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Dérive du Clémenceau : Porte-avions cherche endroit pour mourir

Publié le vendredi 17 février 2006 à 04h50min

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Peine perdue pour la France. Le Clémenceau doit finalement rejoindre le port de Brest, après plusieurs semaines d’errance en mer. Ce retour forcé remet sur le tapis la destinée de ce bâtiment, qui a été jadis un des fleurons de l’armée française.

Le 8e porte-avions du pays, qui a servi de 61 à 97, était parti le 30 décembre 2005, du port de Toulon pour l’Inde, où l’on devait le débarrasser de son amiante. Premier couac : l’Egypte lui refuse le passage du canal par le canal de Suez.

Mais de tractation en tractation, il arrive à continuer son chemin. Second couac : par une décision de justice, et avant même que bateau jette l’ancre, le pays de destination stipule que la France a violé la Convention de Bâle sur les déchets dangereux. Par cet arrêt, les autorités indiennes ferment les portes de leur port au Clémenceau, qui doit s’en retourner, la queue, pardon, la poupe entre les pattes. Le dernier couac, ou l’iceberg fatal pour ce navire, c’est la toute récente décision du Conseil d’Etat français, qui a considéré le bâtiment comme un déchet dangereux et non comme un navire de guerre. Dépité, Chirac a décidé de son rapatriement, et pour revenir à la maison, il passera près de la Réunion en contournant l’Afrique.

Du coup, cette deuxième odyssée du « Clém », qui a fait de la France la risée d’une partie du monde, rappelle cet autre périple tout aussi médiatisé que hautement rocambolesque du même navire en 2003. Alors, les observateurs se gaussaient de l’embarras dans laquelle se trouvait la Chiraquie. C’est vrai que quand on a contre soi le redoutable professionnalisme d’activistes comme les militants de Greenpeace, l’on est presque parti perdant d’avance.

C’est quoi donc ce géant des mers, qui peut accueillir une quarantaine d’avions de guerre, que beaucoup rêvent de posséder, mais dont il est si difficile de se débarrasser ? Cette question, bien des personnes se la posent toujours. Même si la forte présence d’amiante (qui est un véritable problème de santé publique dans bien des pays) est un début de réponse à la question, le destin de celui qui a été rebaptisé « le Croque Q790 » est en soi original, mais bien triste.

Et s’il y a un monsieur qui doit se retourner dans sa tombe depuis plus de trois ans, il s’agirait assurément de Georges Clémenceau (1841-1929), cet ancien homme politique français, dénommé le Tigre, tant sa volonté de vaincre était d’acier, dont le navire porte le nom. A moins qu’on lui donne une idée du tonnage d’amiante qu’il y a dans l’ancien navire de guerre pour tempérer sa tristesse.

Malheureusement, cette affaire a permis de constater la fracture béante qu’il y a au sein de la classe politique française, particulièrement les luttes de clans, côté pouvoir : il y en a par exemple qui ont jubilé, tels les sarkozystes de tous poils. Ces derniers oublient sans doute que c’est le fameux cocorico de leur pays commun qui en ressortait étouffé, et que c’est le contribuable français qui paye pour ces coûteux va-et-vient du Clémenceau. Pourtant, on doit louer la France pour son esprit légaliste dans la gestion de ce dossier.

Même si personne ne veut de déchets chez lui, voici quand même un pays qui, en toute légalité, toute transparence et selon les normes internationales de sécurité, essaie de détruire un objet qui contient une matière dangereuse et qui veut donner du même coup de l’emploi (nous n’ironisons pas) à des ouvriers indiens désargentés. Il faut reconnaître que d’autres gouvernants d’autres nations dites civilisées ne se seraient pas encombrés de tant de scrupules pour se débarrasser du navire.

Malgré les cris d’orfraie qu’auraient poussés les ligues de protection de l’environnement, on voit mal un Poutine faire un geste, ne serait-ce que le signe de croix orthodoxe, avant de couler pareil bâtiment, devenu encombrant. En attestent les sous-marins nucléaires qui gisent dans les profondeurs de la mer de Barents aux environs de Mourmansk.

Issa K. Barry
Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 21 février 2006 à 14:09 En réponse à : > Dérive du Clémenceau : Porte-avions cherche endroit pour mourir

    Merci de cet article.

    Je suis Français, plutôt "gauchiste". Je n’aime ni Chirac, ni Sarkozy, et je ne suis pas particulièrement épatriote". Mais je suis étonné de cette risée généralisée à propos de maladresses politiques autour d’une opération qu’effectivement bien d’autres auraient mené sans tambour ni trompettes.

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