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Industrialisation du Burkina : Le textile manque à l’appel

Publié le vendredi 3 mars 2006 à 07h54min

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Le Burkina Faso occupe désormais la première place des pays producteurs de coton en Afrique. Si les usines d’engrenage ont poussé sur le territoire national, ce n’est pas le cas des unités de transformation en produits finis. Le pays importe des produits textiles pour environ 70 milliards F CFA, chaque année.

En une décennie, le Burkina Faso a accompli des exploits dans la culture de l’or blanc. De 1994 à 2005, le pays est passé du 11e rang à la 1ère place au classement des Etats africains producteurs de coton. La production nationale pour la campagne 2005-2006 pourrait atteindre les 700 000 tonnes (t) de coton graine.

L’engouement de la paysannerie pour cette culture de rente a permis l’installation de deux autres sociétés (Faso Coton, Socoma) en plus de la Sofitex. Aujourd’hui, le coton représente 60% des exportations et 35% du Produit intérieur brut (PIB) du Burkina Faso. Sa culture occupe environ 300 000 personnes. C’est dire que l’or blanc joue a priori un rôle prépondérant dans l’économie nationale.

Si la culture du coton génère des richesses en milieu rural et crée des emplois à travers les dizaines usines d’égrenage, le secteur ne produit pas suffisamment les effets induits. Seulement 2% de la production locale sont transformés sur place. Comme celui des autres Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), le coton burkinabè souffre de son manque de transformation.

« L’absence d’une véritable politique encourageant la valorisation du coton localement produit, apparaît comme une des principales raisons du non décollage de l’industrie textile dans l’espace communautaire » a noté la Société européenne de réalisations, d’études et de services (SERES) à l’atelier régional sur le transformation du coton fibre à Lomé au Togo les 25 et 26 novembre 2002.

Freiner la contrefaçon et la fraude

A défaut de disposer d’une industrie textile, le Burkina Faso exporte son or blanc très compétitif vers des pays qui n’en produisent pas suffisamment ou pas du tout. Aussi, ceux dont la sueur n’a pas coulé dans des champs de coton comme la Tunisie, le Maroc, le Kenya profitent mieux des retombées du coton que les populations burkinabè.

Pire, le Burkina Faso importe annuellement pour 70 milliards de F CFA de produits textiles finis. Un paradoxe pour un pays classé premier dans le secteur de l’or blanc sur le continent noir. Au-delà des subventions américaino européennes, c’est la présence dans les différents secteurs de l’industrie textile des contonculteurs des pays du Nord qui explique leur dicktat. Les 25 000 cotonculteurs américains constituent un puissant lobby avec lequel le politique doit composer dans ses prises de décision. Ce qui leur permet de tenir tête à des milliers de leurs camarades à travers le monde. En effet, le textile a un puissant effet d’entraînement sur le tissu industriel d’un pays : égrenage, trituration, filature, teinture, fil, tissage, bonneterie, confection...

L’industrialisation rapide de la grande Bretagne au XVIIIe siècle s’explique en partie par le devéloppement de son textile. Bouleverser cette industrie au Nord pourrait conduire à un risque social et financier sans précédent. La développer au Sud serait mieux pour lutter contre la pauvreté à travers une valeur ajoutée plus conséquente. Des pays africains refusent de se rendre à l’évidence de cette deuxième option. Ils fondent leurs expériences sur une issue favorable des négociations à l’organisation mondiale du commerce (OMC) pour l’annulation des subventions.

Le Burkina Faso ne figure pas parmi les pays de l’UEMOA identifiés par les investisseurs internationaux pour de nouveaux projets dans le textile : filature (Bénin Mali), tissage/ennoblissement (Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Sénégal), confection (Sénégal). Et à moins de mesures spéciales pour sécuriser le marché, Fasotex aurait de la peine à s’imposer sur un marché envahi par les pagnes asiatiques. Cette unité pourrait vite suffoquer si des vaccins contre les maux actuels de l’économie ne lui sont pas administrés à temps.

Des opportunités à saisir tôt

Si les pays producteurs d’Afrique n’y prennent garde, un jour leur coton pourrait subir le même sort, une mévente totale comme le cacao dans les années 90. Le coton transgénique avec ses avantages de rentabilité et de teinture menace sérieusement la survie de l’or blanc dans les pays ne disposant pas encore de cette technologie. « La bourse de Brême (Allemagne) qui importait 60% du coton africain n’en demande aujourd’hui que 20% ».
Le Burkina Faso bénéficie pourtant d’atouts commerciaux pour développer une industrie textile performante et se mettre à l’abri d’un scénario catastrophique où personne ne voudrait de son coton.

Les accords signés dans le cadre des ACP (Afrique-Caraïbes- Pacifique) et les textes relatifs à l’AGOA (Africain growth opportunity act) confèrent au secteur du coton du pays des avantages certains sur le marché international : exonération de droits de douane, exemption de certaines restrictions (barrières non tarifaires) sur le marché unique européen, accès libre (hors quota et leurs droits de douane) sur le marché américain. Les activités des usines d’égrenage ont favorisé l’implantation d’huileries (SN-CITEC, Jossira, SOFIB, etc) avec leurs emplois et les valeurs ajoutées.

Il reste à mettre en branle les autres pans de l’industrie textile pour que le Burkina Faso tire réellement profit de sa production cotonnière pour le marché international.

Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)
Sidwaya

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