Boulevard Tensoba à Ouagadougou : Des commerces en déclin et des habitations inondées en saison hivernale

En 2019, le lancement des travaux d’aménagement du boulevard Tensoba à Ouagadougou avait suscité l’espoir parmi les riverains. Deux ans après, en 2021, cette route a été livrée flambant neuve au bonheur des usagers. Mais, du côté des commerces et des habitations, ce n’est pas le même sentiment.
Assise sous une ombrière, Safiatou Congo se tourne les pouces. Il est à peine 10 h du matin ce jeudi 22 août 2024, mais elle n’a aucun client au comptoir. Safiatou a installé, il y a plusieurs années, devant la porte de son domicile, sur le flanc droit du boulevard de Tensoba en direction de l’hôpital pédiatrique Charles de Gaulles, son kiosque à café. Elle nous fait comprendre que le scénario est le même tous les jours depuis que la route a été réhabilitée.
En dehors de quelques fidèles clients et des amateurs de pain, le kiosque de dame Congo est au point mort. “ Sincèrement ça ne marche pas !”, nous lance t-elle d’un air débité. La hauteur de la voie, couplée à l’absence d’intersection décourage les clients qui ne souhaitent pas faire de détour, indique la vendeuse qui est également une habitante de la zone.
L’agonie des commerces
L’absence de clientèle n’est pas la seule conséquence de la route. Il y a également les inondations. Le voisin de Safiatou qui faisait de la soudure, a mis la clé sous le paillasson après les premières pluies. “L’eau a détruit une bonne partie du matériel du voisin et il a dû trouver un autre atelier. Comme j’habite en même temps ici c’est pourquoi je me débrouille toujours pour rester” explique-t-elle. De part et d’autre du boulevard, les boutiques fermées se comptent par dizaines.

A quelques mètres du kiosque de dame Congo, Béatrice Bambara/Nassouri nous fait savoir que les bailleurs dans cet alignement peinent à trouver des locataires. “Coiffeuse depuis 2013, elle a vu son chiffre d’affaires baisser considérablement depuis le réaménagement de la route. “Mes clientes me disent que c’est difficile de tourner loin pour revenir au salon. Donc, beaucoup ne viennent plus. En plus en saison pluvieuse nous souffrons. Avec mes voisins, nous avons construit un petit mur pour contrer l’eau mais ça n’a rien changé” énumère Béatrice Bambara/Nassouri qui nous présente des vidéos de son salon complètement inondé après une pluie. Pendant notre entretien, un de ses voisins, Issaka, s’intéresse à notre présence. Après avoir pris connaissance du sujet, l’homme renchérit en nous disant que son business ne s’est jamais autant mal porté en 20 ans de présence sur ce boulevard. “ Avant je pouvais recevoir une vingtaine de personnes par jour. Mais aujourd’hui, je coiffe moins de huit personnes par jour, surtout avec la boue qu’il y a”, ajoute-t-il.
La situation des commerçants paraît être la même. Sur l’alignement qui mène à la maison de la femme en venant du site du SIAO, de nombreux propriétaires sont au bord du désespoir. “On perd plus qu’on ne gagne. Certains voisins ont déjà fermé, ils n’ont pas eu d’autre choix,” déclare un vendeur de pièces détachées, l’inquiétude palpable dans sa voix. Ce dernier pointe du doigt l’absence de canaux pour drainer les eaux.
Un aménagement qui semble exclure les commerces de proximité
À première vue, l’aménagement du boulevard Tensoba laisse peu de place à l’installation de commerces de proximité. La hauteur de la route et son format semblent indiquer que cette voie est avant tout destinée à une circulation fluide et rapide, sans considération pour les activités commerciales en bordure. Pourtant, les commerçants qui s’y sont implantés ne l’entendent pas de cette oreille. “Nous avons choisi cet emplacement en pensant que la route attirerait davantage de clients, mais au lieu de cela, nous devons faire face à des inondations qui nous empêchent de travailler correctement,” explique le gérant d’une cave. Pour lui, c’est uniquement le weekend qu’il y a un peu d’affluence. “Voyez vous-même, il est midi, nous proposons à manger mais il n’y a personne” ajoute t-il. Il déplore que les techniciens de la route n’aient pas tenu compte de tout ce qu’il y a autour comme commerces pendant les travaux.
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Un impact sur les riverains
Les habitants du quartier vivent dans l’angoisse à chaque saison des pluies. “À chaque pluie, c’est le même problème. L’eau s’infiltre dans nos maisons, détruisant nos meubles et créant de l’humidité constamment,” témoigne Mariam, qui décortique des arachides devant sa porte. Traverser la route aussi est un casse-tête pour elle à cause de sa hauteur. “ Chaque fois, il faut faire le grand tour parce que notre maison est éloignée d’une intersection. A pied aussi pour nous qui sommes d’un certain âge, c’est pénible”, a dit Mariam qui ne semble pas s’habituer au format de la route. Elle nous montre un tas de planches en bois que son mari a dû poser comme paliers pour monter sur la route à pied.
Face à ces défis, les riverains et surtout les commerçants appellent les autorités à revoir certains points de l’aménagement du boulevard. “On sait qu’on ne peut changer quelque chose mais il faut des ponts à certains endroits. Sinon pendant l’hivernage les inondations vont de mal en pis. Il est urgent de trouver des solutions pour stopper ces inondations car nous risquons de tous fermer”, s’inquiète Issaka. Pour une facile accessibilité à leur domicile, les riverains proposent d’ouvrir des intersections sur la voie. “ S’il est possible de faire au moins des paliers pour faciliter l’accès à nos ateliers, ça va nous aider” ajoute Béatrice Bambara/Nassouri.
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Farida Thiombiano
Lefaso.net