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Démocratie et bonne gouvernance : Plaidoyer pour une spécificité africaine

Publié le samedi 25 mars 2006 à 08h18min

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Idriss Déby Itno

Tchad, Gambie : Deux tentatives de coups d’Etat en moins d’une semaine. Pourtant nous pensions que l’ère des coups d’Etat était révolue en Afrique. Il faut croire que non ! On avait pris le discours de La Baule comme la panacée aux problèmes de gouvernance démocratique en Afrique.

L’ancienne puissance coloniale, par la voix du président Mitterrand, avait pensé qu’il suffisait de claquer des doigts et de la langue pour que les dirigeants africains se mettent à réformer efficacement leurs Etats et sur le modèle qui s’imposait à eux. Erreur ! En effet, comment ouvrir sans déchirement des systèmes politiques longtemps hermétiques ? Comment "mettre du vin nouveau dans de vieilles outres" sans craindre les effets de la fermentation ?

Pourtant c’est ce que l’on a fait. La démocratie au forceps n’a pas seulement fait exploser l’unité des fragiles Etats du continent : Libéria, Sierra-Léone, Côte d’Ivoire, les deux Congo... et l’on passe sous silence les cas rwandais, burundais ou zimbabwéens. Si la plupart de ces Etats retrouvent un certain équilibre, précaire du reste, les causes qui les ont conduit dans le charivari, demeurent.

Certes, il y a des exceptions encourageantes au Bénin, au Burkina, au Cap-Vert, etc, qui donnent à espérer que le processus est comme une mayonnaise qui met du temps à prendre. Et là se pose une autre question : les populations africaines ont-elles la patience de donner du temps au temps mais surtout de croire à la démocratie et à ses valeurs universelles ?

En vérité les théories de Montesquieu et de Jean-Jacques Rousseau sur des droits civiques égaux pour tous les citoyens, la séparation des pouvoirs restent des vœux pieux dans bien de pays du Sud et particulièrement africains. On en arrive à poser la question de la nécessaire distinction entre la soif réelle de la démocratie en Afrique et les conditionnalités difficiles que les pays du Nord imposent aux politiques africains dans la gestion du processus d’ouverture et de maturation politique.

Il n’y a pas longtemps, un groupe d’élèves d’un grand lycée de la place est venu nous soumettre à la réflexion un thème d’exposé que leur avait commis leur professeur de langue française : Démocratie en Afrique : Privatisation des pays du Sud par les pays occidentaux ? Au-delà de la confusion entre pays africains et pays du Sud, c’est l’interpellation sur le fait qu’une ouverture politique de type démocratique et pluraliste puisse conduire à la perte de la souveraineté en Afrique qui est surtout remarquable dans le sujet.

Malheureusement les faits existent qui confortent cette interpellation. Outre les déchirements internes des Etats précédemment cités, on peut donner l’exemple tchadien et son pétrole, le cas ivoirien et son cacao, la Somalie désintégrée, le Soudan et sa difficile réconciliation nationale. Réconciliation nationale ! Le mot est lâché.

Voilà bientôt cinq ans que le Burkina a fait le pari courageux de se regarder dans le miroir de son histoire post coloniale pour poser les jalons d’une intégration nationale sans rancœurs ni fioritures. C’est le bon choix qui a été ainsi fait et les multiples contre-exemples africains, jusqu’à nos frontières devraient nous rappeler que la Journée nationale de pardon (JNP) ne doit pas être une météorite dans le ciel de l’histoire nationale.

Bien au contraire, elle nous rappelle que chaque peuple doit trouver des ressorts internes pour s’ouvrir à la véritable tolérance, gage d’un processus démocratique porteur de fruits.

Djibril TOURE

L’Hebdo

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