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Burkina/Fonds d’assistance judiciaire : "Ce n’est pas de l’argent qu’on donne. C’est un service qu’on offre" Émile Dala, Directeur général

Publié le mardi 27 août 2024 à 22h00min

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Burkina/Fonds d’assistance judiciaire :

Pour s’assurer que les moins nantis aient les mêmes chances face à un tribunal en cas de litige, l’Etat burkinabè a mis en place le Fonds d’assistance judiciaire (FAJ). Opérationnel depuis des années, le nouveau directeur de ce fonds, Émile Fidèle Conatie Dala nous explique à travers cette interview ce qu’est le FAJ et comment l’obtenir, revenant au passage sur les acquis, les défis et les perspectives de l’institution dont il vient de prendre les rênes.

Que doit-on entendre par Fonds d’appui judiciaire ?

Le FAJ est un établissement public de l’Etat relevant de la catégorie des fonds nationaux. Il est doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. C’est une structure à but social qui assure la gestion des besoins d’assistance des personnes bénéficiaires de l’assistance judiciaire. Il est placé sous la tutelle technique du ministère en charge de la justice et sous la tutelle financière du ministère en charge des finances.

S’agissant de sa création, il faut savoir que la Constitution du 02 juin 1991 garantit le droit d’accès à la justice pour tous les citoyens sans discrimination fondée notamment sur la fortune. De la sorte, l’Etat se devrait de mettre en place un mécanisme qui tienne compte des moins nantis, et particulièrement des justiciables indigents, d’où l’idée de l’assistance judiciaire, dont le principe dans notre pays remonte à la loi n°010/93/ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso. Et aux termes de l’article 6 de cette loi, l’assistance judiciaire peut être accordée suivant la nature des procès, la qualité et la situation des parties, soit de plein droit, soit sur demande expresse de la partie intéressée.

Par la suite, le gouvernement a pris plusieurs textes en vue de permettre aux plus démunis d’avoir accès à la justice ; il y a d’abord eu le décret n°2009-558/PRES/PM/MJ/MEF/MATD du 22 juillet 2009 portant assistance judiciaire au Burkina Faso, qui consacre l’assistance judiciaire à toute personne se trouvant dans l’impossibilité d’exercer ses droits en justice et qui en fait la demande. Ce décret a été abrogé par le décret n°2016-185/PRES/ PM/MJDHPC/MINEFID du 11 avril 2016 portant organisation de l’assistance judiciaire au Burkina Faso.

Ensuite est intervenu le décret n°2013-477/PRES/PM/MJ/MEF du 11 juin 2013, portant création, organisation, attribution et fonctionnement d’un fonds d’assistance judiciaire.

Ce décret de 2013 a été abrogé par le décret n°2016- 341/PRES/PM/MJDHPC/MINEFID du 4 mai 2016 portant approbation des statuts du Fonds d’assistance judiciaire (FAJ), qui sera lui aussi abrogé par le décret n°2023-0843/PRES-TRANS/PM/MJDHRI/MEFP du 12 juillet 2023, portant approbation des statuts particuliers du Fonds d’assistance judiciaire (FAJ). C’est ce dernier décret et celui n°2016-185/PRES/ PM/MJDHPC/MINEFID du 11 avril 2016, portant organisation de l’assistance judiciaire au Burkina Faso, qui sont aujourd’hui les textes de référence du FAJ.

Quelles sont les principales missions du FAJ ?

Aux termes de l’article 6 des statuts particuliers du Fonds d’assistance judiciaire approuvés par le décret n°2023-0843/PRES-TRANS/PM/MJDHRI/MEFP du 12 juillet 2023, le Fonds d’assistance judiciaire est une structure à caractère social ayant pour mission de contribuer à la prise en charge de toute personne qui se trouve dans l’impossibilité, en raison de sa vulnérabilité ou de l’insuffisance de ses ressources, d’exercer ses droits en justice. A ce titre, il est chargé de mobiliser les ressources nécessaires pour le financement du système d’assistance judiciaire ; contribuer à rendre effectif le droit d’accès à la justice des personnes vulnérables ou dont les ressources sont insuffisantes ; recouvrer les frais de justice engagés dans le cadre de l’assistance judiciaire.

Qui peut bénéficier de l’assistance judiciaire ?

