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Pari mutuel urbain : Les « presser-presser » ou les « margouillats » font le jeu

Publié le mardi 21 février 2006 à 07h31min

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Dans leur jargon, on les appelle les « presser-presser ». Ou encore, les « margouillats ». Ce sont des individus postés aux abords du siège de la LONAB qui proposent le rachat des tickets gagnants du PMU’B. Voyage dans un univers de « gagne-pain » atypique.

Ils ne sont pas des margouillats à quatre pattes avec une queue et des écailles. Ce sont des débrouillards de la loterie. Ou les sous traitants du pari urbain du siège de la Loterie nationale du Burkina (LONAB). Ou encore les « margouillats » des jeux du hasard. On les appelle ainsi, parce qu’ils rachètent les tickets gagnants aux parieurs qui sont pressés d’empocher leur gain. Ils sont jeunes, et ont un âge compris entre 17 ans et 30 ans ; sinon plus.

Leur activité consiste donc à racheter les tickets gagnants aux parieurs à un prix en deçà du montant à percevoir. Ainsi, ils payent un ticket qui doit gagner normalement 25 000 FCFA à 20 000 FCFA.

Ils troquent l’argent contre les tickets gagnants du PMU’B aux abords de la LONAB. C’est rapide mais le gagnant perd 5 000 FCFA dans ce jeu. Du matin au soir, ils sont arrêtés ou assis aux alentours de la LONAB avec dans leurs mains, les résultats du pari de la veille inscrits sur des bouts de papier qu’ils tendent volontiers aux passants. D’autres encore exercent devant les kiosques PMU’B. Ils sont massés le long de la rue de la Chance, celle du Grand marché qui jouxte la LONAB à Ouagadougou.

Ce « deal » fait vivre des dizaines de jeunes qui s’auto-emploient ainsi. Les gens viennent dans ce milieu par nécessité. C’est l’opinion émise et défendue par la majorité des « presser-presser ». « Je me suis lancé dans cette activité parce que je n’ai rien à faire. C’est pour passer le temps » , confie Didier Banissi. « Je joue au PMU’B mais je ne gagne jamais », affirme-t-il. Il refuse d’être photographié : « Pourquoi on va publier ma photo dans un journal pour une activité qui ne sert à rien ? ». Et pourtant ?

Chaque « presser-presser » a à sa charge au moins deux personnes qui travaillent avec lui. C’est un business auquel s’adonnent les jeunes ouagalais en quête d’emploi. C’est le boulot de centaines de personnes dans notre capitale. « Etre margouillat est un gagne-pain pour moi. Par jour, je peux gagner entre 5 000 et 7 500 FCFA »., a expliqué Auguste Konditamdé avant de préciser qu’il travaille tôt le matin jusqu’à 15 heures. Un deal « juteux » d’autant plus qu’un travailleur moyen de l’administration publique n’a pas 7500 F CFA/jour.

La débrouillardise rapporte donc, donnant ainsi raison au groupe musical Clepto Gang pour qui, Ouaga est technique. Il faut pour se faire, apprendre à lire le jeu. Et les « presser-presser » semblent en tous cas avoir compris le système. « Le PMU’B fait vivre beaucoup de monde à Ouagadougou », confie un pronostiqueur, Sib Sansan.

Entre quête de sa pitance et espoir d’un lendemain meilleur, les « presser-presser » échangent, évoquent tous les sujets. Ils rigolaient, se tapotaient ce jour-là, histoire de mieux detendre l’atmosphère. Par petits groupes, ils sont soit debout, soit assis dans l’attente d’éventuels parieurs en possession d’un ticket gagnant. « Ah, ce travail-là ! on se démerde, des fois on gagne, des fois on perd.

Les gagnants nous donnent un peu de sous lorsqu’on les aide à toucher leur ticket », a souligné Abdoul Aziz Nikiéma, un « presser-presser ». Grâce à cette activité, il estime joindre les deux bouts, même s’il se refuse à dévoiler en termes chiffrés son gain. Le business des « presser-presser » requiert courage et bonne santé physique. En plus de la longue station debout, ils doivent affronter les dangers de la route. « Le fait de s’arrêter à côté du goudron est dangereux. On a peur des accidents mais (...?) y a pas de travail pour les jeunes. On se débrouille...! », a poursuivi Abdoul Aziz Nikiéma. »On s’arrête du matin au soir, c’est un job fatiguant ; mais que voulez-vous ?

On cherche à manger », a-t-il déclaré d’un air résigné avant de se faire servir du « zoom koom » qu’il a payé à 100 FCFA. Le milieu des « margouillats » est un environnement variable auquel il faut s’adapter en permanence. Les rayons ardents du soleil, les accidents, sont autant d’épreuves auxquelles il faut résister pour se faire une place dans ce business.

Victimes ou complices de la cupidité des parieurs ?

Dans le monde des « margouillats », se dégage un constat frappant. Aucune femme n’exerce cette activité. C’est pour l’instant, un métier exclusivement masculin. Les explications concernant cette absence des filles vont bon train. « Moi, je pense que c’est parce que l’activité est très difficile que les filles ne s’y lancent pas. C’est pas facile de s’arrêter du matin au soir », a relevé Sib Sansan.

Mais, les « presser-presser » doivent faire face à la cupidité des parieurs. « Les gens modifient les numéros sur les tickets pour nous les revendre. Si on rentre avec ce ticket à la LONAB, ce sont des problèmes car là-bas, on ne cherche pas à savoir si tu as bouffé ou acheté le ticket. On peut même t’emprisonner pour usage de faux ticket », clame Abdoul Aziz Nikiéma.

Les faux tickets, ils en payent donc à leur frais. Il faut être vigilant pour distinguer le bon grain de l’ivraie : savoir payer le bon ticket. « Les margouillats » travaillent en réseau. « Un margouillat » a au moins deux collaborateurs qui travaillent avec lui. « Des individus sont assis à côté et nous prêtent l’argent pour l’achat des tickets. Lorsque le montant est trop élevé, on les appelle pour qu’ils viennent payer » ,a expliqué Ahmed Samdé, affirmant passer une semaine parfois sans encaisser le moindre sous. A côté des « margouillats », il y a les pronostiqueurs. Les deux groupes se côtoient dans la complémentarité et l’entente.

Pronostiqueurs ou vendeurs de fortune ?

Les pronostiqueurs connaissent les chevaux. « On grouille pour avoir un minimum d’information sur la performance des chevaux. On en fait une synthèse dans un journal que l’on vend aux parieurs à un prix variable (100 à 2 000 FCFA) », a indiqué Sib Sansan. Mais, ils ne se contentent pas seulement de vendre des numéros aux parieurs, ils tentent aussi leur chance. Ils sont en quelque sorte, des vendeurs de fortune. « Il arrive que je vende la bonne combinaison à un parieur », déclare Sib Sansan, pronostiqueur de PMU’B depuis trois ans. Il fonde l’espoir d’ouvrir un jour un secrétariat pour s’installer à son propre compte. Il vend en moyenne par jour huit journaux à 2 000 FCFA l’unité. Ce qui lui fait une recette de 16 000 FCFA. Une partie va servir à renouveler son abonnement sur internet. Reconnaissant que le marché est saturé, Sib Sansan pense que la performance du journal est désormais de mise.

Nadoun COULIBALY (coulibalynadoun2002@yahofr)
Sidwaya

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