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Bénin : A quel jeu joue le Caméléon ?

Publié le mardi 7 mars 2006 à 08h14min

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Mathieu Kérékou

Quelque 48h après scrutin présidentiel béninois, les électeurs attendent toujours les premiers résultats officiels qui détermineront lequel des 26 prétendants succèdera à Mathieu Kérékou, frappé par la limite d’âge.

Hier, en début de soirée, les premières tendancs faisaient toutefois ressortir deux personnalités du lot, Yayi Boni et Adrien Houngbédji, pour un éventuel second tour sans qu’on sache trop si ces indices vont se confirmer et à mesure du dépouillement.

Mais, bien plus que les résultats officiels du premier tour, encore attendus, ce scrutin aura été marqué par les déclarations pour le moins singulières d’un Mathieu Kérékou, relégué, au rang de simple électeur.

C’est en effet à la sortie de l’isoloir ce dimanche, que le chef de l’Etat sortant s’est fendu d’un commentaire sur l’organisation du scrutin, jetant, c’est le moins que l’on puisse dire, le pavé dans la marre.

« L’élection que nous avons souhaité transparente ne le sera pas. Vous le savez, les candidats le savent et ne disent rien, ceux qui sont chargés de l’élection ne disent rien non plus » a déclaré Mathieu Kérékou qui, quant à lui, n’a pas eu peur de parler.

Il faut dire que de courage et surtout d’expérience politique, l’ancien commandant n’en manque pas. Arrivé au pouvoir une première fois à la faveur d’un putsch en 1972, il a présidé aux destinées de l’ancien Dahomey jusqu en 1990, année de sa défaite face à Nicéphore Soglo, actuel maire de Cotonou. Ce n’est qu’en 1996, que celui qui s’identifie désormais au caméléon reconquerra le pouvoir.

A la fin de son ultime mandat au sommet de l’Etat et alors que ses concitoyens voyaient en lui, le sage garant de la bonne administration du scrutin, voila que le général Kérékou joue les troubles faits.

Non contant d’usurper les fonctions de porte parole des observateurs en dénonçant les nombreuses irrégularités de la consultation, le président sortant s’érige en champion de la morale.

Pour ce fervent chrétien en effet, « il ne sera jamais dit que le Bénin a organisé l’élection présidentielle dans les ténèbres (...). S’il le faut, on passera trois ou quatre mois pour vérifier les résultats, comme aux Etats-Unis ». Et comment sera gouverné le pays durant ces trois ou quatre mois consacrés à la vérification des résultats ?

Le président sortant ne le dit pas, mais il y a fort à parier que son équipe assumera alors la gestion des affaires courantes.

"La branche ne cassera jamais sous les pieds du caméléon" avait un jour affirmé Mathieu Kérékou, s’identifiant par la même occasion au petit reptile connu pour ses dons d’adaptation.

Alors à quel jeu veut donc s’adonner le Caméléon contraint qu’il est, par la limite d’âge, à tirer sa révérence ?

Il faut croire que cette nouvelle posture constitue un moyen déguisé pour un homme habitué aux privilèges du pouvoir, de faire passer la pilule d’une prolongation artificielle du mandat présidentiel.

Après 29 années d’une carrière présidentielle bien remplie, Mathieu Kérékou est sensé se retirer du jeu politique, c’est en tout cas ce qu’il avait laissé croire.

Si cela avait été le cas, le président sortant aurait laissé à ses héritiers, les nouveaux acteurs de la vie politique béninoise, le soin de relever les éventuelles insuffisances de la présente consultation.

Mais, tel la mouche du coche, le président sortant se perçoit comme l’indispensable garant de la morale politique au Bénin. Il oublie sans doute qu’en politique comme dans bien des domaines, il est toujours préférable de quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent.

H. Marie Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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