L’article 5 du décret n°2016-185/PRES/PM/MJDHPC/MINEFID du 11 avril 2016 portant organisation de l’assistance judiciaire au Burkina Faso dispose que l’assistance judiciaire est accordée sur demande à toute personne physique de nationalité burkinabè qui se trouve dans l’impossibilité, en raison de son indigence, d’exercer ses droits en justice, soit comme demandeur soit comme défendeur. Sous réserve de réciprocité, toute personne physique de nationalité étrangère, résidant habituellement et régulièrement au Burkina Faso, peut prétendre au bénéfice de l’assistance judiciaire dans les mêmes conditions que les Burkinabè. Ainsi, bénéficient d’office de l’assistance judiciaire à condition d’en faire la demande : les enfants victimes de traite ou en conflit avec la loi, les enfants non assistés et ceux dont les parents sont indigents dans toute procédure les concernant ; les victimes d’actes d’atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle tels les coups et blessures graves, les actes de tortures exercés par des agents de l’Etat dans l’exercice de leur fonction ; les ayants-droit des personnes citées à l’alinéa précédent.

Bénéficient également de l’assistance judiciaire en raison de leur vulnérabilité, les personnes en charge d’enfant mineur dans les procédures de pension alimentaire ou de contribution aux charges du ménage ne disposant d’aucun revenu propre ; le conjoint en charge d’enfant mineur en instance de divorce ne disposant d’aucun revenu propre ; les veuves en charge d’orphelins mineurs ne disposant pas de revenus propres dans les procédures de succession.

Quelle procédure doit suivre toute personne qui veut bénéficier de l’assistance judiciaire ?

Toute personne qui souhaite l’accompagnement du FAJ dans le cadre d’une procédure civile, commerciale, administrative, sociale ou pénale peut, par requête, saisir la Commission d’assistance judiciaire instituée au siège de chaque tribunal de grande instance. La requête écrite et non timbrée est adressée au président de la Commission d’assistance judicaire avant ou pendant l’instance. La requête doit contenir :

  les nom, prénoms, profession, domicile et nationalité du requérant ;
  l’objet du procès à intenter ou à soutenir avec un exposé sommaire des motifs ;
  les nom, prénoms, domicile de la partie adverse ;
  la juridiction saisie ou celle qui doit être saisie de l’affaire ou, s’il s’agit d’un acte conservatoire ou d’un acte d’exécution, le lieu où ils doivent être exécutés avec l’indication des nom, prénoms et adresse de l’agent d’exécution, le cas échéant ;

  les nom, prénoms et adresses de l’avocat, des officiers publics ou ministériels choisis, le cas échéant.
La requête doit en outre être accompagnée d’un certificat d’indigence datant de moins de trois (03) mois délivré par la mairie de la localité ou de tout autre document à même d’établir la précarité de la situation matérielle du requérant.

Outre ces pièces, les étrangers ressortissants des pays accordant la réciprocité aux Burkinabè devront produire un certificat de résidence habituelle au Burkina Faso.

Et quelle suite est réservée au dossier, une fois déposé à la Commission d’assistance judiciaire ?

Une fois le dossier déposé, la Commission d’assistance judiciaire rendra une décision, qui sera communiquée au FAJ. Le FAJ à son tour, saisit le Bâtonnier de l’ordre des avocats, à l’effet de désigner un conseil pour le bénéficiaire de l’assistance judiciaire, si l’assisté sollicite un avocat ; si l’assisté sollicite un huissier de justice, c’est le président de la chambre nationale des huissiers de justice qui est saisi pour désigner l’huissier de justice qui se chargera du dossier ; et si l’assisté sollicite une expertise sanguine ou médicale, c’est l’ordre des médecins qui est saisi, pour exécuter la décision. En rappel, les expertises sont ordonnées par décision judiciaire. Et une fois l’avocat ou l’huissier de justice désigné par le bâtonnier ou le président de la chambre nationale des huissiers de justice, son identité est communiquée au FAJ qui, en retour, saisit la commission d’assistance judiciaire, en vue de sa notification au bénéficiaire. L’avocat ou l’huissier de justice désigné peut aussi entrer en contact directement avec le bénéficiaire. Mais en cas d’urgence, le FAJ peut également informer le bénéficiaire de l’assistance judiciaire.

S’agissant des expertises médicales l’ordre des médecins saisit la structure chargée de réaliser l’expertise, et transmet les résultats au FAJ qui à son tour, les achemine au juge qui a ordonné l’expertise.

Comment se fait la prise en charge des bénéficiaires de l’assistance judiciaire ?

Dans le cadre de l’assistance judiciaire, aucune somme n’est versée au bénéficiaire de l’assistance judiciaire. Les frais exposés dans le cadre de l’assistance judiciaire sont versés aux experts et concernent :
  les frais de mission ;
  les honoraires des avocats ;
  les frais des expertises ( médicale, automobile, immobilière…) ;
  les frais de transport judiciaire ;
  les frais de notification d’acte et d’exécution de décision.

Le bénéfice de l’assistance judiciaire peut être total ou partiel. Dans le premier cas, l’entièreté des frais est prise en charge par le FAJ. Dans le second, une partie fixée dans la décision de la Commission d’assistance judiciaire est payée par le bénéficiaire de l’assistance judiciaire. Il est à noter que l’assistance judiciaire octroyée peut faire l’objet de retrait si les circonstances qui ont conduit à son octroi ont changé en cours de procédure

Quelles sont les sources de financement du FAJ ?

