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Bénin : La galaxie anticorruption en marche

Publié le lundi 20 février 2006 à 07h45min

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Avant de céder définitivement le fauteuil présidentiel dans quelques mois, Mathieu Kérékou vient de frapper très fort à la tête de l’Etat en limogeant son ministre des Affaires étrangères, pris en flagrant délit de malversations immobilières . Rogatien Biaou s’est rendu coupable, selon l’acte officiel d’accusation, d’avoir vendu un terrain qui devait servir de siège à la représentation de son pays à l’ONU à New-York.

Une faute très grave au regard de l’importance stratégique, politique et diplomatique de ce département ministériel censé être la vitrine du Bénin à l’extérieur. Jusque-là, le Bénin était l’illustration d’un pays par qui la graine de la démocratie a germé sous nos tropiques, notamment dans le pré-carré français. Dès lors, le pays de Mathieu Kérékou était devenu une référence démocratique et un miroir de la bonne gouvernance qui font des jaloux dans certaines capitales africaines.

Kérékou ne pouvait donc supporter qu’un de ses collaborateurs directs écorne une telle image de respectabilité internationale. Intraitable dans sa décision irrévocable de ne pas solliciter un énième mandat, malgré les pressions de son entourage, il a les mains libres pour nettoyer les écuries avant de céder le pouvoir à son successeur. L’expérience du pouvoir aidant, le "caméléon" demeure conscient que l’après-pouvoir sera couvert d’épines ou de roses selon qu’il a fait de son magistère une mission ou un métier.

Mathieu Kérékou voudrait certainement être cet ancien homme d’Etat que les Béninois auront à regretter. Il sait que le peuple béninois lui saura gré de vouloir débarrasser le navire des prédateurs et des voyageurs clandestins qui risquent de le faire couler. Une fois de plus, le Bénin veut prouver qu’il n’est pas une république bananière.

Profitant certainement de l’effervescence préélectorale qui règne actuellement au Bénin, le ministre des Affaires étrangères a eu l’imprudence de penser que la galaxie anticorruption de Kérékou allait baisser la garde. En fait, ce n’est pas la seule fois que le pouvoi

r de Kérékou fait épingler des responsables de son régime. Il a mis en place une structure indépendante aux prérogatives étendues, directement rattachée à la présidence et qui s’est illustrée de façon satisfaisante dans la lutte contre les détournements, la corruption et l’impunité, sans considération du poids politique, économique ou financier de ceux qui violent les consignes de la bonne gouvernance. En se séparant d’un de ses collaborateurs, Mathieu Kérékou envoie un message fort à certains qui se refusent à secouer la ruche de leur régime pleine d’abeilles agglutinées autour d’eux.

Entre deux méthodes, celle brutale et celle feutrée de lutte contre les détournements de deniers publics et autres malversations, le Bénin a choisi la première. Certainement que Kérékou n’a rien à se reprocher. Sous d’autres cieux, on soupçonne les responsables au sommet d’être tellement de connivence avec les auteurs de détournements qu’ils préfèrent piétiner certains dossiers qui risquent de les compromettre eux-mêmes. Dans ces pays, on se contente des effets d’annonces sans effet pour se donner bonne conscience en espérant qu’avec le temps, le citoyen oubliera.

Cette forme de protection s’explique par le fait qu’au sommet de l’Etat, certains responsables craignent le retour de la manivelle, et de se retrouver dans la posture de l’arroseur arrosé. Quand bien même l’accusation de détournement est assortie de poursuites judiciaires, le dossier ne dépasse jamais l’étape des salons présidentiels. C’est vrai que certains collaborateurs des chefs d’Etat détiennent des dossiers compromettants pour eux.

En Afrique, le refrain "tu me tiens, je te tiens" est en vogue. Pourtant, au Sénégal, Abdoulaye Wade qui vient de limoger un ministre pour malversations n’a pas craint d’envoyer son ancien Premier ministre, Idrissa Seck, devant les tribunaux malgré les menaces de ce dernier de charger son ancien patron. Et pourtant, Dieu seul sait combien la justice sénégalaise est indépendante au regard de ce qui se passe ailleurs sur le continent.

Que craignent alors certains responsables africains qui savent qu’avec leurs juridictions actuelles, ils peuvent tranquillement se la couler douce ? En attendant, les citoyens pourraient bien se passer de ces mécanismes budgétivores, destinés à la consommation extérieure, mais qui n’apportent rien à la résolution de leurs problèmes.

En tout état de cause, le président Kérékou n’est certainement pas à son dernier acte de fermeté. Il entend prouver que même partant, il reste pour le moment le seul maître à bord et qu’en démocratie, il doit exister un juste milieu entre la nécessaire tolérance et la faiblesse qui déconsidère l’Etat de droit.

Le Pays

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