Procès Vincent Dabilgou : L’ancien ministre des transports condamné à 6 ans de prison ferme et une amende de plus de 3 milliards de FCFA

La Cour d’appel a rendu le délibéré tant attendu du procès de Vincent Dabilgou, ancien ministre en charge des transports, et de plusieurs autres prévenus impliqués dans une affaire de corruption et de détournement de fonds publics. Le verdict a été prononcé ce lundi 26 août 2024. Ce procès, qui a capté l’attention de l’opinion publique burkinabè, symbolise la lutte poursuivie contre la corruption et les crimes économiques dans le pays.
Vincent T. Dabilgou, figure politique de premier plan et président du parti Nouveau temps pour la démocratie (NTD), était accusé, aux côtés de ses coaccusés, de multiples infractions économiques, dont l’enrichissement illicite, le détournement de deniers publics, le blanchiment de capitaux, et le financement occulte de parti politique. Ces accusations s’inscrivent dans le cadre d’une enquête de grande envergure menée par les autorités judiciaires burkinabè pour lutter contre la corruption, fléau qui mine l’économie du pays.
Le procès, marqué par des débats intenses entre les avocats de la défense et le ministère public, a révélé l’ampleur des sommes en jeu et les mécanismes utilisés pour détourner les fonds publics. À la fin des audiences, la Cour avait rendu un jugement qui condamnait les principaux prévenus. Cependant, les avocats de la défense avaient interjeté appel, contestant plusieurs aspects du verdict initial.
Annulation de la condamnation pour enrichissement illicite
Lors de ce délibéré en appel, la Cour a tout d’abord statué sur la recevabilité des appels et des exceptions de nullité soulevées par les avocats des prévenus. La Cour a jugé recevables les appels, ainsi que certaines exceptions de nullité soulevées par les avocats de Vincent Dabilgou et de Minata Coulibaly. Ces exceptions portaient notamment sur les condamnations pour enrichissement illicite et complicité de détournement de deniers publics, impliquant des montants importants.
Vincent Dabilgou a vu son exception acceptée, entraînant l’annulation de sa condamnation pour enrichissement illicite, une décision motivée par la violation du principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement. En revanche, l’exception soulevée par Minata Coulibaly a été jugée mal fondée et donc rejetée.
Le conseil de Jean Gabriel Séré, ancien directeur administratif et financier du ministère des Transports, avait invoqué le bénéfice de l’excuse absolutoire, espérant obtenir un allègement de sa peine. Toutefois, cette exception a été jugée infondée et rejetée par la Cour.
Renvoi des poursuites pour plusieurs prévenus
La Cour a ensuite procédé à l’annulation partielle du jugement attaqué. Plusieurs prévenus ont été renvoyés des poursuites pour des infractions jugées non constituées. Vincent Dabilgou, initialement accusé de blanchiment de capitaux et de financement occulte de parti politique, a été acquitté de ces chefs d’accusation.
L’ancien directeur général de la Société nationale du patrimoine ferroviaire, Malick Kouanda, accusé de complicité de détournement de deniers publics et de financement occulte de parti politique, a également été renvoyé des poursuites pour insuffisance de preuves, bénéficiant ainsi du doute.
Accusé de recel, Alhoussaini W. Ouédraogo et Minata Coulibaly, accusée de complicité de détournement de deniers publics, ont également été renvoyés des poursuites. La Cour ayant jugé que les infractions n’étaient pas suffisamment constituées.
Des condamnations maintenues
Malgré les annulations de certaines accusations, la Cour a confirmé la condamnation des prévenus. Vincent Dabilgou a été condamné à onze ans de prison, dont six ans ferme, et à une amende ferme de 3 175 858 462 francs CFA. Cette condamnation pour détournement de fonds publics et corruption, ilustre la gravité des faits reprochés à l’ancien ministre, au regard des préjudices causés à l’État.
Ousmane Sigué et Malick Kouanda, quant à eux, écopent chacun de neuf ans de prison, dont quatre ans ferme, et d’amendes fermes respectivement de 395 106 384 et de 308 700 000 francs CFA. Leurs condamnations viennent confirmer leur implication dans le détournement de fonds publics.
Suspension du NTD et confiscation des biens
En plus des condamnations individuelles, le parti politique de Vincent Dabilgou, le Nouveau temps pour la démocratie (NTD), a été sanctionné. La Cour a ordonné la suspension de toute activité politique du NTD pour une période de cinq ans.
En répression, la Cour a également ordonné la confiscation des biens meubles et immeubles de Jean Gabriel Séré, Ousmane Sigué, Vincent Dabilgou, et Malick Kouanda, à hauteur des sommes détournées. Cette mesure vise à récupérer une partie des fonds publics soustraits par les prévenus.
En ce qui concerne les parties civiles, la constitution de l’État burkinabè a été jugée recevable mais mal fondée, et a donc été rejetée. Cependant, la constitution de partie civile du Réseau national de lutte anticorruption (RENLAC) a été jugée bien fondée. La Cour a condamné solidairement Vincent Dabilgou, Jean Gabriel Séré, Ousmane Sigué, Malick Kouanda, ainsi que le NTD, à verser trois millions de francs CFA au RENLAC pour les frais engagés.
Hamed Nanéma
Lefaso.net