Crise ivoirienne : Le jeu de cache-cache se poursuit
Il n’est pas un seul observateur de la scène politique ivoirienne qui n’a pas salué l’essai réussi du Premier ministre de transition, Charles Konan Banny. Réunir les têtes de proue de la crise sur les terres même d’Houphouët pour se parler droit dans les yeux, c’est, en effet, l’exploit inespéré réalisé par l’ancien grand banquier de l’UEMOA pour sortir son pays du rouge.
On peut donc se permettre de rêver ? Non, pas si vite ! Car, comme plus d’un l’auront remarqué, depuis l’ouverture des hostilités le 19 septembre 2002, la sincérité est loin d’être la chose la mieux partagée dans la contrée du "coupé-décalé", où la mauvaise foi est la règle d’or, et pour cause.
La communauté internationale n’a pas encore fini d’applaudir l’aboutissement du sommet des cinq de Yamoussoukro (Charles Konan Banny, Koudou Laurent Gbagbo, Henry Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara, Kigbafory Guillaume Soro), tenu le 28 février dernier, que le camp présidentiel s’en démarque, et de quelle manière ! Comme pour défier et la rébellion et l’opposition, ne voilà-t-il pas que dès le jeudi 02 mars a été créé le Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD) ?
Nous n’en aurions rien dit si les objectifs de cette coalition de 16 partis et mouvements politiques, 4 groupements professionnels et 7 organisations de la société civile, n’annihilaient pas les efforts des missions de bons offices. Jugez-en donc :
" libération nationale et restauration de la souveraineté de l’Etat ;
conjugaison des efforts et actions de lutte en vue d’obtenir le désarmement de la rébellion", entre autres. Et que penser de l’élévation de la première dame, Simone Ehivet Gbagbo, aux fonctions de secrétaire générale du CNRD ? Quoiqu’on dise, on ne peut que voir l’ombre de son époux de président, dans ce "new deal". Il y a des signes qui ne trompent guère, et l’opposition, à l’instar des forces nouvelles, auraient tort de croire qu’il suffit d’un coup de bâton magique pour apprivoiser ceux qui ont érigé la roublardise, le double-jeu et l’utilisation de la rue en système de gouvernement.
La présence de Charles Blé Goudé, Laurent Dona Fologo, Pascal Affi N’Guessan, Kablan Appia, Kahé Eric, Bro Grébé, Bernard Blin Dadié et autres Séri Gnoléba, Ahoua N’Guetta dans le bureau du fameux congrès est beaucoup plus une invite à la prudence qu’un acte d’adhésion à l’évangile du messie venu de la BCEAO. Car, le jeu de cache-cache se poursuit.
Heureusement que le corps diplomatique, invité à la signature de la charte du CNRD, a compris le manège et boudé son onction, sinon ç’eût été un désaveu de la feuille de route de Charles Konan Banny qui n’est décidément pas au bout de ses peines.
Rabi Mitibkèta
Observateur Paalga