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Culture maraîchaire à Ouahigouya : Les producteurs entre satisfaction et inquiétudes

Publié le vendredi 24 mars 2006 à 08h07min

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Une bonne partie de la population de Ouahigouya s’adonne à l’activité maraîchère. Sur le terrain, quelques rares privilégiés s’en tirent à bon compte. D’autres, par contre, vivent des situations peu enviables : problème de commercialisation, insuffisance d’eau et d’intrants, moyens dérisoires de production.

Mardi 21 mars 2006. Il est 10 heures ; la cinquantaine bien sonnée, Mamadou Ouédraogo, ses deux arrosoirs entre les mains, multiplie les va-et-vient à grandes enjambées entre le puits et ses planches de choux et d’oignons. Avec une énergie de jeune de 25 ans, il n’a pas le temps à perdre. "Je suis pressé, le soleil commence à monter, il faut que je termine l’arrosage sinon ce ne pas bon pour les produits", nous lance-t-il.

Comme beaucoup d’autres producteurs, ce dernier travaille sur un site à côté du barrage "Kanazoé" à la sortie de la ville (route Ouahigouya-Mali secteur 14). A côté de lui, s’affaire Harouna Ouédraogo. Ils ont à peu près le même âge. Ils ont tous les deux hérité leurs terrains de leurs papas décédés. Les deux producteurs disent travailler pour leur propre compte et ne sont affiliés à aucune structure.

"Avant, nous avons formé des groupements et nous travaillions avec le soutien des groupements Naam, nous sommes délaissés aujourd’hui, nous nous débrouillons comme nous pouvons. A mon âge, ce n’est pas facile de tenir les arrosoirs", lâche, pensif, Harouna Ouédraogo. Ils se souviennent des bons rapports qu’ils entretenaient avec les groupements Naam. "A cette époque, disent-ils, c’est l’ONG qui s’occupait de tout. Elle livrait les semences, les intrants, et s’occupait de la commercialisation.

A la fin des travaux, l’ONG récupérait le capital investi, et le reste revenait aux producteurs. C’était mieux que maintenant. Même ces puits que nous utilisons présentement ont été creusés par les groupements Naam", renchérit Mamadou Ouédraogo. "Avant, il y avait plus de 70 personnes qui travaillaient ici, maintenant nous ne dépassons pas 35, les conditions sont devenues dures et beaucoup ont abandonné", ajoute-t-il.

Cependant, à écouter les producteurs, les affaires sont intéressantes cette année. Chacun avoue avoir écoulé sa production, sa pomme de terre avec en moyenne un chiffre d’affaires de 400 000 F à 500 000 FCFA. "Nous remercions le bon Dieu, cette année ce qu’on a gagné est assez bon, d’ici là, nous récolterons sans problème les choux et les oignons", déclare Harouna Ouédraogo, sourire aux lèvres.

La culture des tomates, ils ne veulent pas en entendre parler. "L’année dernière, il n’y a pas eu d’acheteurs, toutes nos productions de tomates ont pourri sous nos yeux. Chacun a perdu 150 000 FCFA à 200 000 FCFA. Nous nous méfions maintenant de la tomate", confie Mamadou Ouédraogo. Les producteurs reconnaissent unanimement s’en tirer chaque année avec quelque chose quelles que soient l’année et les conditions. "Depuis que nous travaillons, nous arrivons à subvenir à nos petits besoins : inscription des enfants à l’école, petites charges familiales", reconnaît l’un d’entre eux. Mais, disent-ils, ils n’arrivent pas à faire des économies à cause de l’étendue des familles à entretenir.

Résultat, au début de chaque saison, c’est la croix et la bannière pour se procurer les semences. Les travailleurs montrent une grande inquiétude pour l’avenir à cause de l’irrégularité des pluies ces dernières années. "Nous risquons tous d’abandonner un jour. Qu’allons-nous faire s’il n’y a pas d’eau ? il faut qu’on nous aide avec des motopompes et des forages", implore Mamadou Ouédraogo.

Complicité entre producteurs et vendeuses

La majorité des producteurs livrent leurs produits aux vendeuses locales. Certaines reviennent rembourser l’argent après la vente, "et quelques fois les acheteurs viennent acheter en gros nos productions pour les revendre à Ouagadougou. Avec eux on gagne une somme consistante. Nous les préférons aux femmes qui reviennent souvent nous dire qu’elles sont en faillite", souligne un des producteurs.

