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FOOTBALL BURKINABE : Le patriotisme en berne ?

Publié le jeudi 5 février 2004 à 09h46min

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La prestation des Etalons à la CAN 2004 a révélé le vrai visage
du football national. Jean-Paul Rabier et ses poulains ont
d’abord suscité l’espoir, puis créé le doute avant d’effectuer une
chute vertigineuse. La remise du drapeau national par le chef de
l’Etat au "capitaine" Rahim Ouédraogo, symbole d’un ordre de
mission, s’est ainsi vidée de sa substance. En tout cas, les
Etalons ont désillusionné les fans du football burkinabè.

Le
péché était tellement capital qu’ils se sont rabaissés à leur juste
mesure pour demander pardon. Cette débâcle et ce mea culpa
ont fini par convaincre de la nécessité de redistribuer les cartes
si l’on veut être une nation de foot qui s’assume pleinement et
qui remporte, sans coup férir, des victoires.

A l’évidence, l’argent n’est pas un gage suffisant de
performance et d’excellence. Certes, les billets craquants et les
espèces sonnantes et trébuchantes sont importants pour poser
les jalons de la victoire. Mais que vaut le nerf de la guerre s’il
n’est pas sous-tendu par une volonté farouche de compétition et
d’esprit patriotique ?
On ne peut nier le fait que le sentiment national se soit mis en
branle pour soutenir les Etalons.

Au nom du foot et de la nation,
on a collecter des centaines de millions pour inciter les Etalons
à la victoire. L’argent a donc gagné la première bataille. Restait
la réalité du terrain. Mais c’était mal connaître nos adversaires,
visiblement déterminés à laisser une trace indélébile dans
l’histoire du football africain, version 2004.

La stratégie nationale a été mal ficelée. Pourquoi a-t-on attendu
la qualification des Etalons, à la veille de la CAN, avant de
commencer les cotisations ? Cette oeuvre aurait probablement
été plus salutaire si elle avait eu lieu beaucoup plus tôt. Elle
aurait permis ainsi à l’équipe nationale de cumuler des
expériences et des performances afin d’être à la hauteur des
grands événements sportifs .

Mais on a préféré arroser les
branches de l’arbre au lieu de privilégier ses racines. C’est une
erreur stratégique qui a contribué à mettre les Etalons sur la
corde raide et à les propulser finalement hors de l’aire de jeu.
Un véritable carton rouge.

Mais si les représentants du Burkina ont offert un tableau aussi
triste, c’est probablement parce que le ver est dans le fruit
depuis longtemps. On n’a pas voulu réellement crever l’abcès,
oubliant royalement que tôt ou tard, le péché national serait
affiché dans les annales du foot africain.
En réalité, les Etalons ne sont pas seuls responsables de leur
descente aux enfers.

La politique nationale en matière de sport
pose problème. Elle semble se résumer à des actions
ponctuelles avec des résultats immédiats escomptés. Si
seulement ces résultats étaient à la hauteur des attentes ! Mais
il ne faut pas se voiler la face : on ne peut pas bâtir un édifice
solide sur du sable mouvant.

Les grandes nations
footbalistiques se sont édifiées sur la base d’une politique à
long terme, avec des obligations de résultats périodiques. Mais
au Burkina, on semble ignorer cette donnée fondamentale. Il ne
faut donc pas s’étonner que le football national ait du plomb
dans l’aile... plutôt dans les crampons.

Il faut qu’on comprenne enfin que l’argent n’est une fin en soi,
surtout en football. A la place de la culture de l’argent, si
profondément ancrée au Burkina Faso, il faut la culture du
patriotisme qui, elle, manque le plus. Le patriotisme,
contrairement à l’argent, doit être le vrai ferment national, à
même de soulever les montagnes.

Tenez ! Le Zimbabwe, pays
de marasme économique, ravagé par la famine, a fait une
prestation plus que honorable par rapport au Burkina. A
l’évidence, l’équipe du Zimbabwe n’a pas été aussi friquée que
la notre. Il en est de même de la Guinée, un pays à problème
économiques et politiques sans précédents. L’argent, sans un
fort sentiment patriotique ne fera jamais tout. Or, le patriotisme
est une valeur qui s’enseigne. C’est une oeuvre de longue
haleine ? qu’il faut dès à présent inscrire dans les manuels
d’éducation civique et morale.

Il faut dès maintenant commencer
ce travail en profondeur et dans une décennie ou deux, les
résultats seront palpables dans tous les domaines notamment
dans ceux du football et de la gestion économique du Burkina
Faso. Il faut donc considérer nos déboires actuels comme une
chance, un point d’appui qui nous permette de créer, à terme, un
Burkinabè nouveau. Il ne faut pas demander l’impossible aux
Etalons. Il sont le produit de leur environnement moral.
En tout cas, la désillusion a été totale, suite à l’élimination du
onze burkinabè. Le sentiment national s’est mis en berne et
nombreux sont ceux qui se demandent si le football devrait être
classé au chapitre des priorités au Burkina.

On aurait bien voulu que la mobilisation observée autour du foot
se fasse également pour l’achat de vaccins contre la méningite.
On aurait aussi aimé voir une mobilisation financière dans
l’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire par exemple.
Mais combien de Burkinabè accepteront-ils de délier le cordon
de la bourse pour satisfaire ces besoins fondamentaux ? Quand
il s’agit cependant du football, on investit des millions, voire des
milliards de F CFA.

Que pourraient penser nos partenaires au développement, de
tels actes ? Que le Burkina est un pays riche et que
probablement, nous nous moquons du développement humain
durable. Il suffit de parcourir le dernier rapport du PNUD pour
constater que le Burkina, "pays des hommes intègres", est
dans le cercle infernal des cinq derniers pays. En somme, le
foot, c’est bon et il faut s’y investir. Mais cela ne doit pas prendre
le pas sur les vraies priorités nationales.

Le Pays

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