Burkina : Un centre universitaire jésuite au chevet des femmes accusées de « sorcellerie » du centre Delwendé
Après avoir exprimé leur solidarité à l’endroit des Personnes déplacées internes (PDI) à Pabré le 31 mai 2024, le Centre de counseling professionnel et de pastorale clinique (COPAC) a été au chevet des femmes accusées de sorcellerie du centre Delwendé à Sakoula, le 4 juin 2024. Cette visite du COPAC a consisté à apporter un soutien psychologique à ces femmes.
Au nombre de 170, ces femmes hébergées par le centre Delwendé à Sakoula, à la périphérie de Ouagadougou, ont été chassées de leurs villages pour des raisons de sorcellerie. Sur les visages de ces femmes dont plus de la majorité sont visiblement du troisième âge, se lit la tristesse, la peur et le sentiment d’injustice et d’abandon. Elles, ce sont les plus chanceuses qui ont trouvé refuge dans ce centre, contrairement à d’autres qui n’ont pas pu résister à cette humiliation et au choc psychologique que cela a engendré. Ces dernières ont préféré se suicider, selon les premiers responsables du centre.
Après le briefing des responsables du centre, le directeur du COPAC, le Père Jean Messingué, visiblement choqué par les circonstances d’ostracisation des femmes, a tenté d’apporter du réconfort avant les temps d’échanges. « Quitter vos villages, vos enfants pour venir ici, nous savons que c’est très douloureux. Nous savons que beaucoup de femmes souffrent de cette exclusion et c’est injuste. C’est pour cela que nous devons nous organiser pour chercher des solutions à l’exclusion des femmes et pour votre retour », a t-il dit. « Nous pouvons mettre fin à l’exclusion des femmes », a t-il ajouté, arrachant des sourires sur les visages ridées de ces femmes accusées d’être des « mangeuses d’âmes ».
Cette approche annonçant l’espoir a eu le mérite d’apporter la confiance au sein des femmes. Reparties en petits groupes avec le personnel du COPAC, ces femmes ostracisées n’ont pas fait l’économie des propos ; elles ont partagé leurs histoires. Ce temps d’écoute et d’échanges a permis aux pensionnaires du centre Delwendé d’exprimer leurs sentiments mais aussi de proposer des stratégies afin de mettre fin à ce phénomène au Burkina Faso. La sensibilisation, c’est la seule arme qui permettra de lutter contre ce phénomène, selon la plupart des femmes.
Pour le directeur du COPAC, l’objectif de cette activité est d’apporter un soutien psychologique à ces femmes et de les consulter sur les stratégies . « Nous avons initié une formation depuis trois jours en accompagnement des personnes vulnérables. Notre visite est une manière de mettre en contact nos apprenants avec ces personnes vulnérables, d’expérimenter les outils qui ont été proposés pendant la formation et de comprendre en particulier ce phénomène social d’exclusion des femmes », a t-il expliqué.
L’exclusion des femmes, déplore t-il, est un phénomène qui persiste au Burkina. « Nous leur disons que rien n’est impossible à Dieu et que cette exclusion peut prendre fin. Nous avons besoin d’agir. Nous allons mettre à profit ce qu’elles ont partagé avec nous en vue d’une action de grande envergure l’année prochaine » , a t-il conclu.
Soeur Muleya Vickness est la responsable du centre Delwendé de Sakoula depuis cinq ans. Pour cette Zambienne à qui la responsabilité du centre a été confiée, le geste du COPAC est un grand soulagement pour les femmes qui ont pu exprimer leur sentiment. « Nous sommes contentes et reconnaissantes à l’endroit des bienfaiteurs qui pensent à nous. Nous sommes très reconnaissantes pour leur soutien moral et matériel », a t-elle affirmé.
Originaire de Yako, dans le Passoré, Julienne Bogoré est dans le centre Delwendé depuis dix ans. Comme les autres pensionnaires du centre, elle a été chassée de son village après le décès d’une personne dont on l’accuse d’être la cause. Elle a salué le geste du COPAC qui, de son avis, est très réconfortant. « Je salue le COPAC pour ce qu’ils ont posé comme geste. Notre joie est grande parce que nous avons vu nos enfants. Que Dieu les bénisse », a t-elle laissé entendre.
En plus du soutien moral, le COPAC a apporté des vivres composés de trois sacs de riz, d’un sac de maïs, d’un bidon d’huile et d’un carton de savons. L’activité a été marquée par une célébration eucharistique.
Serge Ika Ki
Lefaso.net