A Ouahigouya, certaines femmes ont fait du commerce de légumes leur principale activité. C’est le cas d’Haguiratou Ouédraogo, vendeuse au marché Naab-Raga depuis 15 ans. Chaque matin, dit-elle, c’est à partir de 6 heures qu’elle se pointe au marché pour recevoir ses commandes. Quand ça marche, elle vend par jour pour 4 000 F à 6 000 F avec un bénéficie de 1 000 F/jour.

Ces dernières années, regrette-t-elle, les producteurs préfèrent vendre leurs produits à Ouagadougou, ce qui provoque la rareté et la cherté des produits sur le marché local. Quand il y a surabondance, les prix sont bas et on ne peut pas se procurer de bénéfice. "Nous avons souvent des problèmes avec les producteurs parce que quand il y a des grands convois à Ouagadougou, nous avons des problèmes pour fixer les prix des marchandises que nous avons prises avant, les clients ne comprennent pas, ils nous accusent d’augmenter les prix d’un jour à l’autre", commente une des voisines d’Haguiratou Ouédraogo.

Mamou Sawadogo, sous la tutelle de sa mère, est spécialisée dans la vente de pomme de terre et d’oignon. Sa boutique, située en face de la place de la Nation, est remplie de pomme de terre. Selon elle, elle commence timidement la vente vers décembre-janvier. A ce moment, le kg coûte 400 F. C’est vers février-mars que la vente s’intensifie, et le kg varie entre 175 F et 200 FCFA. Sur chaque kg vendu, dit-elle, elle escompte 25 F de bénéfice.

"Quand ça marche, je vends une tonne par jour, avec un chiffre d’affaires de 200 000 F/jour" confie-t-elle. Actuellement, la production de la pomme de terre est finie à Ouahigouya, elle se ravitaille donc à Titao à 180 F le kg pour le revendre à 225 F. Après Titao, elle se tourne vers les groupements, vers mai-juin. Chose curieuse, vers le mois d’août, les vendeuses de Ouahigouya se tournent vers la capitale.

A ce moment le kg est revendu entre 500 F et 600 F à Ouahigouya. Un luxe pour beaucoup de consommateurs. Alors, Mamou ferme sa boutique, rejoint le marché de Naab-Raga, où elle allie le commerce de la pomme de terre à celui des patates, des choux et de l’oignon.

A la conquête du marché extérieur

Si la majorité des producteurs caracolent dans la débrouillardise, certains font de cette activité de l’agrobusiness. El hadj Salam docteur Ouédraogo dit Docteur fait partie de ceux-là qu’on pourrait surnommer les "gourous" des activités maraîchères à Ouahigouya. Infirmier spécialiste en ophtalmologie à la retraite, l’homme s’est jeté corps et âme dans la production maraîchère.

Président de l’Association des maraîchers du Yatenga, il fait partie des rares producteurs qui maîtrisent les techniques culturales et les voies de commercialisation. "J’ai beaucoup appris auprès de mes devanciers. De plus, j’ai voyagé en Europe pour y comprendre les conditions de production, en Côte d’Ivoire pour savoir davantage sur le circuit de commercialisation... J’ai acquis une somme de connaissance et c’est ce qui explique mon ouverture d’esprit par rapport aux autres", explique-t-il.

Selon lui, la production maraîchère est l’alternative la plus porteuse pour la population du Yatenga : "l’activité maraîchère pourrait constituer une alternative dans la lutte contre la pauvreté dans la province du Yatenga", pense-t-il. En effet, selon une récente étude sur la production maraîchère dans la région du Nord faite par l’Observatoire pilote régional dans le cadre du Projet d’appui au renforcement de la gouvernance économique (PRGE), le Yatenga produit plus de la moitié de la production régionale 64,83%.

Toujours selon l’étude, pour la campagne 2004-2005, sur une production de 8884,74 tonnes, 6590, 45 tonnes ont été commercialisées, soit 74,2% de la production totale, procurant aux producteurs 1 361 279 939 FCFA, soit un revenu moyen de 466 351 FCFA (cinq fois au-dessus du seuil de pauvreté, estimé en 2003 au Burkina Faso à 82 672 FCFA.

Emery Albert Ouédraogo

Observateur Paalga

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