Histoire de la littérature burkinabè : Entre balbutiements et révélation
La littérature burkinabè est très récente par rapport à celle des autres pays de l’Afrique noire. Elle est née tardivement après les indépendances et a pris son envol dans les années 80. Nazi Boni est le premier écrivain burkinabè avec la publication de son livre le Crépuscule des temps anciens en 1962, selon l’enseignant chercheur Salaka Sanou. Dans notre chronique, nous retracerons les premiers pas difficiles de la littérature burkinabè, et nous reviendrons sur ceux ou celles qui en ont été les acteurs majeurs et les œuvres qui ont caractérisé cette période.
La littérature, dans sa version écrite, n’a pas démarré très tôt au Burkina Faso par rapport à d’autres pays de l’Afrique noire. Brillante par son absence pendant la période coloniale, elle a commencé véritablement avec la publication du Crépuscule des temps anciens de Nazi Boni en 1962.
Cependant, en 1932 et 1934 - avant même que la littérature ne prenne son envol en Afrique noire- un Voltaïque publiait deux œuvres : « Maximes, pensées et devinettes mossi », et « Le secret des sorciers noirs ». Il s’agit de Dimdolobsom Ouédraogo, à qui on doit ces œuvres majeures sur l’histoire des Mossis. L’enseignant chercheur Salaka Sanou, qui a consacré ses travaux scientifiques à l’histoire de la littérature au Burkina, a conclu que les intentions de l’auteur, autant que le contenu de ces œuvres, relèvent plus de l’ethnographie que de la littérature au sens plein du terme. Selon lui, Dimdolobsom vise, dans ces œuvres, à donner des informations importantes sur l’organisation sociale des Mossis. Par conséquent, la littérature burkinabè commence avec Nazi Boni en 1962.
Qu’est-ce qui explique alors ce retard ? Selon l’auteur, la naissance tardive de la littérature burkinabè s’explique par le démantèlement de la Haute Volta en 1932, car les élites voltaïques - contrairement à leurs camarades d’autres colonies - étaient plus préoccupées par la reconstitution de leur territoire et, n’ont pas eu le temps de se consacrer au travail intellectuel d’écrivain. Aussi, le niveau d’instruction dans la colonie de la Haute Volta était faible car destinée à servir de réservoir de main d’œuvre pour les travaux dans les autres colonies.
Le niveau de la scolarisation, le partage de la Haute Volta, pourraient justifier l’absence de Voltaïques sur la scène littéraire pendant la période coloniale. Tout compte fait, la période coloniale était marquée par des productions littéraires exclusivement dans le domaine du théâtre et de la poésie, qui, malheureusement n’ont pas pu être éditées. A ce titre, un des pionniers de la littérature fut Lompolo Koné, grand homme de culture, dramaturge, qui a réalisé de grandes actions dans le domaine du théâtre. Ses textes lui ont valu le prix André You de l’Académie des sciences d’Outre-Mer. D’autres pionniers comme Sékou Tall, Mahamadou Sawadogo (ancien ministre de la culture) plaideront pour le rayonnement de la littérature burkinabè.
Balbutiements
Après Nazi Boni, d’autres écrivains vont faire leur entrée sur la scène littéraire burkinabè, mais beaucoup plus timidement, en publiant des livres en prose et de la poésie. Cette période va des années 1960 à 1962, période que le critique littéraire Salaka Sanou considère comme la période « de balbutiement de la littérature burkinabè ». Mais des cadres tels que le Cercle d’activités littéraires et artistiques de Haute-Volta (CALAHV) ont permis à ce type de littérature de décoller.