Le FAJ est financé essentiellement par les subventions de l’Etat et par les ressources mises à sa disposition par les organismes, les entreprises, les institutions nationales et internationales ainsi que les partenaires. Il peut aussi recevoir des concours financiers, des dons et des legs, des contributions volontaires provenant des actions ou des initiatives de solidarité et toutes autres ressources autorisées par les textes en vigueur.

Le recouvrement des frais de justice engagés dans le cadre de l’assistance judiciaire participe également à l’autofinancement du Fonds d’assistance judiciaire.

Nous saisissons l’opportunité qui nous est offerte pour exprimer, au nom des bénéficiaires des prestations du FAJ, notre gratitude à l’endroit de nos partenaires. Notre souhait est que ces partenariats se poursuivent et se renforcent pour le bonheur des justiciables démunis ou indigents.

Quel bilan pouvez-vous faire de l’évolution de l’assistance judiciaire au Burkina Faso ?

De 69 personnes bénéficiaires de l’assistance judiciaire en 2016, le FAJ à la date du 21 août 2024 a apporté son concours à plus de 1 036 personnes en situation d’indigence ou de vulnérabilité pour le compte de l’année 2024. Sur la période de référence, le nombre total de bénéficiaires est de 4 902 personnes.

Pour vous qui venez de prendre les rênes du FAJ, quels sont les grands défis auxquels fait face le FAJ et que vous espérez résoudre ?

Avant de parler des défis il me semble tout à fait indiqué d’évoquer les acquis du fonds d’assistance judiciaire. En terme d’acquis il y a le nombre personnes assistées qui se chiffre à ce jour à près de cinq mille (5000). Grâce au concours du FAJ à travers les expertises sanguines (test d’ADN), de nombreux contentieux en recherche de paternité ont été résolus et des personnes en situation de vulnérabilité ou d’indigence ont accès à la justice dans les mêmes conditions que les personnes qui ont les moyens de s’offrir les services d’un avocat.

S’agissant des défis proprement dits, le principal demeure la mobilisation des ressources en vue de la pérennité des actions du FAJ face au nombre sans cesse croissant des bénéficiaires de l’assistance judiciaire. Il nous faut donc accroître la mobilisation des ressources en vue d’accompagner davantage les personnes en situation d’indigence ou de vulnérabilité. C’est en cela que le recouvrement du maximum possible des frais exposés dans le cadre de l’assistance judiciaire peut participer au financement du Fonds.

Le second défi est de veiller à assurer des prestations de qualité au profit des bénéficiaires de l’assistance judiciaire. Le troisième défi est d’assurer une plus grande visibilité du FAJ par la sensibilisation des couches vulnérables de la société sur les prestations offertes.

Enfin, la mise en place d’un cadre de concertation des acteurs et intervenants dans l’assistance judiciaire est indispensable pour une plus grande efficacité et une efficience dans l’exécution des missions.

Qu’en est-il des perspectives ?

Le FAJ aura dix ans d’existence en 2025 et nous comptons commémorer cet évènement en dressant le bilan du chemin parcouru mais aussi et surtout en se projetant sur les années à venir.

Depuis la création du FAJ, la structure est en location alors qu’elle a été attributaire d’un terrain pour la construction de son siège depuis 2020. La construction dudit siège permettra au FAJ de réaliser des économies sur les charges de fonctionnement. De même, il urge de trouver une alternative au problème de financement du Fonds, en vue de lui permettre de faire face aux besoins de plus en plus croissants des justiciables en termes d’assistance judiciaire. Enfin il y a lieu de réfléchir à l’élargissement des bénéficiaires de droit de l’assistance judiciaire. Les personnes déplacées internes (PDI) et les personnes victimes de violences basées sur le genre pourraient en être bénéficiaires.

Un dernier mot ?

Je voudrais exprimer ma gratitude au ministre de la justice et des droits humains, chargé des relations avec les institutions, Garde des sceaux pour la confiance placée en moi en me portant à la tête du Fonds d’assistance judiciaire.

Je tiens également à remercier lefaso.net pour l’occasion qu’il nous offre de parler de l’assistance judiciaire, outil aujourd’hui indispensable qui facilite l’accès à la justice à bon nombre de Burkinabè dans le besoin.
Je voudrais insister sur notre volonté à travailler afin de positionner le FAJ comme une structure de référence en matière d’assistance judiciaire qui remplit les missions qui lui sont assignées, notamment celles de garantir un meilleur accès à la justice à toutes les personnes indigentes et vulnérables au Burkina Faso.

Interview réalisée par Erwan Compaoré
Lefaso.net

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