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France : Le C.P.E “flingué” de Villepin

Publié le lundi 13 mars 2006 à 08h15min

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Dominique de Villepin (Ph. AFP)

Depuis bientôt un mois, la France est en proie à une fronde sociale qui est en train de prendre des allures de mai 68 avec les manifestations estudiantines du week-end écoulé et la semaine sociale et syndicale décretée à partir de ce matin même.

En cause, le Contrat première embauche (CPE) concocté par le Premier ministre, Dominique De Villepin pour faire face au chômage des jeunes et que la majorité de ceux-ci, alliés aux syndicats et aux partis d’oppositions rejettent.

Le Contrat première embauche (CPE) qui est en train de mettre la France sens dessus dessous, peut être défini dans les grandes lignes, comme un contrat à durée indéterminée qui permet à l’employeur de renvoyer son employé sans préavis au cours des deux premières années. A priori, il n’y pas matière à contestation d’autant que le droit positif français admet le contrat à durée déterminée qui, lui, ne peut excéder deux ans et peut ne pas être renouvelé par l’employeur à l’issue du terme s’il le juge nécessaire et cela sans rendre compte à qui que se soit.

De prime abord, les jeunes Français et les syndicats n’ont pas de raison de se mettre ainsi en « boule » si tant est que le CPE peut être considéré comme une avancée dans la lutte contre les emplois précaires compte tenu de sa durée indéterminée. Un « subterfuge » que cette durée indéterminée, rétorquent, en chœur, étudiants et syndicalistes si tant est que la latitude est donnée au patron de « dégager » son employé au bout de deux ans de travail sans préjudice aucun. De ce fait, le CPE est une sorte « d’hybride » dangereux du contrat à durée déterminée dont il n’a pas les avantages et ne vise rien d’autre que la protection du patronat déjà avantagé par le gouvernement De Villepin par le biais d’une diminution considérable des charges patronales. « C’est la porte ouverte à l’exploitation des pauvres par les riches », clament les ténors de la gauche française ragaillardis par cette fronde sociale à un peu plus d’un an, de la présidentielle de 2007.

Ségolène Royal, l’une des candidates putative à cette consultation a laissé entendre que « lorsque les jeunes ont peur de l’avenir, c’est tout un pays qui a froid », évoquant ainsi le marasme pour ne pas dire la récession économique dans laquelle se trouve la France depuis deux décennies.

La France en panne

Et l’on ne peut pas dire qu’elle s’est trompée de diagnostic, la dame Royal, dans un pays où la question fondamentale reste la relance d’une industrie sinistrée depuis l’insertion mécanique de la France dans la mondialisation et, il faut le dire, l’absence d’alternatives porteuses émanant des politiques face à cette donne.

De Mitterrand à Chirac en passant par Jospin, Balladur, tous ont fait du libéralisme solidaire avec comme conséquence, un gouffre insondable au niveau du budget de l’Etat qui s’est fortement endetté pour tenir les paris sociaux. De nos jours, le déficit de la sécurité sociale est si abyssal qu’il paralyse l’Etat français et l’empêche de stimuler et de promouvoir les secteurs vitaux comme la recherche. L’on comprend alors que 400 jeunes crient leur peur et disent leurs craintes face à un avenir qui ne chante pas.

Et ce, dans le prestigieux salon d’honneur de la Sorbonne, ce haut temple du savoir, devenu en l’espace d’un week-end, un champ de bataille avec coups de matraques, gaz lacrymogènes, jets de pierres et d’objets divers. Plus que dans cette incapacité des politiques à répondre aux attentes de leurs compatriotes, le problème de la France se trouve dans une mondialisation trop « high tech » pour elle et surtout trop prédatrice (oui, oui) avec cet ultralibéralisme qui n’a que faire des vieilles amitiés. Et cela se vérifie surtout au niveau de son « précarré » africain où elle est de plus en plus contestée. C’est ainsi que Paris a été « surpris » (ce sont les mots de l’ambassadeur Blondet que nous avons reçu il n’y a guère longtemps) par le déclenchement de la crise ivoirienne et n’a pas totalement repris la main depuis le 19 septembre 2002. L’attitude de l’Oncle Sam y est pour beaucoup, George Bush refusant jusqu’à présent, d’octroyer à Kofi Annan, le contingent supplémentaire dont il a besoin pour « régenter » en toute sécurité, la Côte d’Ivoire.

Première conséquence néfaste pour Paris dans cette situation de ni guerre ni paix, la baisse de 25% du trafic aérien avec Abidjan. Ce qui entraîne une baisse considérable du flux financier entre les deux pays. Et comme la mondialisation a ouvert les marchés, les voitures japonaises, allemandes italiennes et autres sont venues mettre les françaises hors-jeu.

Electroménager, textile, bonnetterie, la France a perdu son monopole douillet en Afrique occidentale.

Elle n’est pas mieux lotie du côté de l’Afrique centrale, la Centrafrique n’ayant pas fini de combattre ses vieux démons (avec cette insécurité qui paralyse les affaires) et le pétrole congolais étant gagé en partie. Reste celui gabonais, mais mondialisation oblige là aussi, la Chine lorgne le pactole. Et comme par ailleurs, notamment en Irak, les intérêts pétroliers français ont été passés par pertes et profits avec la chute de Saddam Hussein, on comprend la sinistrose du tissu industriel français.

Il n’est pas jusqu’à l’intérieur de l’Union européenne où les plans français ne soient contrariés par une Grande Bretagne forte de sa richesse et de sa complicité avec le cousin américain (on l’a vu lors de « l’épisode » des subventions agricoles et du rabais britannique) et bientôt, une Allemagne qui n’a plus tellement intérêt à faire tandem avec ce « looser ». Pour en revenir au CPE, disons qu’il porte un coup d’arrêt à l’envolée de Dominique de Villepin qui était jusque-là, le « chouchou » des électeurs de droite dans les sondages.

C’est désormais la dégringolade et l’on comprend qu’il se soit adressé à ses compatriotes hier soir, dans le souci évident de reprendre la main. Mais comme il ne peut pas changer fondamentalement de politique sauf à vouloir laisser le marasme perdurer, il y a à craindre que le dauphin présomptif de Chirac (présomptueux aussi ?) ne devienne le mouton du sacrifice, préparant l’avènement de celui qui n’a jamais renié le « père », Alain Juppé.

Plus que jamais, la politique française (à gauche comme à droite) ressemble à un jeu de quilles ou de massacre au grand dam du bon peuple de France.

Boubakar SY
Sidwaya

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