de jours avant d’être payé », a révélé madame Zongo.
« Il y avait les bacs. C’est dans les bacs qu’on mettait les ordures mais depuis qu’on a stoppé les bacs, nous allons à Saaba pour jeter les ordures dans un trou. Quand tu arrives, tu payes 250 francs CFA avant de pouvoir jeter les ordures. Quand c’est un camion, tu payes 1500 francs CFA. On avait déposé un dossier au niveau de la mairie pour dire à la mairie de nous laisser gérer les bacs. On peut donner la gestion des bacs à chaque acteur qui est sur le terrain. Parce que nous allons imposer une somme à payer avant de jeter les ordures. La personne qui ne va pas se conformer ne va pas jeter ses ordures dans les bacs et c’est tout. Les gens sont prêts à payer pour jeter les ordures dans un trou mais quand il s’agit des bacs de la mairie personne ne veut payer pour jeter les ordures. Il faut que cela cesse. Maintenant que la mairie a stoppé avec les bacs, nous souffrons tous », notifié Joséphine Zongo.
Elle demande à la mairie de laisser la gestion des bacs à ordures aux acteurs qui sont sur le terrain. Pour elle, les ordures sont une ressource financière pour les acteurs mais aussi pour la mairie.
« Tous les acteurs qui sont dans le domaine, c’est parce que chacun gagne qu’il est dedans. Personnellement, je ne peux pas dire que je ne gagne rien. C’est le ramassage d’ordures qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je remercie grandement Dieu de m’avoir donné cette opportunité. Je demande à la mairie de réunir tous les acteurs puis les sensibiliser et leur remettre les bacs à ordures pour la gestion », a indiqué la présidente de la fédération.
Encaisseuse, chaque fin du mois Augustine Kafando se rend dans les ménages pour récupérer l’argent. Cependant, elle fait face très souvent au comportement mal poli de certaines personnes.
« Nous souffrons beaucoup. Nous pouvons nous rendre chez quelqu’un souvent quatre à cinq fois sans être payé. Des fois, nous pouvons nous rendre chez un individu pour sonner à sa porte, et il nous dit que nous dérangeons son sommeil. Des fois aussi d’autres, nous disent de patienter qu’ils vont rentrer chercher l’argent pour nous, mais une fois rentrée, la personne nous oublie. Nous pouvons également nous promener jusqu’à la fin du mois sans être payé . C’est vraiment de lourds fardeaux. Il y a de ces gens quand tu arrives, ils vont te chercher querelle au lieu de se calmer pour te faire comprendre qu’ils n’ont pas l’argent pour te payer », a signalé madame Kafando.
Tout comme Augustine Kafando, Monique Nikiéma ramasseuse d’ordures ménagères vit le même problème. Selon notre interlocutrice, la plupart des gens dans les ménages ont un comportement désagréable. « Souvent quand tu arrives, certaines personnes veulent t’insulter pour rien. On est obligé de se taire et de les regarder nous parler mal », a-t-elle dit.
Rama Diallo
LeFaso.net