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Larlé Naaba Tigré : “La culture vaut plus que le pétrole”

Publié le jeudi 16 mars 2006 à 07h48min

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Le Larlé Naaba Tigré

Petit-fils du célèbre Larlé Naaba Ambga (la panthère), l’actuel occupant du fauteuil Larlé Naaba Tigré, reste à l’image de son illustre Grand-père : il a la culture dans la peau et le sang. Nous sommes allés à sa rencontre pour mieux le découvrir.

Peut-on dire que votre amour pour la culture et les arts est né de par votre grand-père, Larlé Naaba Ambga ?

Larlé Naaba Tigré (LNT) : Mon attachement à la culture et aux arts est un devoir, tout chef traditionnel est dépositaire de la culture, des us et coutumes de son peuple. Si l’on conjugue cela avec l’engagement qu’a eu mon grand-père de travailler pour la résurgence, pour la promotion de notre culture, je me devais de tracer, sinon préserver ce sillon de cet engagement. Parce que je n’ai eu de cesse de faire que la culture burkinabè soit d’abord comme les Burkinabè eux-mêmes et ensuite le désir qu’on puisse transporter cette culture à l’extérieur du pays.

Mon engagement et mon attachement à travailler pour l’épanouissement de la culture burkinabè se poursuivront, tant que j’aurai un petit souffle de vie. Car c’est un devoir primordial parce que la force d’un peuple se situe essentiellement au niveau de sa culture, toute autre force en dehors de celle-ci est éphémère. Quant vous tirez vos forces de la culture vous pouvez être rassurés qu’elle est une puissance.

Avez-vous des contacts avec les jeunes artistes pour boire à la bonne source culturelle comme ce fut le cas pour feu votre grand-père ?

LNT : Des artistes modernes comme traditionnels viennent me voir et je suis parrain de certains d’entre eux. Ils viennent s’entretenir avec moi, des sujets qu’ils veulent traiter et j’essaie de leur donner le maximum d’informations avec l’aide des sages de ma cour qui sont pétris de notre culture. C’est important d’échanger avec les artistes musiciens par ce qu’ils sont aussi le véhicule de notre culture, de nos traditions. Toute culture, toute tradition, toute histoire qui n’est pas transmise de génération en génération soit par l’oralité, soit par l’écrit, l’audio-visuel est appelée à disparaître. C’est un devoir impérieux pour tout homme de laisser des traces de son temps.

Est-ce pour cela que vous avez organisé un espace de promotion des mets burkinabè ?

LNT : C’est une des multiples facettes de mes actions culturelles. L’espace créé est jeune mais déjà il promet. Il y a 200 places mais chaque fois elles s’avèrent insuffisantes tant il y a de l’engouement. C’est la preuve que les Burkinabè aiment leur culture. Les étrangers aussi y viennent nombreux pour s’imprégner de la gastronomie traditionnelle burkinabè et savourer les airs de musique typiquement burkinabè.

Vous êtes intellectuel et chef traditionnel, envisagez-vous écrire un livre sur le modernisme et la tradition ?

LNT : J’ai des manuscrits sur la question et sur d’autres sujets. En temps opportun, je les mettrai au service des populations.

Sur quoi portent les autres sujets ?

LNT : Je n’ai pas envie de dévoiler le secret. Je garde en suspens. J’ai abordé plusieurs thèmes, vous n’êtes pas sans savoir que je suis acteur dans plusieurs domaines.

Est-ce que vous manipulez l’ordinateur ?

LNT : On aime dire que les analphabètes de demain seront ceux qui resteront en marge des Nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour ne pas être dans ce lot, je me suis à l’école de l’ordinateur. Mes nombreuses occupations ne m’ont pas permis très tôt de le maîtriser mais j’ai pris le train et ça va aller.

L’un des moments forts avec feu votre grand-père était « les contes du Larlé », vous poursuivez l’œuvre, quelles leçons en tirer ?

LNT : Mon grand-père fut celui qui avant les indépendances avait pour souci la sauve-garde de nos valeurs essentielles. A ce titre, il a créé les « contes du Larlé » avant même la création de la Radio nationale. En 1961, quand fut créée Radio Haute-Volta, il a eu un espace radiophonique pour diffuser les contes. A travers cet art vivant, on sensibilise, éduque sur les valeurs comme le courage, l’humilité, la solidarité, l’hospitalité...Mon père le Larlé Naaba Belemwendé a joué sa partition dans cette action éducative et à mon tour, je perpétue l’action.

A travers les contes on peut faire beaucoup de choses, c’est comme une école de la vie ce sont des esprits philosophiques qui sont traduits au travers des contes ; ils ont une valeur incommensurable. Ils sont nécessaires, utiles aujourd’hui et demain dans le paysage culturel burkinabè. Ce serait une grave erreur que de les délaisser.

On dit que le Burkina n’a pas de pétrole, mais a la culture qu’en dites-vous ?

LNT : Aujourd’hui on peut dire qu’on ne voit pas une extraction de pétrole au Burkina Faso. Mais la culture vaut plus que le pétrole, car elle est intarissable ce qui n’est pas le cas du pétrole. Ceux qui disent que la culture est une valeur, une richesse n’ont pas tort ; elle est la meilleure des richesses. La force et la puissance du peuple ; donc elle est meilleure que le pétrole.

Pouvez-vous lever un coin de voile sur la guitare de Tenga, et cet air langoureux ?

LNT : La guitare de Tenga est plus ancienne que moi. Tenga était l’ami de mon grand-père, ils ont appris à jouer la guitare ensemble. La guitare de Tenga a été comme quand la radio a commencé à jouer ses airs. La guitare de Tenga retrace l’histoire de toute la vie de mon grand-père, Larlé Naaba Ambga.

Qu’est-ce qu’on y dit ?

LNT : La guitare de Tenga n’est pas seulement du patrimoine culturel de mon grand-père. Il y a le son et aussi des mots dans cette musique qu’on ne saurait traduire. La guitare de Tenga va au-delà de l’air musical apprécié, elle a eu une grande profondeur.

Est-ce que vous jouez un instrument ?

LNT : Kourita le guitariste qui a été entraîné par mon grand-père m’entraîne à jouer à la guitare. Je maîtrise quelques notes. Si je ne peux pas être un excellent guitariste comme mon grand-père, il faut au moins que je puisse reprendre ce qu’il a fait.

Quels conseils donnerez-vous aux jeunes artistes musiciens ?

LNT : Il faut d’abord faire la musique qui nous plait et être le meilleur dans le domaine. Au mieux, utiliser une langue nationale du pays. Quand on parle sa langue, cela a un pesant d’or de sa culture, par rapport à une langue qu’on ne maîtrise pas. C’est même du mimétisme et c’est sans avenir.

Par Issa SANOGO
L’Opinion

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