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5 août 1960 : Maurice Yameogo proclame solennellement l’indépendance de la Haute-Volta

Publié le lundi 5 août 2024 à 22h09min

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5 août 1960 : Maurice Yameogo proclame solennellement l’indépendance de la Haute-Volta

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Le pays que l’on appelle actuellement Burkina Faso a d’abord été une ancienne colonie française nommée Haute-Volta et créée depuis 1919 par les administrateurs coloniaux, suite à la crise de la gestion du territoire du Haut-Sénégal-Niger. En 1932, la Haute-Volta fut démantelée et partagée entre le Mali, la Côte d’Ivoire et le Niger. Elle fut reconstituée dans ses limites territoriales en 1947. Le 11 décembre 1958, la Haute- Volta opte pour le statut de la république autonome, toujours membre de la communauté franco-africaine, avant que le colonisateur ne décide de lui octroyer son indépendance le 5 août 1960, dont sa proclamation officielle fut faite par Maurice Yaméogo, premier président de la Haute-Volta indépendante. Dans notre chronique, nous reviendrons sur la date historique du 5 août et les difficultés du jeune État voltaïque à assumer son indépendance.

« Aujourd’hui, 5 août 1960, à zéro heure, au nom du droit naturel de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, je proclame solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta. » Ces propos de Maurice Yaméogo sont proclamés sur les ondes de la radio nationale le 5 août 1960, tel un artiste-chanteur avec une voix mélodieuse des plus belles, laissant voir un homme tout à fait heureux et fier de réaliser ce qui constitue le désir de tout État : son droit de disposer de lui-même. Par ce geste qu’il a solennellement exprimé à la radio ce jour, il permettait au pays de disposer de sa souveraineté nationale et internationale et de son droit à l’autodétermination.

L’avènement de Maurice Yaméogo à la tête du jeune État n’a pas été un fait du hasard et fut le produit de tensions politiques entre partis politiques, chefferie mossi et administration coloniale. En effet, étant à la tête de l’État et du gouvernement depuis le 9 décembre 1959 suite à la mort de Daniel Ouezzin Coulibaly, le président Maurice Yaméogo est reporté au pouvoir en décembre 1960 par une Assemblée nationale contrôlée par le Rassemblement démocratique africain (RDA), parti unique, contre les monarchistes qui s’étaient mobilisés sous le leadership du Moogho Naaba Kougri pour réclamer une monarchie constitutionnelle.

Péripéties d’une indépendance ambigüe

Les Voltaïques n’étaient pas prêts pour l’indépendance et beaucoup d’élites manifestaient le désir de rester avec la métropole pour se construire patiemment. Surtout que le pays ne disposait pas de cadres, l’indépendance immédiate était conçue comme quelque chose qui lui serait nuisible. Ainsi, Ouezzin Coulibaly mettait en garde les Voltaïques lors du référendum de 1958 pour un "Non" qui donnerait immédiatement l’indépendance à la Haute-Volta. Nazi Boni, quant à lui, redoutait une sentence du colon qui pouvait aller jusqu’à l’élimination. Quant à Maurice Yaméogo, il déclarait ceci devant le cercle de Koudougou : « Il y a des gens qui osent demander l’indépendance. Nous ne savons même pas fabriquer une boîte d’allumettes et ils veulent qu’on soit indépendants. Ce sont des illuminés. Nous du RDA, nous n’avons que faire de l’indépendance. » Ainsi, l’ensemble de la Haute-Volta votait le "Oui" et restait dans la communauté française en 1958.

Mais le général Charles de Gaulle s’était empêtré dans des guerres en Algérie et en Indochine et craignait la même chose dans les autres colonies. Ainsi, il décida de ne plus attendre et préparait les indépendances de "ses" colonies. L’année 1960 a été celle des indépendances dans l’Afrique occidentale française. La Haute-Volta prit son indépendance le 5 août 1960.

La manière dont la Haute-Volta a accédé à son indépendance le 5 août 1960 n’était pas du goût de tous les Voltaïques. Si certains ont exprimé leur joie et ont jubilé ce jour, d’autres, en revanche, trouvaient qu’il s’agit d’indépendances fabriquées de toutes pièces par le colonisateur pour maintenir la Haute-Volta dans le pré-carré français. Les dates de l’accession aux indépendances, choisies selon les caprices du colon (pour le Bénin le 1er août, le Niger le 3, la Haute-Volta le 5 et la Côte d’Ivoire le 7) ne laissent pas indifférent. La Constitution que Maurice Yaméogo a proposée au jeune État manque d’originalité et se présente comme la copie conforme de la Ve République française. Le nouvel hymne national, « La fière Volta », reflète peu les réalités du pays et sonne comme la Marseillaise. Le nouveau drapeau dont le nouvel État venait de se doter symbolise peu la Haute-Volta. Les insignes de l’armée sont restés intactes et reprenaient exactement ceux de l’armée française, et tout cela corrobore les propos de Sangoulé Lamizana qui se demandait après sa prise du pouvoir si les fils et filles de la Haute-Volta manquaient d’imagination et de génie propres.

Mais Maurice Yaméogo a assumé d’une part l’indépendance réelle de la Haute-Volta. Il a entrepris des actes qui ont montré que le nouvel État était souverain. En effet, malgré la pression de la métropole, il a refusé de signer les accords de défense et a demandé immédiatement le départ des bases françaises stationnées à Bobo-Dioulasso. Il a aussi déclaré persona non grata le capitaine Michel Dorange, ministre interne d’alors de la Haute-Volta.

Tout compte fait, l’accession du pays à l’indépendance, même si elle a été ambigüe, demeure une date historique inscrite dans les annales de l’histoire. Nazi Boni, malgré sa déception quant à la manière dont l’indépendance a été proclamée, déclarait : « L’indépendance imposée au gouvernement par le peuple (et) par l’opposition et littéralement offerte par la France sera proclamée par ceux qui en sont les ennemis les plus acharnés qui, aujourd’hui comme demain, sont prêts à la saboter. C’est le paradoxe de la vie. C’est la comédie humaine. Mais, quelle que soit la forme revêtue par notre accession à la souveraineté internationale, celle-ci constitue un fait positif dont nous devons nous réjouir… ».

Wendkouni Bertrand Ouédraogo
Lefaso.net

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