Grâce à La revue Visages d’Afrique des noms comme Karim Laty Traoré, Mamadou Djim Kola, Jean Yaméogo furent connus dans le domaine littéraire. Les grandes productions littéraires de cette période peuvent être répertoriées ainsi : Nazi Boni, Crépuscule des temps anciens (1962), Roger Nikièma, Dessein contraire (1967), Pierre Kipiélé Dabiré, Sansoa (1969), Roger Nikièma, Deux adorables rivales, suivies des Soleils de la terre (1971), André Nyamba, Avance mon peuple(1974) ; Augustin Sondé Coulibaly : Les dieux délinquants(1974 ), Augustin Sondé Coulibaly : Poèmes pour enfants (1975), Frédéric Titinga Pacéré : 1. Ça tire sous le sahel, poésie (1976), Refrains sous le sahel, poésie(1976) et Quand s’envolent les grues couronnées (poésie), Paris, (1976), Kollin Noaga : Haro, Camarade commandant, roman (1977), Etienne Sawadogo : La défaite du Yarga (roman) (1977), Jacques Boureima Guégané : La guerre des sables, poésie (1977), J. B. Guégané – Vinu Muntu Yé : Poèmes (1977), Daniel Zongo : Charivaris, poésie (1977) ; Ram Georges Bogoré : Les animaux veulent un roi, contes (1972), La chasse au serpent boa (contes) et Nina, Doudou et l’hyène (contes) (1972) ; Kollin Noaga : Le retour au village, roman 1978, Amand Balima : Voiles marines poésie ,(1979).
A partir de 1978, l’université commence à s’intéresser à la production littéraire nationale. Bernardin Sanon a introduit pour la première fois l’enseignement des œuvres littéraires burkinabè dans les universités, en maîtrise de lettres modernes. En 1988, Méda Y. Bonaventure soutient son mémoire sur le genre sous la direction de Bernardin Sanon.
Rayonnement de la littérature burkinabè
Les années 80 sont celles durant lesquelles la littérature burkinabè a connu une ascension fulgurante. Aidés d’une part par l’État et d’autres part la presse et les pionniers de la littérature, de jeunes talents de la plume vont faire leur entrée sur la scène littéraire. Cette période, Salaka Sanou la nomme « période de la révélation de la littérature burkinabè ». Dès le premier semestre 83, le gouvernement a entrepris la création d’une direction générale des affaires culturelles, l’adoption des textes relatifs au droit d’auteur et un décret portant création du Fonds national de promotion culturelle. Tout cela a donné de l’engouement dans le milieu littéraire. Ce projet de la revalorisation de la littérature sera porté à son pinacle par la révolution d’août 83.
En effet, une Semaine nationale de la culture fut instituée, cadre dans lequel le concours de Grand prix national des arts et des lettres est organisé. Les amoureux de la plume vont saisir cette occasion pour montrer leur talent et leur créativité. En plus de ce concours, le quotidien Sidwaya que le jeune poète Paulin Bamouni dirigeait à l’époque, va organiser le concours Sidwaya du meilleur roman. L’œuvre qui a remporté ce concours en 1987 fut celui de Patrick Ilboudo : Le procès du muet. D’autres concours ont été initiés un peu partout et ont permis aux jeunes auteurs burkinabè de s’affirmer et surtout d’accroître leur productivité en matière littéraire. Les grands lauréats que l’on peut retenir durant cette période sont : Jacques Prosper Bazié, Ignace Ansonwin Hien, Tinga Issa Nikièma, Théophile Moussa Sowié, Jean-Charles Kabré, Bernadette Dao, Prosper Nazou Bambara, Baba Hama.
Entre balbutiement et révélation, la littérature burkinabè a pris naissance dans des conditions parfois difficiles, parfois favorables à son émergence. En ce sens, elle est tributaire du contexte politique et social qui l’a vu naître, conclut Salaka Sanou qui la qualifie d’une littérature émergente.
Bibliographie
-Salaka Sanou, in Burkina Faso, cent ans d’histoire,1895-1995, p.1996
– Alain Sissao, “Sanou, Salaka. – La littérature burkinabè : l’histoire, les hommes, les œuvres”, Cahiers d’études africaines, 171 | 2003, 685-690.
– Adamou L. Kantagba, Littérature burkinabè : naissance et évolution de la nouvelle
Wendkouni Bertrand Ouedraogo